Introduction
Si le système éducatif en Tunisie a réalisé des
résultats positifs qui se sont traduits par la diffusion de la scolarisation
dans la plupart des milieux sociaux, et la
formation des ressources humaines dans diverses
spécialités dont le pays a besoin, les
évaluations internes et externes du système éducatif de la Tunisie ont montré
que ce système ne manque pas de lacunes qui ont fait que son rendement est limité et en de ça des attentes , et que
seuls quelques objectifs fixés par les lois
successives depuis 1958 jusqu'en
2002 ont pu être réalisés.
la
plus importante lacune est peut-être « l'absence
de professionnalisme» comme l'a reconnu le ministère de l'éducation dans un rapport
publié sous le titre la « nouvelle réforme de l'éducation: le plan pour l'école
de demain 2002 -2007 ". Qu'entendons-nous par la professionnalisation? Quel est sa situation
dans notre système éducatif? Quelle est son importance? Comment pouvons-nous
l'atteindre dans le domaine de l'éducation?
I.
le concept de professionnalisation
1. Sur le plan
linguistique:
Dans
la langue arabe les constituants du mot " IHTIRAF"
sont les trois lettres ((ف، ر، ح،, mais le terme "
IHTIRAF" est dérivé du verbe "IHTARAFA",
on dit que quelqu'un " IHTARAFA " c'est-à-dire qu'il a pris un travail particulier pour profession ou métier, c'est la raison pour laquelle Ibn Mandhour
avait dit que HIRFA est un nom dérivé du mot " IHTIRAF" qui signifie IKTISSAB
qui signifie gagner sa vie grâce à son travail et on dit
que YAHREF pour ses enfants ou YAHTAREF dans le sens de gagner le pain des ses enfants par le travail,
Le
spécialiste linguistiques précisent que le sens du terme ne s'arrête pas à ce
niveau , mais il signifie aussi
maitriser les compétences nécessaires de telle profession , c'est pour cela
qu'Ibn Mandhour considère que le professionnel est un artisan et il considère la profession (الحرفة) est
un savoir faire , et que cela nécessite un gain, une demande et une escroquerie
c'est-à-dire faire un effort particulier afin de réaliser les exigences de
telle profession[1]
En
arabe, le terme Attamhin (التمهين) - l'apprentissage des
principes d'un métier - dont les racines sont loin du terme Al-Ihtiraf (الاحتراف) ,il
a pourtant un sens proche du terme Al Ihtiraf. Al Mihnatou ( le métier) est le
service et le travail , ce sens est confirmé par le Hadith qui dit:" on ne
peut en vouloir à quelqu'un s'il a porté deux habits pour son vendredi sauf les
habits de son métiers"[2],
ce terme a ,d'après Al moojem , une signification complémentaire c'est soigner le service et le travail[3],
c'est la raison pour laquelle la littérature publiée par le ministère a utilisé les deux termes: AL
Ihtiraf (الاحتراف)et Attamhin (التمهين).
2.
Usuellement
si
les termes professionnalisation et apprentissage
sont très récurrents dans la littérature occidentale, ils sont peu utilisés
dans la littérature arabe, on ne risque pas d'exagérer en disant que dans le monde
arabe le terme de professionnalisation n'est répandu que dans les domaines de
la chanson et du sport, alors que dans le reste des métiers et particulièrement
dans le domaine de l'éducation , les évaluations faites par le ministère de
l'éducation ont montré que la professionnalisation est un terme qui ne figure
pas chez tous les intervenants du
secteur de l'éducation.
Ce
qui a fait que l’école de demain, que la
réforme de 2002 voulait instaurer, avait
mis la professionnalisation comme l'un des défis (l’un des enjeux) que le système éducatif vise à réaliser[4].
Cela
nécessite de définir le concept de
«professionnalisme», de sorte que son sens soit connu par les personnes impliquées dans le processus éducatif
ainsi que toute autre personne. Et
comme notre utilisation du terme se
réfère à la littérature occidentale , nous devrions y revenir afin de
déterminer sa signification dans cette
littérature , et découvrir les différents termes voisins pour compléter les exigences de sa
compréhension et connaitre ses limites.
Al
IHTIRAF en arabe correspond au terme français
" professionnalité" qui signifie
acquérir une série de compétences professionnelles nécessaires pour l'exercice
d'un emploi particulier.
Quant
au terme Al Mohtaref , il correspond au
terme "professionnel" et le professionnel,
est la personne qui a ces compétences professionnelles, et peut les mobiliser dans l'accomplissement de son travail, et
faire face à des situations changeantes et instables dans le monde du travail, c'est
pour cette raison que le professionnel n'a pas de limites, et ne peut jamais acquérir le professionnalisme d'une manière
définitive , mais son professionnalisme
évolue continuellement au grès des situations
différentes .
Le professionnalisme ou la professionnalisation est le processus de formation
qui vise l'individu et le groupe afin de développer leurs capacités et leurs connaissances
professionnelles, ce qui les rend aptes à
devenir professionnels, c'est pour cela qu'on
peut dire que le professionnalisation est le processus de formation menant au
professionnalisme.
Ce ci dit on peut avancer
que la professionnalisation est la présence des
compétences professionnelles nécessaires pour les travailleurs dans le domaine
de l'éducation, que ce soit les compétences acquises par l'expérience
professionnelle ou par la formation initiale
ou continue.
Les
deux termes ont soulevé une certaine ambiguïté
à partir de leur signification
linguistique, le sens du gain qui est l'un des aspects du professionnalisme a une connotation négative qui renvoie au mercenariat
, or le mercenariat est le gain par tous les moyens . Le mercenaire en effet est
celui qui fait un service pour de de l'argent quelle que soit sa qualité ou son but . Ce nom est souvent donné aux personnes
qui travaillent dans les forces armées d'un pays étranger pour de l'argent. Il
ne fait aucun doute que cela est totalement loin de notre centre d'intérêt parce que nous parlons de l'éducateur et de l'enseignant
qui est le détenteur d'une mission , dont la noblesse et la grandeur de sa finalité
nécessitent un ensemble de capacités qui le qualifient pour réussir
dans la tâche qu'il a choisie.
Le terme arabe "Attamhin" a également dans l'une de ses connotations le sens de l'humiliation et la vulgarité,
mais ces deux sens n'étaient guère ceux entendus par le plan opérationnel pour l'école de demain,. Attamhin dont nous
parlons signifie la maitrise d'un métier où il n'y a aucune humiliation mais plutôt une fierté pour la personne
qui l'exerce.
3- l'absence du professionnalisation
l'évaluation
réalisée par le ministère de l'éducation en 2002 a montré que le
professionnalisation est absente ou quasi absente du système éducatif tunisien,
on lit dans le programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain
" ( 2002 – 2007 ) " que l'amélioration du rendement du SE dépend de
l'existence de ressources humaines de haut niveau ( enseignants, personnel
d'encadrement pédagogique et administratif, surveillants) parce que la gestion
des établissements éducatifs nécessitent en plus de l'enthousiasme pour ce type de métier un haut degré de professionnalisme
qui n'existe pas à l'heure actuelle puisque les différentes catégories
d'éducateurs n'ont pas suivi une formation dans ce sens"[5]
La
question qui vient à l'esprit est la suivante: qu'est ce qu'on entend par le
professionnalisme? est-ce celui qui s'acquiert par l'expérience personnelle ou
bien celui qui est le résultat d'une formation institutionnelle ciblée? il n'y
a guère de doute qu'il s'agit du professionnalisme qui est le fruit d'une
formation structurée pour tous ceux qui
se préparent pour l'un des métiers de l'éducation, et s'appuyer sur
l'expérience personnelle ou en se référant aux expériences de l'un des ainés
parmi les instituteurs ou les professeurs. Tout enseignant en est conscient
quoique cette conscience soit de différents degrés en maturité et en conscience
en soi.
L'histoire
de l'école tunisienne nous enseigne que la professionnalisation n'est
totalement absente, les enseignants comptent depuis toujours sur leur expérience
personnelle , sur l'intuition , sur l'autoformation et sur l'expérience des
autres, ce ci est aussi vrai pour tous les métiers , on le voit chez les "Amins"
des souks (le président de la corporation) pour certains métiers comme la
menuiserie et la ferronnerie que les enfants apprenaient avec leurs pères ou
auprès des maîtres artisans.
On
en déduit que la professionnalisation
visée est celle qui s'appuie sur l'expérience mais ne se limite pas à
celle-ci, on la prend et on l'intègre
dans une structure qui regroupe ces éléments
et les associe en y ajoutant toutes les nouveautés du monde des métiers
en général et dans le métier de l'éducation en particulier , ainsi la formation
devient une formation désirée et institutionnalisée, avec des objectifs précis
et un contenu défini dans le cadre d'une stratégie qui fait de la
professionnalisation la règle pour tous les métiers de l'éducation qui sera
réalisé d'après une démarche formative et certificative selon des critères
précis.
C'est
pour cela que la structuration de l'expérience dans un ensemble de compétence
professionnelle ne signifie pas une rupture avec les précédentes expériences
dans le monde de l'éducation parce que l'éducation n'est pas un sanctuaire mais
elle est un chantier et un atelier. Chose qui donne aux expériences précédentes
une grande importance , mais il ne s'agit pas de les prendre en vrac ou avec
leurs imperfections ( défauts).
On
déduit de ce qui précède que la professionnalisation que nous visons ne s'appuie pas uniquement sur l'expérience ou
sur les recherches théoriques parce qu'elle est le fruit de la rencontre
créative entre la raison et l'expérience , contrairement à ce que pense
Philippe Perrenoud [6] qui
voit que " la référence de nos pratiques éducatives souffre d'un excès de rationalité" il exprime ainsi peut être son environnement
culturel et éducatif, ainsi on le voit après
changer son point de vue en disant que
la professionnalisation " n’est pas synonyme de rationalité intégrale,
mais plutôt un mariage réussi entre raison et subjectivité"[7],
ainsi se confirme ce que nous avons avancé plus haut que la
professionnalisation se développe dans un cadre de liberté et d'autonomie
associée à la responsabilité dans le cadre d'un plan éducatif ayant des
objectifs bien clairs.
Ce
qui est visé en effet par ce mélange entre le rationnel et l'expérimental c'est la
professionnalisation qui signifie - être prêt- à faire face aux imprévus et la bonne gestion
de ce qui est inattendu; et ce en faisant face avec les situations d'urgence
avec tant d'intelligence ce qui permet de mobiliser ses savoirs et ses
capacités afin de traiter les évènements
qui surviennent , et c'est cela ce qu'entend peut être Philippe Perrenoud quand
il a intitulé son livre :"Enseigner: agir dans l’urgence".
Si
cette orientation vers la professionnalisation était présente avant et après
l'indépendance comme on le verra plus
loin , elle est aujourd'hui absente dans les formations assurées par les
institutions spécialisées qui joint les expériences personnelles à la formation
scientifique conçue selon les règles méthodologiques fermes.
4. Les aspects de l'absence
de professionnalisme: on peut montrer quelques indices sur cette
absence dans plusieurs manifestations,
entre autres ce qui suit:
a. La majorité des enseignants quelques soient leurs spécialités et leurs niveaux à travers les différents cycles
du préscolaire jusqu'au supérieur entament leur fonction dès qu'ils obtiennent
leur diplôme sans avoir une formation professionnelle
qui les habilite à exercer la fonction d'enseigner en dépit de la programmation d'un cours de
pédagogie , de psychopédagogie au cours de la dernière année d'études , seulement le temps imparti à
ce contenu est très réduit et le faible coefficient qui lui est attribué sont sans aucune commune
mesure avec l'importance de ce type d'enseignement [8]
et malgré la création des écoles normales des instituteurs et de l'école
normale supérieure ,sachant que leur fonctionnement
ne fut pas régulier comme on va le voir plus tard, la majorité des recrutés
pour enseigner dans les différents cycles (primaire, secondaire et supérieur)
n'ont pas les compétences nécessaires pour pouvoir exercer le métier de
l'enseignement, de même tous les animateurs qui l'exercent dans les jardins
d'enfants n'ont aucune formation, et ne sont pas aptes à encadrer les enfants.
Enfin
, la dégradation s'est accentuée dans
l'enseignement secondaire , quand le Ministère avait permis à tout détenteur
d'un diplôme supérieur de participer au concours d'accès au cycle de formation
pour préparer un magister professionnel qui leur ouvre la voie du recrutement
dans l'enseignement sans tenir compte de leur spécialité académique initiale,
le Ministère les a autorisés à se présenter dans la spécialité qu'ils désirent
sans se lier à leur spécialité d'origine , nous ignorons les dessous de ce
choix , mais nous avons une explication , il fait partie de l'anarchie qui
domine les institutions de l'Etat y compris le Ministère de l'éducation au cours
de cette étape de l'histoire de notre pays[9].
Pour
Les enseignants du supérieur la situation est encore pire , le professionnalisation
est complètement absente, d'ailleurs le
simple fait d'évoquer la question dans
les milieux universitaires provoque
étonnement et réprobation, c'est pour cela qu'on y voit le
chaos qui touche tous les domaines dans
l'enseignement supérieur . Peut-être que les résultats de nos universités au
niveau international en sont la manifestation
et nous dispensent de tout commentaire.
b. Pour les
inspecteurs , avant 2004, ils devraient
subir un concours avec des épreuves écrites , pratiques et orales , ensuite les admis suivent une courte formation professionnelle avant d'exercer , et malgré cela leur
performance était acceptable, et leur rendement était bon. Mais les nouvelles promotions qui sont venues
après cette date, bien qu'elles aient
subi les mêmes épreuves du concours , l'ouverture d'un grand nombre de poste au
concours a obligé le ministère d'accepter des candidats dont le niveau
scientifique, personnel et professionnel était faible, il suffit que le lecteur sache que beaucoup de ceux qui ont été admis avaient
obtenu des notes faibles au
concours.
Bien qu'il fut conçu, pour cette nouvelle
génération d'inspecteurs , un programme
de formation de deux ans[10]
afin de leur assurer une
professionnalisation , ( la durée de la formation est ensuite réduite à
un an seulement)[11], à l'issue de la formation certains élèves
inspecteurs avaient réussi grâce au rachat,
d'autres n'ont été confirmé dans le grade d'inspecteur que difficilement en
raison de la faiblesse scientifique et professionnelle qu'ils ont manifesté lors de leur entrée sur le terrain et au
cours de la pratique de leur nouvelle profession; la raison de cela est peut-être la
faiblesse de la formation initiale et
personnelle, comme nous l'avons déjà dit d'une part, et en raison de la
formation elle-même qui n'était pas sans problèmes d'autre part, parmi ces problème on cite la question de l'approche par
compétence décidée par le ministère de l'Education en 2002,
,
il a été demandé aux inspecteurs de généraliser la formation de tous les enseignants pour l'introduction de
cette nouvelle approche pédagogique ; mais après une année de formation, et suite à la pression des syndicats, le
ministère a fait marche arrière et il a demandé aux inspecteurs d'épurer les
programmes et les manuels de toutes les références à l'approche par compétences,
le travail fut exécuté , mais à des
degrés différents selon la conviction de
l'inspecteur , si pour certaines
disciplines et certains inspecteurs l'éradication fut totale, pour d'autres
disciplines et d'autres inspecteurs l'esprit de l'approche fut maintenu même en supprimant la terminologie qui s'y réfère. Malgré l'abandon officiel de
l'approche par compétences, les nouveaux inspecteurs ont été formés à que l'approche par compétence comme si elle
était adoptée officiellement, cette situation avait conduit à deux
résultats:
Premier
résultat: Cette formation a connu une
perturbation puisque les élèves inspecteurs suivaient des cours théoriques conformément à l'approche par compétences, mais
quand ils concevaient un projet de programme ou un projet de leçon ils le faisaient selon l'approche par objectifs qui prévalaient avant l'adoption des compétences et ce qui
était bizarre c'est que le formateur en évaluant les dossiers des élèves
inspecteurs leur mettait la remarque « excellent"[12].
Le deuxième résultat: la sortie de ces nouvelles
générations d'inspecteurs a engendré une perturbation dans la scène éducative, aussi bien dans leurs
rapports avec leurs anciens collègues qu'avec les enseignants , ou
encore avec l'administration.
Avant,
on recrutait un ou deux nouveaux
inspecteurs par session, ceux-ci interagissaient
positivement avec les anciens et apprennent d'eux les principes de la profession .Actuellement on voit arriver en grand nombre de nouveaux qui constituent la majorité du corps , par
conséquent ils ont dominé la scène en
dépit de leur manque d'expérience et de leur formation limitée, ainsi se
sont perdues tant de traditions professionnelles qui ont doté
ce secteur pendant de longues années.
c.
Quant aux surveillants , la situation est encore pire, on est en présence d'un mélange
hétérogène qui comprend aussi bien des
ouvriers que des maitrisards ayant un point commun qui est le manque de toute formation professionnelle, leur
tâche se limite à de inscrire les élèves au début de
l'année scolaire, et à être présents dans la cour pendant les récréations de dix heures du matin
et de quatre heures l'après-midi.
Peut-être
que les données figurant dans le tableau suivant, qui comprend un certain
nombre d'enseignants dans les écoles primaires classés par diplôme dans deux commissariats régionaux de
l'éducation révèlent le degré de compétences nécessaires pour le
métier d'enseignant.
Le nombre
|
Spécialité
|
Diplôme
|
|
Commissariat 2
|
Commissariat 1
|
||
459
|
545
|
DFENS
|
|
639
|
884
|
Diplôme des ISFM
|
|
792
|
1129
|
Toutes sections
|
Baccalauréat
|
75
|
31
|
Diplôme technicien
|
|
967
|
1091
|
Maitrise
|
Licence/Maitrise/
Magister
|
77
|
272
|
Licence
|
|
18
|
31
|
3ème année sup
|
|
15
|
96
|
1er cycle
|
|
11
|
04
|
Post - maitrise
|
|
3
|
3
|
Diplôme national d'ingénieur
|
|
89
|
1
|
Diplôme d'enseignement supérieur
|
|
3153
|
4254
|
Total
|
|
34,82%
|
33,59%
|
% des professionnels
|
Si
l'on considère les diplômés des écoles normales et des instituts supérieurs de formation des maitres comme étant des professionnels, ils représentent le tiers des
enseignants en exerce dans les deux commissariats que j'ai choisis .Alors
que les deux tiers regroupaient des
spécialités hétérogènes et inappropriées
au secteur dans lequel ils travaillent, de
plus ils n'ont été préparés ni scientifiquement
ni professionnellement ni psychologiquement pour le métier d'enseignant.
Ce
tableau reflète une grave défaillance dans la préparation du personnel
enseignant, il révèle également une politique éducative où le professionnalisme
est absent, et où le recrutement des
enseignants est soumis au chaos, pour preuve la fermeture des écoles normales et puis des instituts supérieurs de formation
des maitres , et les écoles normales supérieures,
malgré le besoin urgent pour ces institutions , alors combler les besoins en
enseignants on a recouru au recrutement de personnes qui n'ont aucun lien avec
l'éducation, comme les techniciens en imagerie médicale ,les techniciens biologistes et les techniciens anesthésiste , les diplômés
des beaux arts ou en génie civile, les infirmiers et les diplômes des écoles d'agronomie
[13]
et tous ceux qui ont de l'argent pour
acheter une fonction d'enseignant , quelque
soit leurs diplômes et leurs spécialités, de ce fait , ceux avec lesquels nous traitons
aujourd'hui , sur la base qu'ils
sont des enseignants, n'ont de ce métier
que le nom .Tout cela explique la médiocrité des résultats et la tension avec les élèves et leurs parents, ce qui a conduit à la dégringolade de
l'image de l'enseignant au plus bas.
Si
tel est l'état du professionnalisme dans le système éducatif maintenant,
comment était-il avant et après l'indépendance?
5. Histoire de la
formation au métier d'enseignant en
Tunisie avant l'indépendance: En Tunisie, on a commencé à s'intéresser au métier de
l'enseignant avant l'indépendance, plusieurs mesures ont été prises à cet égard:
· Le traitement de la question des Moueddebs : L'enseignement
qui existait en Tunisie était assuré par
des institutions gérées par des personnes et par des
institutions semi-étatiques connues sous
le nom de Kouttab ou Medressa , l'enseignement y était assuré par des Moueddebs qui se transmettaient l'expérience ou se faisaient leur propre expérience. En 1875 - 30 Muharram 1292
le gouvernement de Sadok Bey a demandé aux
Caids ( gouverneurs) des régions , un rapport sur l'état de l'éducation dans
leur région , et à partir de ces rapports le gouvernement a engagé depuis Janvier 1876 des mesures adaptées à cette époque , parmi lesquelles
il a été décidé que désormais aucune
personne ne pourrait exercer la fonction de Moueddeb qui s'il présente une
attestation délivrée par les parents qui l'acceptent comme enseignant à leurs
enfant ou une attestation du syndicat des Moueddebs, Le gouvernement a mis également en place un système de contrôle
administratif et pédagogique aussi bien pour les élèves que pour les enseignants.
·
Al Medressa Al Alaouya: Peu de temps après l'occupation française et à
l'issue du diagnostic de la réalité de l'éducation au pays, le collège Alaoui
fut fondé à Tunis en 1884. (1302H) sous
le règne de Ali Bey[14],
la nouvelle école qui portera le nom du Bey, fut installée dans un bâtiment qui
appartenait au Cheikh Ben Mlouka qui le
destinait pour l'hébergement des
étudiants de la Zitouna.
L'objectif
immédiat de cette création était de
former des instituteurs qualifiés pour enseigner dans n'importe quelle région
du pays, grâce à la formation et l'expérience qu'ils auraient acquises au cours
de leurs études; l'objectif à long terme -pour les autorités coloniales françaises - était de connaitre la culture
arabe et son mode de fonctionnement pour mieux la contrôler.[15]
Cette
école se chargeait de la formation initiale
des instituteurs arabes , français et autres , elle était ouverte à toutes les
nationalités et à toutes les confessions du pays. on apprenait aux élèves le français
et l'arabe dialectal qui était assuré
par le directeur de l'enseignement public Louis Machuel[16]
lui-même, afin de familiariser les jeunes instituteurs venus de France avec les
coutumes et les traditions de la population autochtone , et leurs apprendre la
façon de se comporter avec elle. La
promotion professionnelle de ces
enseignants dépndait de leur réussite dans
ce cours d'arabe.
Au début de 1909 , le collège Alaoui a vécu une réforme de fond lorsqu'il fut décidé d'en exclure les
sections qui n'avaient pas de rapport avec la formation des instituteurs comme
la section professionnelle, qui fut transférée
dans la nouvelle école
industrielle l'école Louis Loubet(l'actuel lycée 9 Avril à Tunis) ou comme la
section de l'enseignement primaire supérieur qui a également occupé son propre espace, cette nouvelle école primaire supérieure comportait
une section commerciale qui préparait les élèves pour travailler dans
l'administration et l'interprétariat. Enfin les classes primaires ont été aussi
transférées dans une école primaire. Ainsi il ne restait
pour le collège Alaoui que la fonction essentielle qui est la formation des instituteurs[17]
.
École Attadibya: Quand la direction de l'enseignement s'est aperçu
de l'insuffisance de la formation des Moueddebs qui n'étaient pas formés
au collège Alaoui , elle a essayé d'y remédier
en exigeant que les futurs Moueddebs devraient être diplômés d'une école
spéciale , c'est l'« école Attadibya» appelée
aussi « l'école Alasfourya » qui a été fondée à cet effet en 1312 H -1894[18]
, l'objectif de sa création était la préparation des
instituteurs qui vont redresser cet enseignement
en effet .Le deuxième article du
décret beylical du 11 mai 1312 H,( 8 Novembre,
1894) précise que : « la mission de
cette école est la préparation des
Mouaddib qui n'obtiendront ce statut - qu'après avoir subi un examen
spécifique[19]. Le premier directeur de cette école fut Sheikh Ismail
Al-Safaihi[20]
L'intégration de l'école Attadibya au
collège Alaoui : l'école Attadibya
a continué à fonctionner jusqu'au moment de la publication du
décret du 5 octobre 1908, (9 Ramadan 1326 H ) où il a
éte décidé dans son article 2 que « l' école des moueddebs connue sous le nom de l'école Attadibya sera intégrée avec la
section indigène " section qui a été créée
au collège Alaoui ayant pour objectif de permettre plus de contact entre les différents
instituteurs et la constitution d'une génération d'enseignants homogènes malgré
la différence de spécialité. Ce changement dans la structure de l'enseignement était survenu à la suite d'un diagnostic et une recommandation présentée par une commission spéciale et parce
que les autorités d'occupation avaient estimé que cette école avait obtenu des
résultats contraires à ceux qu'on attendait .[21]
En relisant le PV de
la discussion du conseil supérieur de l'enseignement , on déduit que ce
qu'il était entendu par " des résultats contraires "ce n'était pas une déficience
scientifique et pédagogique des diplômés de l'école mais plutôt l'opposition de ces
instituteurs au projet de l'occupation française[22] et il fallait changer leur mentalité[23].
Il
n'en reste pas moins après cette orchestration que l'occupant français
avait un objectif explicite : il s'agit pour lui de former des enseignants qualifiés, et un objectif
implicite celui de
former des enseignants différents des anciens, pour qu'ils ne constituent aucun
obstacle devant le projet civilisationnel de l'occupant , ces mêmes obstacles que
constituaient les anciens Moueddebs. le directeur
de l'enseignement public s'est félicité
de cette fusion qui entre dans le cadre de l'organisation de l'éducation
en Tunisie et l'amélioration de sa performance, et plus important encore, il
estime que « le nouveau système présentait deux avantages: le premier est qu'il
éloigne l'école normale des instituteurs de tout enseignement théologique, le deuxième est la formation d'élèves instituteurs
modérés et maitrisant la langue arabe[24].
Nous
notons d'autre part que le changement
dans la structure des établissements chargés de former les instituteurs reflète un changement de la politique française
à l'égard de ses colonies, l'autorité française voulait conserver l'enseignement traditionnel des indigènes parce qu'il leur
est adapté selon l'expression de Ch.A.Julien[25]،
afin qu'il n'évolue pas. Les indigènes, en effet , n'apprennent pas le
sens de la liberté et de l'égalité, et ne
lisent pas ce qui est publié en
français, en retour, l'enseignement
français restera un modèle difficile à atteindre pour le tunisien,
en raison de la politique pratiquée par la France pour freiner la propagation de la scolarisation des indigènes , pire encore
l'autorité coloniale considérait la course des Tunisiens pour l'école est une frénésie qui doit être stoppée , d'ailleurs
cette politique fut appliquée et
elle s'est traduite par la diminution du nombre d'élèves musulmans de 4656 en 1897 à 2927 en 1903 et en 1901dix
écoles ont été fermées[26].
Puis la politique française a
changé , elle tenta alors d'intégrer les indigènes dans le système éducatif afin
de diffuser le projet de la civilisation française et de prévenir tous les obstacles à la
réalisation des objectifs coloniaux. C'est-à-dire qu'elle vise à diffuser l’éducation à travers
des programmes qui préparent les élèves à accepter le projet civilisationnel
français
Ces
changements de la politique de l'occupation française se sont poursuivis
, au point de supprimer les écoles normales de Tunisie entre Décembre 1941 (décret du 11
décembre1941,) et Décembre 1943 (décret 2 Décembre 1943) après la décision du
gouvernement français de Vichy de fermer les écoles normales en France et en colonies[27].
Fin
de la première partie ,à suivre
D.Béchir Mekki Abdellaoui , Inspecteur général de l'éducation et
chercheur au centre des études islamiques.
Traduction Mongi Akrout , Inspecteur Général de l'éducation
retraité& Brahim ben Atig , professeur Emérite.
[4] la nouvelle reforme
du système éducatif tunisien : programme pour la mise en œuvre du projet "
école de demain " ( 2002 – 2007 ) -octobre 2002; p 97
[5]
La nouvelle reforme du système éducatif tunisien : programme
pour la mise en œuvre du projet " école de demain " ( 2002 – 2007 ) octobre
2002
Philippe
Perrenoud est un sociologue né en 1944 en Suisse. [6]Perrenoud.Ph.
titulaire d'un doctorat en sociologie et anthropologie. De 1984 à 2009, il a
été chargé de cours à l'Université de Genève. Dès 1994, il est professeur
ordinaire à l'Université de Genève dans le champ du curriculum, des pratiques
pédagogiques et des institutions de formation. Il est professeur honoraire
depuis octobre 2009. Il co-anime le Laboratoire de recherche sur l'innovation
en formation et en éducation.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_ Perrenoud_(sociologue)
[7] Perrenoud, Philippe. Enseigner : agir dans l’urgence, décider dans
l’incertitude Savoirs
et compétences dans un métier complexe. Paris, ESF, 1996, 2e éd. 1999.
Résumé de l'ouvrage sur web: http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_livres/php_urgence.html
[8]
Quand j'étais étudiant en 4ème année (1987/88) , on a eu un
cours de psychopédagogie qui comportait une initiation à l'éducation ancienne
et moderne , et aussi une approche conceptuelle et historique de la psychopédagogie en plus de l'enseignement et
ses méthodes , la personnalité de l'éducateur. Pour plus de détails de ce
programme , se référer au bulletin de la
faculté de la Zitouna , année 1, numéro 1 -1391/1971,p.308,309.
[9] Les directions régionales
autorisaient le recrutement des non spécialistes , les inspecteurs refusaient
cette pratique sauf en cas de nécessité
absolue, et après avoir visité la personne concernée afin de s'assurer qu'il
possède le minimum de savoir et de pédagogie qui leur permet de poursuivre la suppléance ou leur
recrutement pour combler le manque, mais
aujourd'hui le non respect de la spécialité est permis selon le ministère
lui-même .
[10] - Arrêté
du 11 octobre 2004 fixant le régime du
cycle de formation des inspecteurs des collèges et des lycées au centre national de formation des formateurs
en éducation, jort n° 83 du 15/10/2004 p.3031.
[11] - Arrêté
du 11 octobre 2004 fixant le régime du
cycle de formation des inspecteurs des collèges et des lycées au centre national de formation des formateurs
en éducation, jort n° 83 du 15/10/2004 p.3031.
[12] je dispose de plusieurs
exemples qui montre la mauvaise qualité de la formation et l'absence de sérieux
chez le formateur.
[13] j'ai visité le
centre d'examen pour le recrutement d'instituteurs à Mahdia en 2008, j'ai pu
constaté que la majorité des spécialités des candidats sont celles citées plus haut ,
spécialités sans rapport avec l'éducation.
[14] Ali bey II est né
à Tunis en 1233 H (1817) , il monta au trône après la mort de son frère Mde
Sadok Bey qui avait signé le traité du protectorat qui a consacré la domination
française sur le pays , le bey ne faisait que parapher les décrets préparés par
le résident général et les ministres français , il décida en 1320H, (1902)
(Arrazkali, les personnalités,T4,p281.)
[15] Il
y a ici toute une vie intellectuelle qu’il est de notre intérêt de bien
connaître pour arriver à la diriger. Cortier Claude, Conquête par l’école et
réalités du terrain : quelques aspects de l’action de l’alliance française
dans le bassin méditerranéen 1883 – 1914.
https://journals.openedition.org/dhfles/2552
[16] Louis Machuel , orientaliste français , a vécu et mort à Tunis, a
appris le Coran était directeur de l'instruction publique en Tunisie durant une
vingtaine d'années , a enseigné la langue arabe et a publié des ouvrages pour
son enseignement comme le guide des
élèves et la sélection historique et
littéraire, il s'est intéressé au dialecte tunisien et de Marrakech ; il est
décédé en 1922 ( 1340H) ; Az Zarkali , T5, p246.
[17] Hédi Bouhouch&Mongi Akrout : l'école
Alaouite la première institution de formation des instituteurs en Tunisie,
article publié par le blog pédagogique. http://akroutbouhouch.blogspot.com/2014/01/blog-post.html
[19]- Cette medraça sera
destinée à former des moueddebs
qui n'obtiendront ce titre qu'a la suite d'un examen subi conformément aux articles 4, 5 et 9 ci-après.
Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 59 , A 9.
février 1895. Décret 8 novembre 1894 / 11 Djoumadi - Al-
awal 1312. sur l'organisation d'une
Medraça de moueddebs. p 292.
[21]- Or, cette institution,
appelée, selon toutes prévisions, à réaliser un sérieux progrès, n'a pas donné
les résultats que l'on en attendait: l'Administration s'est souvent trouvée
dans l'impossibilité d'utiliser ces jeunes gens qu'elle avait tenté de former à
son usage. Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 28 , A 23.
Juin 1909. p 618.
[24]» -Ce
système aura le double avantage de dégager l'Ecole normale d'un enseignement théologique quelconque et de
la fournir des élèves -mouderrès sachant la langue arabe et a qui il ne
conviendra plus que de donner une bonne méthode d'enseignement«. Bulletin Officiel de
l’enseignement publique, N° 28 , A 23. Juin 1909. p 620.
[25]- Charles
A.Julien: colons français et Jeunes-Tunisiens (1882-1912) traduit
par Mzali.M & Ben Slama .B. 2° édition STD ; P 97.
[26] Charles A.Julien:
colons français et Jeunes-Tunisiens (1882-1912) traduit
par Mzali.M & Ben Slama .B. 2° édition P 92
[27]- Hédi Bouhouch&Mongi Akrout : l'école Alaouite la
première institution de formation des instituteurs en Tunisie, article publié
par le blog pédagogique. http://akroutbouhouch.blogspot.com/2014/01/blog-post.html
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