Avant propos
Dès le départ du super ministre Ahmed Ben
Salah en Novembre 1969 et le coup d’arrêt
de la politique des coopératives
, le gouvernement dirigé par Hédi Nouira
a lancé plusieurs chantiers à la fois dont celui de l’éducation, il a constitué
dès l’été 1970 pour
cela une commission ministérielle chargé « d’étudier les points
faibles du système éducatif et d’introduire les améliorations adéquates »
,
parallèlement le ministère de
l’éducation nationale avait mis en place des commissions permanentes
spécialisées qui ont été chargées de faire une étude approfondie du système
éducatif , à la fin de leurs travaux ces commissions ont proposé des orientations
pour une nouvelle réforme, elles ont aussi arrêté les mesures à prendre pour remédier aux défaillances qu’elles ont
relevées[2]
dans le système
Le ministère a publié en juin 1972 un document de synthèse qui a essayé de
reprendre les recommandations des commissions permanentes, le document fut
intitulé : Préambule au projet
de réforme du système éducatif[3],
vu la valeur historique de ce
document le blog pédagogique a voulu le reproduire pour ses lecteurs.
Le document
commence par un bilan de la première décennie (les réalisations et les
insuffisances) puis il reprend les objectifs
et les réformes présentés par les rapports des trois commissions [4]
République Tunisienne
Ministère de l’éducation nationale
Introduction
aux projets de réformes éducatives [5]
Juin 1972
Troisièmement : Résumé des
principaux objectifs …… dans les rapports « les grandes
orientations » : essai d’évaluation de leur impact sur les coûts.
Premièrement : les réformes prévues
dans l’enseignement primaire
Après un bref exposé de l’état actuel, et
l’insistance sur le handicap ou le déficit provoqué par la réduction de l’horaire
de l’enseignement et de l’utilisation de
la même salle de cours par deux classes d’un côté, et l’inadéquation des
programmes avec la réalité tunisienne et le bilinguisme d’un autre côté, le
rapport réservé aux orientations principales de la réforme de l’enseignement
primaire a présenté une série de propositions qu’on peut grouper en deux grands
types :
Le premier se rapporte au contenu de
l’enseignement qui doit être conforme à la finalité fixée pour ce niveau (choix
de la langue d’enseignement, les matières, les méthodes pédagogiques etc…)
Le deuxième type de propositions concerne les aspects techniques de
l’enseignement primaire, et elles se résument dans :
1)
Le taux d’utilisation des salles : le rapport propose d’abandonner
progressivement le système actuel de rotation, pour pouvoir augmenter les
heures d’enseignement d’une part, et pour établir de meilleurs emplois du temps
pour l’enseignant d’autre part ; ainsi on pourrait attribuer une salle
pour chaque classe.
2)
Les heures d’enseignement : 4 hypothèses ont été proposées
pour augmenter l’horaire à l’école primaire qui est estimée insuffisant
actuellement, et qui est considéré comme la cause de la baisse du niveau à
l’école primaire.
La direction de l’enseignement primaire penche vers
l’hypothèse 3 qui propose la grille suivante : 20 heures hebdomadaires
pour la 1er et la 2ème année, au lieu de 15 h en 1er
et 20 h en 2éme, et 30 heures hebdomadaires pour les 3ème, 4ème, 5ème et 6ème,
au lieu de 25 h actuellement ; cette hypothèse va engendrer des coûts
supplémentaires, au cours de la prochaine décennie (en plus des coûts induits
par l’évolution normale de l’enseignement primaire), le supplément peut être
estimé à 7 millions de dinars à peu près pour les dépenses d’investissement, et
environ 36 millions de dinars pour les dépenses de gestion.
Sachant que les dépenses d’investissement au niveau de
l’enseignement primaire avaient atteint 26.700.000 Dinars au cours de la
décennie écoulée.
3)
L’amélioration du niveau des enseignants : le rapport propose l’amélioration
du niveau des enseignants du primaire, en agissant à l’amont, c'est-à-dire à
l’entrée aux écoles normales (une meilleure sélection), mais aussi par
l’amélioration des programmes de ces écoles et des salaires des instituteurs ;
notons qu’on n’a pas encore calculer le coût de l’amélioration du niveau des
salaires ; le rapport s’est limité à demander « un effort graduel »
dans ce domaine, et il propose de
mettre des logements gratuits à la disposition des enseignants dans le milieu
rural.
D’autre part, et tenant compte du rôle des directeurs des
écoles primaires dans le domaine de l’animation pédagogique, il devient
nécessaire de penser à revaloriser leur fonction par la création d’un corps spécifique.
Deuxièmement : les réformes proposées pour
l’enseignement secondaire
Le rapport concernant les grandes
orientations pour la réforme de l’enseignement secondaire
comporte une analyse critique de l’état des lieux et les objectifs assignés à
ce cycle ; ensuite il a proposé une nouvelle organisation du système
éducatif plus adaptée à la réalité que les structures actuelles.
La nouvelle organisation est fondée sur
la nécessité d’harmoniser l’enseignement secondaire général et l’enseignement
secondaire technique, au niveau de la durée
d’une part, et d’autre part, sur la nécessité de réviser les
contenus, de relever le niveau des
études, d’ajuster l’orientation des élèves en en fonction des besoins du marché
de l’emploi.
On pourrait résumer les recommandations
comme suit :
1.
Améliorer le niveau des élèves admis en première année
de l’enseignement secondaire, et ce en appliquant le régime du concours
d’entrée en 1er année d’une manière normale[6].
2.
La souplesse de l’orientation des élèves au cours de
la scolarité afin de mieux exploiter toutes les opportunités.
3.
Améliorer les contenus de l’enseignement.
4.
Améliorer le rendement
5.
Relier d’une manière plus précise l’orientation des
élèves vers les différentes filières et les sections et le marché de l’emploi.
6.
Tunisifier le cadre enseignant avec l’augmentation des
salaires des professeurs et revalorisation des fonctions occupées par les
directeurs des lycées et le corps de l’inspection pédagogique
7.
Réduire la taille des lycées
8.
Spécialiser les lycées
9.
Généraliser le régime de 7 ans
10.
Supprimer la section commerciale de l’enseignement
professionnel
11.
Elargir le cadre de la section industrielle par la
création de nouvelles spécialités en rapport avec les besoins du marché de
l’emploi
12.
Améliorer le niveau des enseignants du secondaire (organisation
des cycles de formation initiale et la formation continue et promotion des
professeurs adjoints)
Concernant l’impact financier de ces
mesures, il est difficile, à cette étape de la recherche, de présenter
des estimations provisoires, même à
titre approximatif ; mais on peut, tout de même, attirer l’attention au
fait que la tunisification du cadre enseignant, qui devrait s’achever d’après les prévisions à
la fin de la prochaine décennie, va entrainer une réduction de la croissance des dépenses de gestion pour
l’enseignement secondaire , bien que son effet sera limité si l’on prend en considération l’objectif d’amélioration des salaires des
professeurs tunisiens.
Bien sûr que les autres mesures, comme
la réduction de la taille des lycées,
vont entrainer une augmentation des frais d’investissement et de gestion ; mais
cela va s’accompagner par l’amélioration du rendement interne du système.
Troisièmement : les réformes
proposées pour l’enseignement supérieur
Le rapport contient les grandes
orientations de la réforme de l’enseignement supérieur ; il présente aussi
une analyse critique de l’état des lieux à l’université, en ce qui touche les
enseignants, les étudiants et les programmes ; enfin le rapport a essayé
de rénover la mission de l’université, cette mission qui consiste à :
§
Former des cadres compétents capables de travailler et
de répondre aux exigences de l’économie
moderne qui est en évolution continue.
§
Promouvoir une élite apte à tirer la nation vers la
voie du progrès et de la civilisation
§
Promulguer des savoirs précis, innovants et conformes
à l’époque
Ainsi, il n’est plus question de diffuser
l’enseignement pour l’enseignement, ni de former des personnes qui savent tout ;
autrement dit la question n’est plus une affaire d’amateurisme.
Et partant de ce constat, la nouvelle
politique universitaire doit prendre en compte les cinq considérations (exigences)
suivantes :
1.
Créer des structures administratives et pédagogiques
adéquates
2.
Organiser l’accès à l’université sur de nouvelles
bases.
3.
Concevoir des programmes d’enseignement et de
recherche qui assurent aux étudiants une formation solide conforme aux besoins
de l’économie et en harmonie avec le marché de l’emploi, le tout associé à la
tunisification des cadres et de l’arabisation de certains secteurs d’une façon
graduelle.
4.
Revoir radicalement la vie estudiantine : sa
forme, son type afin que les étudiants puissent prendre conscience de leur
véritable rôle et s’intégrer dans la réalité tunisienne, tout cela en
développant chez eux le sens de la responsabilité.
Quant aux structures, en plus de celles
qui existent actuellement, le projet propose la création d’un poste de directeur de
faculté qui sera responsable de la gestion administrative et financière, et la
fonction de délégué général de l’université qui aura la mission de la présider.
5.
Revoir le mode de recrutement des enseignants du
supérieur sur des nouvelles bases.
Au sujet du régime des études, le projet
recommande clairement la création d’une année de pré orientation qui va
constituer l’épine dorsale des nouvelles structures ; cette année de pré orientation
sera organisée dans de grands centres régionaux ; elle doit déboucher sur
trois types d’enseignement : un enseignement centré sur la recherche, un
enseignement théorique et pratique, et un troisième enseignement lié au marché
de l’emploi (cycle court).
L’année de pré orientation s’intègre
dans le cadre de la création des études dédiées au domaine de l’orientation
scolaire et universitaire ; ces études vont permettre de réaliser un type
d’orientation qu’on pourrait qualifier « d’orientation élective », à
la place de « l’orientation sélective » à laquelle aboutit tout système éducatif
contradictoire ; l’année de pré orientation sera aussi renforcée par des
passerelles entre les trois types d’enseignement déjà cités, afin que chaque
étudiant sente qu’il profite de tous les droits et de toutes les chances qui
lui permettent de s’accomplir dans les meilleures conditions.
Sur le plan des structures, le rapport
estime que la multiplication des instituts spécialisés est plus proche du bon
sens, et il propose de diviser les facultés et les grands instituts et une
réorganisation de l’année universitaire pour instaurer le régime du contrôle
continu et l’intégration des étudiants dans les milieux économiques, sociaux et
culturels.
Enfin, il faudrait, au moment de
l’élaboration des programmes, prendre en considération la nécessité de faire
acquérir aux étudiants les compétences et les aptitudes et leur inculquer les
styles de travail conformes aux emplois qui les attendent ; ainsi on
facilite leur insertion dans la réalité nationale.
Ceci dit, il serait difficile d’estimer
les coûts des réformes proposées, comme c’est le cas pour l’enseignement
secondaire ; d’ailleurs le projet propose de charger des commissions
techniques pour approfondir la question, mais on peut, d’ores et déjà,
considérer que l’organisation de l’année de pré orientation dans les régions et
la multiplication des instituts spécialisés et l’insertion des étudiants dans
la société par les stages, tout cela va
entrainer sûrement une augmentation des
dépenses d’investissement et de gestion. Il ne s’agit guère de remettre en question l’efficacité de ces
mesures. D’ailleurs le projet reconnait « la nécessité de revaloriser la profession
enseignante » (statut, la grille indiciaire, promotion) ; c’est sur
cette base, que le projet évoque
l’amélioration graduelle de la situation matérielle des enseignants de
l’enseignement supérieur, en augmentant les salaires de 30 à 40%, laquelle
augmentation serait couplée d’une
augmentation de l’horaire hebdomadaire.
Conclusion
En conclusion, on peut dire que le
rappel des principaux objectifs et des principales recommandations qui sont dans les rapports des grandes
orientations de la réformes des trois cycles de l’enseignement, nous permet d’insister sur la nécessité de faire de la
prochaine décennie une période d’amélioration de la qualité et du produit
interne du système éducatif ; il n’y pas de doute que cette amélioration
va engendrer une augmentation des coûts
globaux, mais elle va entrainer nécessairement une amélioration de l’efficacité du système éducatif ; on entend par là l’augmentation de l’efficacité
sur le plan social et économique, la question centrale tourne autour de l’orientation que la
collectivité doit choisir, en toute connaissance de cause, et si elle s’y
engage avec toute la détermination, on doit prendre toutes les précautions et
toutes les garanties pour éviter que le nouvel
effort exigé par la nation ne soit fourni en pure perte.
Il faudrait néanmoins faire remarquer que
toute réforme qui se base sur l’amélioration
du niveau sera accompagnée d’une augmentation des coûts visibles ; mais
cette augmentation n’a pas de sens, si
on la considère d’une façon isolée, il
faut donc la faire correspondre avec le
produit intérieur du système éducatif : nous savons qu’aujourd’hui que les
lycées sont encombrés par une masse de redoublants, et qu’un taux important de nos enfants restent de longues périodes supérieures aux périodes normales prévues dans
les écoles primaires, dans les lycées et
dans les facultés ; aujourd’hui nous constatons que sur 100 étudiants
inscrits à la faculté des sciences, seuls 8 d’entre eux obtiennent leur
maitrise en 4 ans, 13 en 5 ans, et sur 100 étudiants inscrits dans la facultés
des lettres, seuls 14 obtiennent leur
maitrise en 4 ans et 17 en 5 ans ; enfin sur 100 étudiants inscrits en
faculté de droit, seuls 10 obtiennent leur maitrise en 4 ans et 7 en 5 ans ;
à travers ces chiffres, on peut évaluer et on peut estimer les efforts que nous
devons fournir au cours de la prochaine décennie, pour faire sortir le SE de
l’impasse réelle dans laquelle il s’est retrouvé, sachant qu’on n’a pas le
choix, il faut faire cet effort qui nécessite des dépenses supplémentaires, qu’on ne peut pas estimer à ce stade, parce
que les objectifs ne sont pas encore fixés.
Mais il est nécessaire de tracer, dès
maintenant, les grandes lignes de notre politique éducative, afin de permettre
aux différentes commissions techniques de transposer cette politique et de la
traduire en objectifs précis et planifiés.
Et avant de terminer cette introduction, il
est de notre devoir de rappeler que la situation sociale, l’environnement
familial, les aptitudes intellectuelles individuelles, le niveau de développement
de notre pays, nos moyens financiers, nos choix économiques, et notre vision de
la démocratie et de la vie ; tous ces facteurs qui semblent parfois contradictoires
et antinomiques, nous devons essayer de les intégrer dans le cadre d’un SE
authentique, innovant, cohérent et efficace.
Et si nous considérons, à priori, que
l’avenir de toute nation est aujourd’hui tributaire de la science et de la
technique, nous devons impérativement développer ces deux branches, et mettre
en place un système scolaire capable d’orienter le plus grand nombre
d’étudiants compétents vers des études scientifiques et techniques ; ceci
nous amène à remplacer le régime actuel d’orientation qui est un régime de type
traditionnel par une orientation positive qui tiendrait compte des désirs des
familles et des goûts des jeunes et de leurs aptitudes , en appliquant des
critères objectifs d’évaluation qui soient le produit d’une observation
organisée et continue qui vise la réduction du redoublement et qui doit
permettre dans l’avenir de répondre aux demandes de tous les secteurs
économiques, tout en évitant le risque d’un déséquilibre ; c’est ainsi
qu’on pourra réaliser , demain, un développement cohérent pour la Tunisie.
Et pour terminer , faut-il rappeler que
le SE n’a de valeur que par les hommes qui veillent sur sa bonne marche à tous
les niveaux , et qu’il faut suivre une politique cohérente d’encouragement sain
du corps enseignant , comme il est aussi
nécessaire de suivre une politique sage et organisée d’amélioration continue du niveau.
Dans ce cadre, il faudrait achever la
révision de l’ensemble des statuts des fonctionnaires du MEN ; il s’agit d’une
œuvre de longue haleine que les services du ministère ont déjà entamée.
Fin du rapport.
Présentation et traduction Hédi Bouhouch
& Mongi Akrout , inspecteurs généraux de l’éducation retraités et
Brahim Ben Atig Professeur Hors classe
émérite.
Tunis , Octobre 2017.
[1] Le document a été imprimé par l’imprimerie
du collège professionnel Bab al Alouj, Tunis ; le document ne précise pas
son ou ses auteurs.
[2] Voir
le document produit par le ministère de l’éducation nationale en Juin 1972 sous le titre : « rapport de synthèse : les
grandes lignes de la réforme des structures de l’enseignement secondaire et de
son organisation » imprimé et relié à l’école secondaire professionnelle
de Bab Alouj , Tunis, 20 pages et plusieurs annexes ( tableaux et graphiques)
[4] Voir le
document produit par le ministère de l’éducation nationale en Juin 1972 sous le titre : « rapport de synthèse : les
grandes lignes de la réforme des structures de l’enseignement secondaire et de
son organisation » imprimé et relié à l’école secondaire professionnelle
de Bab Alouj , Tunis, 20 pages et plusieurs annexes ( tableaux et graphiques)
les
grandes lignes de la réforme des structures de l’enseignement secondaire et de
son organisation »
[5] Le document a été imprimé par l’imprimerie du collège
professionnel Bab al Alouj, Tunis ; le document ne précise pas son ou ses
auteurs.
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