lundi 24 décembre 2018

Le professionnalisme dans les métiers de l'éducation - Partie 3




Hédi Bouhouch
le blog pédagogique publie  cette semaine la troisième  partie de la communication sur "  l'état de la professionnalisation dans les métiers de l'éducation " présentée par D.Béchir Mekki Abdellaoui , l'inspecteur général de l'éducation et le chercheur au centre des études islamiques à l'occasion de la conférence sur "l'enseignement et la construction de l'état national" tenu les 2,3 et 4 mai 2018 à Kairouan.
L'auteur de la communication a accepté sa publication par le blog, qu'il en soit remercié pour sa confiance.( pour revoir la première partie et la deuxième partie , cliquer ICI)


Introduction

Si le système éducatif en Tunisie a réalisé des résultats positifs qui se sont traduits par la diffusion de la scolarisation dans la plupart des  milieux sociaux, et la formation des   ressources humaines dans diverses spécialités  dont le pays a besoin, les évaluations internes et externes du système éducatif de la Tunisie ont montré que ce système ne manque pas de lacunes   qui ont fait que son rendement  est limité et en de ça des attentes , et que seuls quelques objectifs fixés par les lois  successives  depuis 1958 jusqu'en 2002 ont pu être réalisés.
la plus importante lacune est peut-être  « l'absence  de professionnalisme»  comme l'a reconnu  le ministère de l'éducation dans un rapport publié sous le titre la « nouvelle réforme de l'éducation: le plan pour l'école de demain 2002 -2007 ". Qu'entendons-nous par  la professionnalisation? Quel est sa situation dans notre système éducatif? Quelle est son importance? Comment pouvons-nous l'atteindre dans le domaine de l'éducation?

II. Pourquoi le professionnalisme?
La justification du professionnalisme  peut être classée en deux catégories:
1. . La réalité du système éducatif:
La réalité de l'éducation dans notre pays après trois réformes  celles de 1958  de  1991et de 2002 est en de ça des espoirs. Et si les écoles normales des instituteurs   de la réforme de  58  étaient à même de former  les instituteurs dont le pays avait  besoin, la  réforme de  91 était terminée  après neuf ans par un fiasco, confirmé  par  l'évaluation réalisée par le ministère de l'Education, selon   le directeur général des programmes qui l'avait annoncé au cours d'une réunion officielle. Le système était obsédé  par le quantitatif dans le processus enseignement-apprentissage  , et il était marqué par l'absence de professionnalisme et  de la culture de l'évaluation. c'est pour cela que  la loi d'orientation  fut adoptée en 2002, ses architectes ont   tenté de surmonter tous ces inconvénients en adoptant un système dont le credo est  la formation d'une tête bien faite au lieu d'une tête bien pleine , la maitrise des nouvelles technologies  , l'interaction positive avec le milieu , et l'introduction du professionnalisme dans  le système éducatif[1] .
Cependant, le nouveau système, qui pariait sur le succès ne fut pas exempt  d'inconvénients, comme l'exemple de l'échec  dans la réalisation du passage d'une classe à l'autre avec le mérite , on a du  recourir au passage  automatique, et le passage d'un cycle  à l'autre sans concours , ce qui a produit un très grand nombre de diplômés qui sortent  des écoles, des instituts et des facultés  sans avoir un niveau scientifique réel qui correspond au diplôme obtenu. Cela a amené  certains responsables  de l'éducation  à penser à une nouvelle  réforme depuis 2010. et si tout fut stoppé par les événements de 2011, les nouveaux responsables  du ministère de l'Education ont relancé rapidement les tentatives de réformes, mais ce fut une  réforme  comme une pourriture, qui a contribué a dégrader encore plus  la vie scolaire dont  les répercussions continuent à se faire sentir aujourd'hui.
Le défaut est dû à deux raisons principales:
a. Une raison politique: Le régime  en place à l'époque  recherchait à travers  l'enseignement  à embellir son image, ce qui l'a amené  à user de tous les moyens  pour atteindre cet objectif, y compris les approches pédagogiques , la pédagogie de réussite,   travailler pour la réussite est un principe louable  mais  quand la réussite et le passage deviennent un droit dans l'espace scolaire  et non un mérite et que l'élève  ne peine pas pour la réussite et  on la lui offre sur un plateau, afin d'amplifier les taux de réussite et montrer le développement positif du système éducatif. Ainsi les slogans de l'équité et de l'école pour tous  où chacun à la chance de réussir[2] sont-ils  devenus  une entrée pour le passage  automatique d'un niveau à l'autre sans examens ou avec  des examens formels , ou  encore par l'intervention directe des directeurs des établissements d'enseignement en changeant les notes. Cela a donné naissance à une nouvelle culture qui a conduit aux promotions automatiques des instituteurs , des professeurs et des inspecteurs.
Cette fonctionnalité est apparue à travers une déformation  dans la compréhension de l'approche par compétences,  qui est devenue pour certains responsables synonyme  de l'exclusion des savoirs  et  des connaissances, en déformant le sens  des mots  et des concepts tel que le problème n'est dans les  connaissances  celles-ci se trouvent jetées sur la route , il suffit de se baisser pour la ramasser . Alors que les fondateurs des compétences insistent  sur l’importance du savoir dans la construction des compétences, l’un d’entre eux, Philippe  Perrenoud (1999), ne s'est-il pas  demandé: «Construire des compétences, est-ce tourner le dos aux savoirs?  et il a répondu en disant que  :" la plupart des compétences mobilisent certains savoirs ; développer des compétences n’amène pas à tourner le dos aux savoirs" [3]
Avec ces deux anomalies  dans la compréhension et d’autres, le passage  sans mérite a dominé la scène  et l’analphabétisme culturel s'est propagé , malgré le grand nombre de diplômés universitaires. Cela a profondément affecté le niveau de l'enseignement .Son impact s'est étendu  à tous les aspects de la vie, et   la chute du régime  en 2011 est peut-être le résultat de l'impossibilité de trouver  une place dans  le marché du travail pour un grand nombre de diplômés.
b. la raison sociale: Le gouvernement a cherché à résoudre  le problème de l'emploi  par le recrutement des diplômés universitaires dans le secteur de l'éducation dans les différentes professions sans tenir compte  des compétences requises à chaque profession , ce qui a  conduit à la dégradation  des acquis  scientifiques .Le système en effet est entré dans un cercle vicieux . Les grades  grimpent  et les salaires augmentent et les noms grandissent  grâce aux promotions  automatiques  et accélérées ( c'est ce qu'on a appelé le glissement  )  . Les généraux sont devenus plus nombreux que les soldats, et de nombreux enseignants ont été  promus  avant même  qu'ils n'aient été  titularisés  . En fin de compte, le gouvernement n’a pas résolu la crise de l’emploi et n’a pas laissé le système éducatif fonctionner comme il se doit, en incorporant  un grand nombre de  diplômés  au détriment de la formation et de la qualification.
2- L'importance du professionnalisme:
L'importance du professionnalisme en soi pour toutes les professions, y compris les diverses professions de l'éducation, confirme qu'il n'y a aucun moyen de surmonter la situation actuelle du système éducatif qu'avec la professionnalisation de toutes les ressources humaines qui y travaillent. Le Ministère de l'éducation en était conscient depuis belle lurette  déjà  le programme pour la mise en œuvre du projet "Ecole de demain" (2002-2007) avait affirmé qu'«un système éducatif moderne, aux performances élevées, repose fondamentalement sur la qualité de ses ressources humaines. Aucune variable, si importante soit-elle, n’a autant d’impact que la compétence de l’enseignant sur les performances de l’Ecole".[4]
.Il est maintenant convenu par tous les chercheurs dans le domaine de l'éducation que la réalisation des objectifs de tout système éducatif dépend de l'existence ou non de ressources humaines très  performant. La direction des établissements d'enseignement et l'organisation des affaires exigent , en plus de l'enthousiasme pour ce genre de professions, un haut degré de professionnalisme qui n'est pas actuellement disponible. Par conséquent, faire son devoir  professionnel avec les compétences requises, diffuser l'enseignement  à grande échelle et aussi longtemps que possible, développer  le  niveau scientifique et pratique des apprenants et enfin  réaliser le progrès scientifique  dans divers domaines dont la communauté en a besoin , tout cela nécessite que les différents intervenants dans   le secteur de l'éducation comprennent  les exigences du  professionnalisme.
III. Comment gagner le pari  de la professionnalisation?
L'enseignant , le directeur, le surveillant, l'inspecteur à quelque niveau que ça soit, et dans n'importe quelle spécialité scientifique sont considérés comme des facteurs essentiels dans l'action éducative , et les piliers importants dans cet édifice .Mais ces  objectifs  et ces résultats ne peuvent être  atteints  que lorsqu'ils sont pas des attributs et des qualifications précises.
1- les Compétences de l'enseignant professionnel:
Puisque  «l'apprentissage  au cours de la première enfance est plus efficace et constitue la base de tout l'apprentissage qui suivra»[5], l'absence des compétences professionnelles nécessaires pour l'enseignement aurait des conséquences désastreuses sur l'avenir des apprenants, et même sur la société dans son ensemble; Ibn Khaldoun disait  "l'enseignement est un métier ( صناعة ) ",[6], il n'y a aucun moyen d'acquérir les compétences liées à ce métier  que dans  des établissements qualifiés  . Il n'est pas également possible de confier  la tâche d'enseigner  à ceux qui n'ont pas acquis les compétences professionnelles nécessaires. On entend ici par compétence  la capacité d'utiliser les savoirs, des savoirs faire  et les attitudes pour résoudre un problème qui a du sens  dans des situations que  vivent les apprenants ou qu'ils pourraient  vivre.
Le programme pour la mise en œuvre du projet "Ecole de demain" (2002-2007) a regroupé  les compétences professionnelles des enseignants dans le texte suivant «des enseignants professionnels   cela veut dire  des maitres qui connaissent à la fois la science et l'art de leur métiers , capables de construire et de mettre en œuvre un projet pédagogique   intégrant les spécificités du contexte où ils évoluent , capables aussi de planifier , d'évaluer , de gérer des situations pédagogiques diverses , de donner aux élèves  le goût  d'apprendre , de réguler  leur enseignement  à la lumière des diagnostics fréquents qu'ils effectuent " . [7] 

si  ce texte s'est  focalisé sur les compétences qui concernent l'enseignant, il faudrait  former  toutes les parties prenantes dans le processus éducatif et les doter  de compétences horizontales et de compétences spécifiques , parce que le professionnalisme est un concept systémique  qui devrait toucher toutes les composantes  du système éducatif, et si l'une de ces composantes n'est pas touchée tout le système  s'écroulera .C'est pour cela qu'il est impératif d'assurer une mise à niveau générale qui touchera tous  les acteurs du système  , et même ceux qui s'y intéressent comme les professionnels des médias. Ces compétences peuvent être classées en plusieurs catégories comme suit:

Les compétences relatives au système éducatif: Tout acteur du S.E. qu'il soit professeur , directeur , inspecteur ou surveillant,  devrait connaitre le système éducatif ( ses finalités, ses objectifs, et ses  composantes de base) , et connaitre tout le système qui le régit comme  les lois, les décrets, les arrêtés , les notes de service ou le règlement intérieur  de l'établissement. Il devrait comprendre les  contenus  de ces textes juridiques et s'en référer dans son travail. les compétences savantes et pédagogiques: l'enseignant doit maitriser les contenus  relatifs à sa spécialité  ou  les différentes matières qu'il est chargées d'enseigner  , en plus des connaissances relatives à la didactique de sa matière et de la transposition pédagogique. Il est bien connu que la maîtrise scientifique et la formation de base constituent  l'épine dorsale de l'acte d'enseigner , le Saint Coran  l'a évoquée  sur la Bouche  de Joseph  que la paix soit sur lui,  Et [Joseph] dit: «Assigne-moi les dépôts du territoire: je suis bon gardien et connaisseur». [8]  parce que la maitrise du savoir,  ne pourrait avoir lieu que si on a la connaissance des principes de ce savoir , de ses règles et  de  ses  différentes questions  ce qui permet de déduire les branches à  partir de l'origine[9]
C) les compétences pratiques L'instituteur ou le professeur  doivent  être en mesure de stimuler  la motivation des élèves à apprendre,  ils doivent aussi communiquer avec eux pour les encourager à exprimer leurs pensées, et surmonter leurs difficultés dans l'apprentissage. Pour y parvenir, ils doivent  être capables  d'employer différentes approches pédagogiques, comme la pédagogie de résolution de problèmes , la pédagogie de l'erreur, la pédagogie du projet , la pédagogie différenciée et la pédagogie de la réussite. Ils doivent aussi bien utiliser les moyens didactiques , et diversifier  les techniques d'animation  tels que le travail de groupes  afin  de développer chez l'apprenant des attitudes positives telles que la coopération entre les apprenants, parce que «l'enfant  apprend plus d'un autre enfant , et il s'inspire de lui et aime l'écouter "[10]
L'enseignant  doit également être capable d'assurer  l'évaluation  de ses élèves ( la formulation des questions  , et leur diversification étant une partie de l'apprentissage)0 Il doit être aussi capable  d'analyser les diverses pratiques professionnelles en permanence à la lumière des résultats  des élèves afin de consolider son expérience professionnelle , de  développer ses  compétences pratiques et d'améliorer son rendement pédagogique , parce que ceci   se répercute sur le niveau des élèves . Ce qui confirme, en effet, que l’enseignant n’est un professionnel que s'il est capable de remettre en question sa  pratique  pédagogie comme le fait  le chercheur  et le théoricien.[11]
a.          Les compétences de la responsabilité éducative et de l'éthique professionnelle:  le professionnel du secteur de l'éducation devrait être en mesure de se représenter le sens de l'honnêteté , du dévouement, de l'organisation, de la discipline, et de l'entraide , il devrait aussi  assumer la responsabilité envers la société en se mettant  à son service  en se niant  . Il devrait savoir  écouter, communiquer , respecter  les horaires , respecter  ses élèves et les bien traiter, en tenant compte de leur  époque et de leur âge «parce qu'ils sont nés pour un temps, qui est différent du sien  », collaborer avec ses collègues , il devrait aussi bien présenté, et avoir une  personnalité  équilibrée, ce qui fait de lui quelqu'un de crédible et garant du respect de la loi. Le saint Coran a souligné l'importance des compétences morales et  éthiques dans le choix de la bonne personne, Dieu a dit sur  la bouche  de la jeune fille: "  L’une d’elles dit: «Ô mon père, engage-le [à ton service] moyennant salaire, car le meilleur à engager c’est celui qui est fort et digne de confiance''[12]  
  Ibn Sinaa (Avicenne)  disait que le  « Moueddeb ( le maître)  du garçon doit être une personne saine d'esprit, pieu , connaisseur de la morale, qualifié pour former les enfants  , et respectable, posé, loin de la légèreté et de la futilité, s'exhiber peu en présence des enfants. Il ne doit être   ni rigide ni méchant, mais il doit être  souple, doux, intelligent, noble, propre et  honnête."[13]
Celui qui travaille dans l'éducation  devrait également bien connaitre  le système des valeurs de  sa communauté et les valeurs universelles tels que les principes des droits de l'homme et les conventions internationales sur la protection des enfants et les mécanismes de la mise en application des valeurs de la tolérance, d'ouverture et d'acceptation des différences, et il doit croire à l'importance de l'autoformation continue dans la consolidation de l'expérience et des compétences professionnelles.
Mais ce qu'il faudrait  préciser  c'est que le professionnalisme ne se décrète  pas  par des directives  strictes et ne s'acquiert pas par des modèles prêts sur la façon de faire face à des situations professionnelles, mais il s'installera par la liberté et l'autonomie couplées à la responsabilité et la liberté qui développe l'esprit d'innovation et de créativité, et la responsabilité . Ainsi l'enseignant  devient capable de  valoriser  les  résultats et prêt à faire face aux erreurs qu'il pourrait faire et qui pourraient avoir des effets néfastes sur ses élèves. Ceci est confirmé par les chercheurs en éducation quand ils affirmaient que le professionnalisme se manifeste quand les directives et les règles méthodologiques laissent la place à l'autonomie guidée par des objectifs clairs et mesurables et par une éthique qui interdit les pratiques nuisibles aux différentes parties concernées.
Par conséquent, le professionnalisme basé sur un contrôle rigoureux et précis des programmes, des livres et des méthodes transforme  l'enseignant  en un coopérant dans son propre pays, ou même  un mercenaire. d'autre part le fait de compter    uniquement sur   l'expérience personnelle et à la bonne foi,  le travail éducatif devient  anarchie , en particulier avec le manque de transparence dans le recrutement  et la formation . Donc il est essentiel de trouver la bonne combinaison entre l'expérience personnelle  et  la formation organisée dans le cadre  d'une stratégie  qui relie la rigueur à la libre  initiative. Il ne fait aucun doute que cette vision du professionnalisme exclut les significations négatives qui assimilent  le professionnel au mercenaire comme nous l'avons noté plus haut, parce qu'il met en relief l'humain dans  l'homme et le rend capable de choisir et d'assumer sa responsabilité[14].
1.  Comment acquérir les compétences professionnelles de l'enseignant?
Les différentes nations n'ont pas été toujours d'accord   sur la façon de choisir leurs enseignants, l'histoire nous rapporte  plusieurs modes,  chaque mode   s'adapte  à son époque  et à son environnement intellectuel. L'esprit humain a conclu qu'il est nécessaire de créer des cadres qui permettent à ceux qui souhaitent enseigner de suivre  une formation  spéciale pour développer les compétences professionnelles requises. L'Etat tunisien a choisi dès le XIXe siècle de former une génération d'enseignants, professionnels , et  à cette fin, il a fondé l'école Alaoui en  1884 qui formait les instituteurs de français, puis Al medressa Attadibya 1894(1312H) pour  former les instituteurs  de langue arabe, plus tard les deux écoles avaient fusionné pour former des instituteurs unilingues ( arabe ou français) et des instituteurs bilingues.   
Si cette idée avait  trouvé sa voie en Tunisie du temps de l'occupation française comme on l'a déjà vu , après l'indépendance le système éducatif n'avait pas eu une vision stratégique globale qui  devrait aboutir  au progrès scientifique et enrichir la civilisation humaine. Au début , on avait  soutenu  l'idée de préparer les instituteurs  dans les écoles normales d'instituteurs  puis dans les  instituts  supérieurs de formation des maitres, et les écoles normales supérieures  pour former  des enseignants au  secondaire dans certaines spécialités . Et malgré les succès de cette approche qui assure à l'école ses besoins  en enseignants , et fournit à  l'état les  ressources humaines dont il avait besoin ,  l'idée fut abandonnée en raison de la tourmente qu'avait connu  le ministère de l'Education, et on a supprimé les  deux types d'écoles normales, et pour  satisfaire les besoins  en instituteurs et en professeurs  par des personnes mal préparées à ce domaine.
Aujourd'hui  la réalité de l'éducation en Tunisie nous pousse à insister  sur la nécessité d'assurer la professionnalisation  de tous les acteurs  du secteur de l'éducation au moyen d'une stratégie  qui sera conçue  par la collectivité nationale  à travers ses structures légitimes. Cependant, il est de notre devoir de réfléchir à cette question publique, étant donné son impact sur la société dans tous les domaines de la vie. Nous suggérons les étapes suivantes:
a.     considérer l'enseignement comme un secteur stratégique et veiller à la mise à niveau de tous ses acteurs.
b.    Renforcer la prise de conscience de la nécessité du professionnalisme  parce qu'enseigner est un métier comme le disait Ibn Khaldoun [15] et tout métier a besoin de compétences particulières.
c.     Réviser les lois en vertu desquelles  on réexaminerait  les modalités de formation et de recrutement des ressources humaines. Ceci ne pourra se faire sans une restructuration de tous les cycles de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, ainsi que la révision du cadre juridique du Conseil supérieur de l'éducation et son activation [16]. Le ministère  avait décidé depuis 2002, de mettre en place un plan  pour renforcer  le professionnalisme de tous les membres de la famille éducative[17], mais rien de tout cela n'a été réalisé si ce  n'est la  formation  des inspecteurs qui ne manque pas d'imperfection, comme nous l'avons mentionné précédemment.
c.     Mettre en place  des institutions spécialisées et des programmes  variés et adaptés à toutes les ressources humaines dont l'institution éducative a besoin. Ces institutions formeront  les inspecteurs , les enseignants, les surveillants et les directeurs . Et si  le ministère de l'Education a finalement installé  des institutions pour former les instituteurs, comme d'habitude, il n'a  préparé ni les  programmes  ni les cadres , ni  les mesures nécessaires pour  garantir une bonne sélection  des candidats. Nous avons vu de la précipitation  , du dynamisme  et de l'hésitation , et  nous avons constaté une grave pénurie d' enseignants, et  certains cours n'ont pas pu être assurés,  on s'est rabattu sur  des enseignants non qualifiés car ils ne sont pas  spécialistes  et n'ont aucune  formation  pédagogique pour mener à bien cette tâche.
On doit préciser qu'il ne faudrait pas  offrir la profession de l'enseignement   à tous ceux qui souhaitent devenir enseignant . La plupart des candidats sont poussés par  le besoin de trouver un travail, ou par une  idée  erronée que c'est une carrière confortable  avec  beaucoup de vacances etc , ce ci dénote la  méconnaissance de la profession  et le manque de sens de la responsabilité . Afin  d'écarter  ces  illusions  il faudrait constituer  des commissions compétentes et soumises à un contrôle qui se chargent de tester  chaque candidat à la profession enseignante parce ce n'est pas chaque métier que souhaite  un jeune lui est forcément convenable   [18].
Par conséquent l'observateur  note que chacun choisit ce qui lui convient,  celui-ci veut les sciences mathématiques, et l'autre veut la science de l'ingénierie, et un troisième  choisit les science de la médecine, il n'y a guère de profession et de métier dont  la société a besoin qui ne trouve pas de candidat qui le désire  et choisit d'acquérir ses techniques . Mais il n'est pas donné  à tout le monde  de réussir le métier qu'ils ont  choisi parce que  le succès et la réussite ne dépendent  pas du désir , mais ils dépendent  des capacités propres de la personne. Et  Ibn Sinaa  voyait que  " pour ces choix et ses opportunités   et problèmes  existent des causes obscures et des causes  cachées qui échappent   à l'esprit des humains, …, et seul  Dieu le sait».[19]
nous voyons donc que la sagesse de Dieu fait que  chacun prend la voie qui lui est tracée  pour qu'il accomplisse    sa fonction dans la société . Ainsi  les efforts  se complètent et tous les besoins seront satisfaits  , l'homme étant un être social  par nature, chaque personne  a besoin de quelqu'un pour lui rendre un service  .
 Et dans ce sens  Ibn Sinaa (Avicenne)  propose  à celui qui veut orienter  des jeunes hommes  de  « soupeser  tout d'abord leur caractère, de sonder  leur talent , et tester  leur intelligence,  puis il leur choisit  un métier en fonction de tout cela , et s'il leur  choisit un métier  il doit savoir à quel point il le désire  ,  et à quel point il le connait, et s'il possède les moyens de le réussir . Après tout cela il pourra décider  . telle est la bonne voie  pour éviter au  jeune les désagréments plus tard"  [20] ; l' observateur de près  de nombreux travailleurs dans le secteur de  l'éducation  peut s'apercevoir que leur présence est une  erreur , et ils sont les premiers à en subir les conséquence  ainsi que  les élèves  et le système éducatif.
Peut-être que la question de l'amélioration de l'enseignement  à laquelle nous aspirons, ne pourrait se réaliser seulement et automatiquement que  par la simple création d'institutions  pour la formation des instituteurs , mais cela  nécessite  la préparation du personnel enseignant ,les programmes et les méthodes  pédagogiques,  elle nécessite aussi une bonne qualité d'élèves qui représentent le sol qui va recevoir  les grains de la science et les différentes compétences afin de les préparer à la profession d'enseignant.
 Il se peut que cela  ait  besoin d'un ensemble de mesures incitatives, comme cela a été le cas dans les expériences d' avant et après  l'indépendance comme les bourses et l'intégration  des années  d'études dans le calcul de l'allocation de retraite[21], une prime d'encouragement et une amélioration  des salaires des enseignants, et les possibilités de promotion  professionnelle et scientifique , mais une promotion selon le mérite et l'amélioration des compétences professionnelles  et non des promotions automatiques imposées par  les syndicats de nos jours aux gouvernements successifs.
b.    Renforcer  la formation continue conformément à une conception  moderne, qui  la valorise , elle devrait être un facteur déterminant dans  la promotion professionnelle de l'enseignant , il faudrait  concevoir un système qui permet une actualisation des connaissances dans la  ou les  disciplines  et leur didactiques  . Parallèlement à cela, il est nécessaire de s'occuper des anciens enseignants et leur faire comprendre que leur environnement  va changer complètement  et qu'ils n'auront  d'autre choix que de le prendre en considération  . Par conséquent, on  doit  s'appuyer sur  les esprits  ouverts pour les  engager  dans la réforme, on doit  aider les  indécis et les  perdus parmi eux   à prendre conscience de  leur situation qui est responsable de la dégradation du niveau  de l'enseignement  . Dans ce cas ,ils essaieront  de changer  pour garder le  respect de leurs élèves.
E) Renforcer la prise de conscience de la nécessité de l'analyse  des  pratiques professionnelles parce que «l'enseignant ne peut  bien exercé que s'il est capable de remettre en question ses pratiques  pédagogiques et s'interroger comme  tout chercheur et théoricien . [22] Il est nécessaire de mettre en place  des mécanismes d'évaluation efficaces et créer des observatoires prospectifs  qui valorisent les succès et empêchent la poursuite de l'erreur par  un système de contrôle qui couvre  tous les cycles  de l'enseignement . Et s'il existe actuellement  un système de contrôle , le professionnalisme de ses membres a besoin d'un soutien et une extension afin qu'il touche  les différents cycle de l'éducation, y compris l'enseignement supérieur, qui passe par  une situation  lamentable sans précédent dans l'histoire de l'enseignement  en Tunisie.
Il n'y a pas d'espoir dans le développement du système éducatif et l'amélioration de l'efficacité des établissements scolaires tant qu'il n'y aura pas une prise de conscience que l'enseignement   est un métier  (صناعة )  et que c'est à la mesure de «sa qualité et du  savoir faire de l'enseignant   seront  la réussite  de l'apprenant  et la qualité de ses compétences"[23]    
conclusion
À la fin de cette brève présentation, il convient de noter ce qui suit:
Le développement du système éducatif ne dépend pas uniquement du professionnalisme, parce qu'il est  attribué au  développement de la société dans tous les domaines, car le développement de la formation au métier de l'enseignement est liée au développement de la société comme l'avait  bien dit Ibn Khaldoun.[24]
Le professionnalisme n'est pas seulement un processus technique, parce qu' il nécessite deux principes  fondamentaux:
a)  La prédisposition naturelle de certaines personnes , ce qui ressemble un peu au don d'enseigner  , les jurys de recrutement  peuvent le vérifier  lors des tests  des candidats pour le cycle de formation et de qualification à la profession.
b)     Le professionnalisme exige un référentiel moral et juridique et un minimum de conscience civilisationnelle et civique.
3.Le professionnalisme n'a pas de limite. Il est un processus humain dans le monde du travail, et plus on progresse dans la carrière, plus on rencontre de nouvelles situations professionnelles, plus grandes seront son expérience et son  professionnalisme, et ce qui est convaincant  pour lui ou pour  d'autres aujourd'hui, ne le sera plus  peut  être demain.
4. Il faudrait  réexaminer le  cas de ceux qui ont été injectés par l'ancien régime  dans le corps du système éducatif alors qu'ils n'avaient  rien à voir avec lui , eux même ne le désiraient guère. Seule  la recherche d'un emploi  explique leur présence à l'école, il faudrait les reverser dans leur spécialité d'origine respective , c'est mieux pour eux même, pour  l'éducation et l'avenir du pays.

D.Béchir Mekki Abdellaoui , Inspecteur général de l'éducation et chercheur au centre des études islamiques.
Traduction Mongi Akrout , Inspecteur Général de l'éducation retraité& Brahim ben Atig , professeur Émérite.


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o      الرائد الرسمي عدد 33 السنة 124. الجمعة 15 ماي 1981.
o      الرائد الرسميّ عدد 35، السنة 115، بتاريخ 25 و29 أوت 1972.
o      الرائد الرسمي عدد 37، السنة 148، مؤرخ في الجمعة 2 محرم 1418هـ - 9 ماي 1997.
o      الرائد الرسمي عدد 68 مؤرخ في 24 أوت 2007.
o      الرائد الرسمي عدد 70 السنة 128. الثلاثاء 8 أكتوبر 1985.
o      الرائد الرسمي عدد 74، السنة 102، الثلاثاء 2 ربيع الأول 1378 الموافق لــــ 16 سبتمبر 1958.
o      الرائد الرسمي عدد 77 المؤرخ في 25 سبتمبر 2009.
o      الرائد الرسمي عدد 83 المؤرخ في 15 أكتوبر 2004.
o      الرائد الرسمي عدد 84 السنة 125 المؤرخ في 31 ديسمبر 1982.
o      الرائد الرسمي عدد 89، السنة 144. المؤرخ في يوم الثلاثاء 20 شعبان 1422هـ - 6 نوفمبر 2001.
o      الرائد الرسمي عدد 90 السنة 134. الثلاثاء 25 جمادي الثانية 1412 هـ - 31 ديسمبر 1991.
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o      شارل أندري جوليان، المعمرّون وحركة الشباب التونسيّ. تعريب محمد مزالي، والبشير بن سلامة. نشر الشركة التونسية للتوزيع. الطبعة الثانية 1986.
o      القانون عدد 108  لسنة 1990 المؤرخ في 26 نوفمبر 1990.
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o      القماطي التيجاني، الاحتراف والانخراط. بحث مقدم ضمن ملتقى "التفقد والاحتراف" الذي نظمته التفقدية العامة للتربية 2003. ص 36.
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باللغة الفرنسية:
o   Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 1, A 24. 25 Janvier 1910.
o   Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 28, A 23. Juin 1909.
o   Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 59, A 9. février 1895. Décret 6 janvier 1895 / 10 redjeb 1312.
o   Cortier Claude, Conquête par l’école et réalités du terrain : quelques aspects de l’action de l’alliance française dans le bassin méditerranéen 1883 – 1914.    https://journals.openedition.org/dhfles/2552
o   Marguerite Altet. La formation professionnelle des enseignants. Paris, PUF, 1994.  Résumé de l'ouvrage sur web: http://www.unige.ch/fapse/life/archives/livres/alpha/A/Altet_1994_A.html
o   Perrenoud, Philippe. Enseigner : agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude Savoirs et compétences dans un métier complexe. Paris, ESF, 1996, 2e éd. 1999. Résumé de l'ouvrage sur web: http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_livres/php_urgence.html
o   Philippe Perrenoud, 1999. Construire des compétences, est-ce tourner le dos aux savoirs ? sur web: http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_34.html
o   Philippe Perrenoud. Le métier d’enseignant entre prolétarisation et professionnalisation : deux modèles du changement 1996. https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1996/1996_16.html





[1] la nouvelle reforme du système éducatif tunisien : programme pour la mise en œuvre du projet " école de demain " ( 2002 – 2007 ) Octobre 2002


[2] Philippe Perrenoud, 1999. Construire des compétences, est-ce tourner le dos aux savoirs ? sur web:
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_34.html

[3]- d'après Hajjem.K. L'inspecteur formateur professionnel : Quelles compétences et quelles stratégies ?  étude présentée au cours du séminaire de l'inspection générale : l'inspection et la professionnalisation ; 2003, p 66 ( document en arabe)


[4] La Nouvelle réforme du système éducatif tunisien: programme pour la mise en oeuvre du projet "Ecole de demain" (2002-2007)P32


[5] Ibn Khaldoun p 475.
[6] Ibn Khaldoun p 351.

[7] le programme pour la mise en œuvre  du projet "Ecole de demain" (2002-2007) p 32 et 33
[8]  Sourate Youssef , 55.

[9] Ibn Khaldoun , p 350

[10] Ibn Sina (Avicenne) 427 Hégire,1038 jc : la politique, présenté et commentaire Ali  Mde Issir, Biniyat pour l'édition , Syrie, 1° édition 2007 ; p 85.
[11] - Marguerite Altet. La formation professionnelle des enseignants. Paris, PUF, 1994.  Résumé de l'ouvrage sur web: http://www.unige.ch/fapse/life/archives/livres/alpha/A/Altet_1994_A.html

[12] sourate 28  al-qaṢaṢ (le récit) / 26
                                                                                                                    
[13] Ibn Sinaa (Avicenne)  p 84.

[14] Gmati.T. Professionnalisation et engagement, communication présentation au séminaire de l'inspection générale de l'éducation : l'inspection et professionnalisation " 2003 , p36 ( en arabe).  

[15]  Ibn Khaldoun   Al-Muqaddima Prolégomènes  P 351

 [16] -Décret 1295/1989 du 31 août 1989 relatif aux prérogatives du conseil supérieur de l'éducation et l'enseignement supérieur , sa composition et son fonctionnement et le décret qui l'a modifié n° 2260/2000 DU 10 octobre 2000 relatif aux prérogatives du conseil supérieur de l'éducation et l'enseignement supérieur , sa composition et son fonctionnement
 [17] Le programme pour la mise en œuvre  du projet "Ecole de demain" (2002-2007) p 33.
[18]- Ibn Sina , la Politique , p 86
[19]  Ibn Sina , la Politique , p 87
[20]  Ibn Sinaa ; la politique pp 88 .87
[21] - Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 1 , A 24. 25 Janvier 1910. art 3. p 14.
[22] Marguerite Altet. La formation professionnelle des enseignants. Paris, PUF, 1994.  Résumé de l'ouvrage sur web: http://www.unige.ch/fapse/life/archives/livres/alpha/A/Altet_1994_A.html
[23]  Ibn Khaldoun,  Muqaddima (les Prolégomènes en français) , partie 16 à propos des métiers  , les métiers ont besoin de science,p 323 ( version arabe)

[24]  Kairouan et Cordoue étaient deux villes  du Magreb et de l'Andalousie,qui avaient connu un développement urbain , elles avaient des marchés  prospères pour les sciences et les métiers, quand elles avaient décliné l'enseignement s'est arrêté au Magreb à l'exception à l'époque des Almohades et leur capitale Marrakech .Ibn Khaldoun, Muqaddima (les Prolégomènes en français) , ( version arabe)  p 351

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