lundi 17 décembre 2018

Le professionnalisme dans les métiers de l'éducation - Partie 2




Hédi Bouhouch
le blog pédagogique publie  cette semaine la deuxième partie de la communication sur "  l'état de la professionnalisation dans les métiers de l'éducation " présentée par D.Béchir Mekki Abdellaoui , l'inspecteur général de l'éducation et le chercheur au centre des études islamiques à l'occasion de la conférence sur "l'enseignement et la construction de l'état national" tenu les 2,3 et 4 mai 2018 à Kairouan.
L'auteur de la communication a accepté sa publication par le blog, qu'il en soit remercié pour sa confiance.

Introduction
Si le système éducatif en Tunisie a réalisé des résultats positifs qui se sont traduits par la diffusion de la scolarisation dans la plupart des  milieux sociaux, et la formation des   ressources humaines dans diverses spécialités  dont le pays a besoin, les évaluations internes et externes du système éducatif de la Tunisie ont montré que ce système ne manque pas de lacunes   qui ont fait que son rendement  est limité et en de ça des attentes , et que seuls quelques objectifs fixés par les lois  successives  depuis 1958 jusqu'en 2002 ont pu être réalisés.
la plus importante lacune est peut-être  « l'absence  de professionnalisme»  comme l'a reconnu  le ministère de l'éducation dans un rapport publié sous le titre la « nouvelle réforme de l'éducation: le plan pour l'école de demain 2002 -2007 ". Qu'entendons-nous par  la professionnalisation? Quel est sa situation dans notre système éducatif? Quelle est son importance? Comment pouvons-nous l'atteindre dans le domaine de l'éducation?

6- L'histoire de la formation au métier de l'enseignement après l'indépendance
L'attention portée aux finalités immédiates et lointaines de l'autorité de protection française ne doit pas nous faire oublier ses réalisations  dans le domaine de l'éducation en Tunisie, notamment au niveau de la formation professionnelle et  pédagogique des instituteurs. L'organisation française a contribué au développement de l'enseignement par  la rupture avec les traditions scolaires  obsolètes  et avec certains  savoirs  qui ont perdu de leur efficacité avec le temps. [1]
L'une des manifestations   de ce renouveau est peut-être  l'instauration de l'ordre et de la discipline  dans tout ce qui touche  le métier d'enseignant de l'apprentissage à la  pratique du métier , comme  les programmes, les manuels, la formation académique et professionnelle des enseignants. Peut-être  que l'originalité c'est qu'on avait exigé du candidat au métier de l'enseignement une bonne condition physique  , contrairement à ce que nous observons aujourd'hui dans certaines écoles supérieures  de  formation des instituteurs.[2]
Les textes juridiques nous montrent  que l'Etat tunisien a pris  conscience de l'importance de l'enseignement en général et du cadre enseignant en particulier, de sorte que nous le voyons  immédiatement après  l'indépendance renforcer  les institutions existantes et spécialisées dans la formation des enseignants du primaire, et créer  de nouvelles institutions spécialisées dans la formation des enseignants du secondaire.
A. La formation des enseignants du primaire: le collège Alaoui a continué à former les instituteurs , et  a été renforcé par la création d'une section  pour former les institutrices  au collège  Jules Ferry en 1911 qui est devenue  une  école normale d'institutrices en 1917, ainsi le pays hérita à l'indépendance deux écoles normales l'une pour les garçons et l'autre pour les jeunes filles qu'il a renforcé par plusieurs autres écoles; et parce que ces écoles n'arrivaient pas à répondre aux besoins des écoles primaires  en enseignants  surtout  que  l'Etat tenait à tunisifier  le cadre enseignant , la réforme de 1958 a créé  une section normale  dans  l'enseignement secondaire, cette expérience fonctionna plusieurs années puis elle fut  abandonnée, parce la coexistence des normaliens  avec les  autres élèves les a empêchés  de se  distinguer  scientifiquement et pédagogiquement. Cet inconvénient était à l'origine de la multiplication des écoles normales des instituteurs ce qui a permis de regrouper tous les normaliens et toutes les normaliennes dans des établissements dédiés à leur formation.
Cependant, les écoles normales ,  qui sont d'après le décret de 1961 des «institutions publiques destinées  pour former les instituteurs et les institutrices  [3]», se sont, elles aussi, trouvées  incapables de répondre aux besoins des écoles qui se multipliaient d'années en années  à un rythme qui dépassait  la formation des normaliens , et pour faire face à cette situation le Secrétariat d'état à l'éducation  a dû faire appel à des non normaliens , et on s'est trouvé à trois types d'instituteurs : le premier type est constitué par  les diplômés des écoles normales; le second par les bacheliers , les diplômés  sadikiens ou encore les diplômés de la zaytouna ( détenteur du tahcil); le troisième type  sont les moniteurs qui ont réussi un examen de qualification fixé par décret [4].
Ce fait a justifié la modification du décret de 1961 par un autre décret publié en 1963 qui avait élargi les fonctions des écoles normales d'instituteurs, l'article 33 de ce décret stipule  que « les écoles normales et les sections normales  des lycées secondaires sont conçues pour  des instituteurs , des institutrices, des moniteurs et des monitrices pour l'enseignement primaire[5]. » le nouveau  décret  a été créé une nouvelle branche pour former des moniteurs et des monitrices ;  c'est ainsi que la mission des écoles normales  furent élargies et désormais elles assuraient  trois fonctions: la première est la formation  d'élèves instituteurs  et d'élèves institutrices ( la durée de la formation est de trois (3) ans ; la  deuxième est la formation des élèves moniteurs et des élèves monitrices  (la formations  dure deux ans). La troisième est l'organisation des séances de stage pédagogique et de formation professionnelle pour les non normaliens  afin de les préparer au métier d'enseignant.[6].
Quand on  suit  l'évolution  pédagogique  et les textes juridiques qui l'a accompagnée on remarque  que le rythme de la politique de professionnalisme n'a pas suivi la même cadence  , elle a été accompagnée par le  lancement des écoles normales , puis des sections normales  dans les lycées  secondaires , ensuite s'est ajouté la section des moniteurs  dans les écoles normales , puis l'organisation  d'une formation pédagogique accélérée  pour les détenteurs de différents  diplômes. Enfin   la durée de la formation a été tantôt  allongée et tantôt réduite . Mais tout cela n'a pas découragé l'Etat qui a poursuivi la création de nouvelles écoles normales  jusqu'à ce qu'elles atteignent dix-huit écoles en 1975-1976, comme le montre le graphique suivant[7].


L'augmentation du nombre  des écoles normales  eut  pour conséquence d'accroitre la capacité d'accueil  pour répondre aux besoins croissants surtout que le secrétariat d'état  a imposé l'orientation forcée de 25 à 30% des élèves  à la fin du premier cycle  de l'enseignement secondaire vers la section normale , et a ouvert les portes des écoles normales  aux  lauréats de la  section générale de l'enseignement moyen, cette période faste fut  suivie d'une forte chute et  une perturbation  qui se sont traduites par la fermeture de quelques écoles normales , puis leur réouverture  après un an ou deux, puis à nouveau elles sont refermées. Il ne fait aucun doute que la baisse de la courbe qui représente l'évolution du nombre des écoles normales, comme le montre le diagramme ci-dessus , traduit  le manque de clarté des choix et une méconnaissance de l'évolution  démographique de la société tunisienne à l'époque.
Cette situation  ne s'est stabilisée qu'ave les ministres Mzali et F.Chedly de 1976 à 1986, puisque ce dernier  a poursuivi  la politique de son prédécesseur ; ainsi le nombre d'écoles normales  et le nombre d'élèves orientés vers la section normale ont augmenté régulièrement.
Cette amélioration n'a pas empêché la poursuite du débat sur les performances de ces écoles et leur avenir,  car si certains les défendaient et les  soutenaient  et cherchaient à trouver des moyens pour encourager les élèves brillants à s'orienter vers ces écoles  , d'autres  cherchaient  à y mettre fin, en évoquant  leur faible affluence, et le coût de la formation dans ces établissements, un troisième point de vue proposent  la création d'instituts supérieurs pour la formation des instituteurs qui recruteraient les nouveaux bacheliers  , mais cette option fort intéressante  n'a pas vu  le jour qu' au début des années quatre-vingt-dix avec la réforme de l'éducation de 1991.
Ces écoles  avaient continué à jouer le rôle  locomotive de l'éducation dans le pays jusqu'à peu de temps passé  lorsque  la corruption a réussi à mettre fin à ces institutions et a asséné un coup fatal  au système éducatif  si bien  qu'aujourd'hui  la situation est devenue désespérée et le chemin de la réforme très difficile, non pas en raison  du faible niveau des enseignants seulement, mais aussi à cause de  la difficulté de traiter avec  cette nouvelle catégorie d'enseignants qui n'a rien à voir  avec le métier. Les  écoles normales ont été  supprimées  en 1991-1992, pour être  remplacées au début de 1989-1990 par les instituts supérieurs de formation des maitres (ISFM)[8], qui n'ont pas survécu puisqu'ils ont été eux aussi  abandonné rapidement[9].
on avait recouru au recrutement  des instituteurs de différentes spécialités après une formation de courte durée dans les «Instituts  des métiers de l'éducation " qui ont été créés à cet effet[10]. Alors si ces instituts ont été conçus pour  former  les  candidats aux métiers de l'enseignement , et aux  métiers de l'encadrement   pédagogique et administratif  à l'enseignement de base, à l'enseignement secondaire et à la formation professionnelle  aux compétences  nécessaires pour ces différents métiers, et pour l'achèvement de la formation académique initiale  et la contribution au renouveau pédagogique[11], le fonctionnement de ces instituts  était  intermittent et occasionnel et  interfère  avec d'autres institutions qui accomplissent la même tâche , tels que les centres régionaux de formation continue (CREFOC), le Centre national d'innovation  pédagogique ( CNIPRE), le Centre national de formation des formateurs  de Carthage  ( CENAFFE) avec d'autres institutions qui assurent la même tâche[12].
Cela nous amène à nous interroger sur l’utilité de ces instituts et sur les véritables raisons de leur création. Il ne fait aucun doute que cette politique  qui consiste à  créer  des institutions pour les  abandonner est  surprenante et déroutante, et la question devient pressante si nous savons que la même chose  a eu lieu dans d'autres pays musulmans comme l'Algérie.
B. la formation des enseignants  du secondaire: l'apparition des écoles spécialisées dans la formation des enseignants de l'enseignement secondaire  était tardive , elles sont nées  après l'indépendance, contrairement aux   des écoles destinées à la formation des instituteurs qui  ont vu le jour avec l'occupation française de la Tunisie comme on l'a vu plus haut. L'apparition des écoles normales supérieures a connu  plusieurs étapes, résumées ci-après[13]:
L'école normale supérieure de  Tunis: L'État avait créé  «l'école normale supérieure » à la rentrée de la première année scolaire après l'indépendance, c'est-à-dire , en Octobre 1956, sans attendre la publication de texte officiel  organisant cette école. puis le décret n ° 201 de 1958 daté du 28 Safar 1378 H / 13 septembre 1958 portant création d'un institut de d'enseignement supérieur, dénommé " L'école normale supérieure "[14] est paru . ainsi les institutions d'enseignement supérieur dont certains existaient depuis l'époque coloniale  s'étaient renforcées par  cette institution spécifique, en effet l'article premier du décret  qui l'organisait avait précisé  que la mission de l'école normale supérieure est  " la formation des professeurs de l'enseignement secondaire".
L'ENS a poursuivi  sa mission   d'abord en tant qu'institution autonome qui jouit  d'une indépendance administrative et financière, jusqu'à ce qu'elle  soit incorporée entre 1960 et 1973 à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines pour les spécialistes littéraires et sciences humaines  et à la Faculté des sciences en sciences exactes. Une fois l'étudiant achève ses études, l'étudiant obtenait  un diplôme  qui lui sera délivré  par la faculté dont il dépendait .
L'école normale supérieure de Tunis a retrouvé son indépendance  entre 1973 et 1982 , et un nouveau local ( c'est le bâtiment qu'occupe actuellement l'Institut Supérieur d'Education et de Formation Continue de Tunis) , selon un nouveau statut plus  évolué que  ancien. L'article deux  du décret relatif à l'organisation de l'école a défini sa fonction  , qui consistait à:
§  La formation des professeurs des lycées  de l'enseignement secondaire et des écoles pour la normales d'instituteurs  et les cadres de l'enseignement supérieur et la recherche scientifique.
§  La formation des inspecteurs de l'enseignement primaire et secondaire et de animateurs pédagogiques.
§  L'organisation des études  pour ses étudiants dans la spécialité qu'ils ont choisie, qu'elle soit  scientifiquement et littéraire, en plus de leur préparation pour qu'ils puissent remplir  leur future mission d'enseignant .
§  aider  les étudiants à acquérir  une culture générale et une formation civique qui les qualifient  pour la mission d'enseignant.
§  La formation  pédagogique de ses étudiants, comme  elle pourrait  assurer la même tâche pour tous les autres étudiants qui choisissent la profession de l'éducation
§  l'organisation  de "séminaires pédagogiques" et des "cours complémentaires" pour la mise à niveau  des enseignants de l'enseignement secondaire en exercice et les inspecteurs de l'enseignement primaire et secondaire.
§   La contribution  aux études et aux recherches à caractères pédagogiques.
Ensuite, l'école normale supérieure de Tunis  a connu une nouvelle page de son histoire  , quand elle fut rayée  du système de l'enseignement supérieur de 1982 à 1991, en vertu de l'article 132 de la loi de finances de 1983, où nous lisons que  «l'école normale supérieure  est supprimée , et ses possessions sont transférées à l'Institut supérieur de l'enseignement et de la formation continue qui vient d'être créé  selon l'article 130 de la loi ci-dessous.
L'école normale supérieure de Bizerte et de Sousse: En 1980-1981, furent créées deux nouvelles ENS: l'école normale supérieure de Bizerte[15] et l'école normale supérieure de Sousse[16]. Alors que la première  se voyait confier la formation de professeurs des sciences , la deuxième ceux des domaines des langues, de la littérature et des sciences humaines. Les deux institutions remplissaient trois fonctions: la première est la formation de professeurs de l'enseignement secondaire et de professeurs des écoles normales des instituteurs et des institutrices ,la deuxième est la participation  à la préparation des programmes de l’enseignement secondaire ,  la  troisième est réservée , au  recyclage et à la formation continue des enseignants .[17]
il faudrait signaler que si  les tâches de l'ENS de Bizerte et celle de  Sousse étaient plus focalisées et plus spécialisées   en comparaison avec  les  tâches de l'ex école normale supérieure, ces tâches avaient  encore besoin de précision , sinon  que signifie  charger un institut supérieur  de   formation pour les enseignants  de la préparation des programmes de l'enseignement secondaire? Cela  est peut-être dû à l'absence  d'institutions spécialisées et à de cadres qualifiés pour  accomplir cette tâche  à cette époque  de l'histoire du pays.
Suppression des ENS  de Bizerte et Sousse:  la suppression des deux institutions a été par décret .Les  biens  et les engagements de l'ENS de Sousse[18]  sont  transférés  à la Faculté des lettres  de Sousse et ceux de l'ENS de Bizerte  à la Faculté des Sciences de Bizerte[19]. Ainsi  donc le dossier  des écoles spécialisées dans la formation au métier de l 'éducation est clos . Ce type d'institutions a disparu du paysage éducatif du pays ( momentanément).
L'ENS de Tunis (1) L'ENS est reparaissait  de nouveau  à Tunis. elle a connu au cours de cette période  deux phases , je vais donner  le numéro un  à la première phase, qui a commencé en 1996. La loi qui  l'a instituée  stipulait qu'  «Il est créé un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière dénommé, "école normale supérieure". Son siège est à Tunis". elle  est mise sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur[20] , elle occupe  les locaux de l'ancienne école normale des instituteurs et de l'ancien ISFM sise la place des chevaux  au quartier Al Gorjani  , la nouvelle ENS est différente de l'ancienne, elle a de nouvelles missions. 

Le deuxième article de la loi stipule que la mission de l'ENS est de:
§  former des enseignants de haut niveau dans les diverses disciplines pour les établissements d'enseignement secondaire et les établissements d'enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
§  Assurer   à ses  étudiants une  formation académique  qui les qualifie pour jouer un rôle de premier plan dans la promotion du niveau de l'éducation et de recherche dans diverses institutions.
§  préparer ses élèves à passer le concours d'agrégation  de l'enseignement secondaire, par le développement de leurs capacités et aptitudes professionnelles et tout ce dont la recherche a besoin.
§  Organiser toute activité de recherche susceptible de contribuer au développement de l'éducation et de l'enseignement  dans le pays.
§   Organiser toutes sortes d’activités susceptibles de   développer la culture générale de ses élèves et leur formation sociale.
En voyant ces  missions   , le régime des  études en vigueur à l'ENS  dans sa nouvelle version  , et  le mode de recrutement des étudiants , on s'aperçoit que la fonction  de l'ENS n'est plus limitée à la formation des professionnels de l'enseignement secondaire,  on lui  a confié aussi la formation des enseignants pour l'enseignement supérieur  à travers la préparation au concours d'agrégation.
Les élèves  ne rejoignent pas l'ENS par la voie de l'orientation scolaire ou par le biais d'un concours  ouvert  pour les nouveaux bacheliers  qui le  souhaitent, mais à travers un concours  ouvert aux étudiants des  autres facultés .  Un certain nombre  parmi ceux qui ont terminé les études  du premier cycle de l'enseignement supérieur sont reçus à l'ENS en plus de ceux-ci certains étudiants de deuxième année de classes préparatoires pour  les écoles d'ingénieurs peuvent  également  la rejoindre .
On peut voir en regardant le nombre de postes ouverts, soit pour accepter les étudiants à  l'école , ou  pour accueillir  certains d'entre eux pour préparer l'agrégation  , que le nombre de postes ouverts  chaque année est très réduit  en comparaison avec les besoins des collèges , des lycées secondaires et des établissements d'enseignement supérieur .
D'après les observations précédentes, nous comprenons que l'enseignement secondaire n'est plus la priorité  de l'ENS dans sa nouvelle version, cela se confirme par le fait que la    formation ne se fait plus au sein de l'école elle-même mais dans d’autres établissements universitaires choisis par le Ministre de l’enseignement supérieur. Les études à l'ENS  durent 3 ans: au cours des deux années où l'étudiant suit les cours dans l'un des établissements d'enseignement supérieur désignés  par le ministre de l'Enseignement supérieur, et par conséquent, il doit s'inscrire à cette institution parce que c'est elle qui lui décerne  son diplôme  de fin d'études. La troisième année  est consacrée à la préparation de l'agrégation [21]. L'ENS n'assure pour ses élèves qu'un complément d'enseignement  dans leur spécialité  et dans des spécialités annexes , afin d'approfondir la formation académique, l'acquisition des langues étrangères , la didactique des disciplines ,   la maitrise les techniques de communications  et l'outil informatique[22].
La réduction des attributions de l'ENS dans sa nouvelle version  se confirme  par le fait que les spécialités qu'elle inclut  concerne les disciplines  vouées à l'agrégation. comme la langue arabe, le français, l'anglais, l'histoire, la  géographie, les mathématiques, la physique, la chimie, les sciences de la nature, et  la philosophie, ce qui signifie que l'ENS ne se soucient pas de la formation  des enseignants dans toutes les disciplines nécessaires  pour les écoles préparatoires et l'enseignement  secondaire à l'époque[23].
En raison de cette baisse du nombre de tâches ;des étudiants et des spécialités ouvertes aux étudiants , le recrutement des professeurs de l'enseignement secondaire se fait principalement parmi les diplômés de différentes facultés  et instituts supérieurs, sans prédispositions  scientifiques  ni compétences  professionnelles. Cela a eu  un effet néfaste sur le niveau de l'enseignement , sur le profil et le niveau des diplômés.
Ainsi l'ENS dans sa nouvelle version  a gardé l'ancien nom et a maintenu  certaines missions , mais au niveau du système de recrutement des élèves  et  de la méthodologie de formation  a connu un changement total, l'institution a été vidée  de son contenu essentiel  ,  en réalité c'est là une caractéristique de la plupart des institutions créées depuis que Zine El Abidine Ben Ali a détenu  le pouvoir en 1987.
L'école normale supérieure de Tunis (2): on a noté précédemment que le retour de l'ENS  s'était fait en deux étapes, et après avoir vu la première étape, on passe  maintenant à la deuxième, à  laquelle j'ai attribué le numéro 2, qui a commencé en 2001. Au cours de cette étape, l'ENS  a retrouvé  son autonomie et sa spécificité .Elle a recruté  ses propres professeurs  à temps plein, ses  cours ont lieu dans les  locaux  de l’institution elle-même, et enfin elle a délivré  un   diplôme appelé " le diplôme de l'école normale supérieure"[24]  . Elle  a ouvert un concours  pour  les étudiants de deuxième année qui passent  à la troisième dans le système « LMD » pour les disciplines suivantes: mathématiques, physique, chimie, littérature arabe, français, anglais, histoire, géographie et philosophie.[25]
Si les conditions d'admission pour suivre les études à l'ENS  avaient connu des changements  d'une année à l'autre, le souci matériel est resté  déterminant dans toutes les décisions que prenaient  l'autorité de tutelle .Au lieu de recruter l'étudiant dès la première année pour  l'accompagner  dès son entrée  à l'université, il  est  admis après avoir suivi le premier cycle  de l'enseignement supérieur dans une autre institution  afin de réduire  le coût. Ainsi  l'investissement dans l'éducation est commandé  par les équilibres financiers  du pays pour qui l'éducation n'est pas une priorité nationale, ce qui  ne reflètent pas une stratégie éducative et scientifique à long terme, et qui a engendré  une baisse continue  du niveau de l'éducation et de l'enseignement  en Tunisie jusqu'à ce le diplômé de l'université et le futur enseignant est devenu non seulement ignorant des méthodes de l'enseignement, mais incapable de maîtriser sa discipline et la langue d'enseignement qu'elle soit  l'arabe, le français ou l'anglais
Ce qui compte pour nous dans cet aperçu historique, ce sont les points suivants:
Le premier: C'est la volonté de l'Etat de  créer des établissements spécialisés pour former les instituteurs et les professeurs  qui seront en mesure d'exercer leurs fonctions de la meilleure manière, et la sélection du personnel enseignant pour ces élèves instituteurs  parmi les meilleurs enseignants. Mais , l'absence d'une politique éducative claire , et les soucis budgétaires ont fini par sapé la volonté de créer une génération d'enseignants professionnels. On est  même arrivé  à la  fermeture des établissements spécialisées , ce a qui laissé  libre cours  au désordre et à l'anarchie , afin  de résorber le chômage des diplômés  au dépens de la qualité de l'enseignement et du savoir.
Le deuxième: C'est que l'expérience des écoles pour la formation des instituteurs  et des professeurs, bien qu'elle ne fût  pas  la voie idéale, elle a exprimé la conscience de l'élite tunisienne du besoin de professionnaliser les enseignants. Mohammed Taher ben  Achour en fut un exemple , il   avait insisté, au début du XXe siècle, sur la nécessité  d'apprendre« le métier d'enseigner avant de choisir la personne qui va enseigner »[26] afin de former de nouveaux enseignants qui répondent à l'évolution et soient capables de faire face aux changements  . Et bien que les résultats de ces écoles fûrent  modestes  en raison de leurs capacités par rapport aux besoins  réels  , elles ont  exprimé la détermination des pionniers de l'État tunisien à créer  un noyau pour le développement  d'institutions spécialisées dans la  formation" au métier de l'enseignement" selon les mots d'Ibn Khaldoun. Mais la génération qui est venue après  ces pionniers n’était pas au niveau de la responsabilité, elle n’a pas su fructifier  cet acquis , au contraire elle l'a dilapidé pour  des calculs étroits qui n’expriment  pas un sens de responsabilité scientifique et nationale.
Le troisième point : Il y a deux ans, le Ministère de l'Education s'est orienté vers la création de nouveaux  établissements d'enseignement supérieur spécialisés dans la formation d'instituteurs , ce type d'établissements a attiré les meilleurs bacheliers. Mais cette initiative malgré son  importance fut entachée  par une série d'imperfections en l'absence  d'une bonne préparation au niveau du programme et du cadre enseignant qualifié. Ce qui risquerait de compromettre  son avenir. Le Ministère a également lancé un Master professionnel destiné  aux futurs enseignants de l'enseignement secondaire, mais  ce projet a échoué en raison de la pression des candidats qui ont réussi le concours d'accès à ce Master , c'est un précédent dangereux, comme  l'a  dit Monsieur le Ministre de l'Education devant les députes à l'assemblée  du peuple, parce que cela exprime le manque de conscience de l'importance de cette étape dans la réforme  du système éducatif.
Le quatrième point: les effets de cette instabilité de la politique de formation et de recrutement  des enseignants est très dangereuse pour le présent et le futur du système éducatif . Nous observons  ses signes  dans la faiblesse du niveau  linguistique , scientifique  et  moral des diplômés de l'école, un  V.T.R a été diffusé par une chaîne de télévision tunisienne , tourné dans la salle de classe d'une école primaire a montré une phrase composée de 5 mots  en français écrite par le maitre remplaçant  au tableau, " Les enfant prépare ses valise". Quand le journaliste lui a demandé: "Saviez-vous que la phrase contenait des fautes de français ?" gêné et troublé  l'instituteur suppléant répliqua  " Je voulais juste leur apprendre à prononcer les lettres ".  Ce qu'a écrit le maitre devant  ses  élèves, et sa réponse est un cas qui nous aide    à faire un diagnostic précis de la réalité de l'enseignement  dans notre pays, et explique  l'ampleur  du drame  que vit  notre  système éducatif,  depuis 2011 les analyses  et les slogans qui fusent de toute part  annonce une révolution culturelle, mais ils n'ont abouti qu'à plus  de détérioration du niveau linguistique, scientifique et moral.


D.Béchir Mekki Abdellaoui , Inspecteur général de l'éducation et chercheur au centre des études islamiques.
Traduction Mongi Akrout , Inspecteur Général de l'éducation retraité& Brahim ben Atig , professeur Emérite.




 [1]- de donner une bonne méthode d'enseignement. En résumé, l'étude de la langue arabe à l'école normale aura surtout pour objet de réformer, de rendre plus claire, d'aérer pour ainsi dire et de rendre pédagogiquement utilisable la culture précédemment donnée en d'autres milieux.    Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 28 , A 23. Juin 1909. p 621.
 Constitution physique : Le candidat devra produira un certificat médical constatant son aptitude physique aux fonctions de l'Enseignement. Il sera soumis en outre à un examen médical au moment do son concours.    Bulletin Officiel de l’enseignement publique, N° 28 , A 23. Juin 1909. p 622.[2]
[3] Art 3du décret n°15 -1961 du "/&/1961 relatif au statut du cadre enseignant du primaire.

 [4] Art 38 du décret n°15 -1961 du "/&/1961 relatif au statut du cadre enseignant du primaire.

[5] Art 33du décret n°15 -1961 du "/&/1961 relatif au statut du cadre enseignant du primaire.

[6] les articles 25 et 33 du décret 342/1963 du 20 novembre 1963 relatif à l(enseignement primaire.
[7] le graphique est tiré de l'histoire brève des écoles normales des instituteurs et des institutrices  en Tunisie depuis l'indépendance (2ème partie) - Bouhouch &Akrout , le blog pédagogique.
http://akroutbouhouch.blogspot.com/2017/02/blog-post_12.html



 [8]  les ENI de Gafsa et de Sbeitla furent remplacées   par deux ISFM par la loi des finances n° 98 /1991 du 31/12/1991, J.Officiel n°90 , 134ème année - du 31/12/1991.Trois instituts ont été créés à Kairouan, au  Kef  et à Gafsa  par la loi 108/1990 du 26 novembre 1990.

 [9]  L'ISFM de Sfax fut fermé au début de septembre 1996, son local est donnée à l'école des besux arts de Sfax (loi 88/1996), puis c'est au tour de l'ISFM de Tunis (loi 30 du 5 mai 1997 - Jort n°37 du 9mai 1997 ; p 828.) puis les ISFM  de Jendouba et de Gabès ( décret 448 du 23 février 1998- jort n°18 du 3 mars 1998;p 433), puis les ISFM de Kairouan, Gafsa et Le Kef (décret 669/2007 du 22 mars 2007;jort n°26 du 30 mars 2007, p 1052), enfin ce fut le tour de l'ISFM de Sbeitla (décret 4276/2007 du 27 décembre  2007;jort n°2 du 4 janvier  2008, p 96).
[10]  trois instituts ont été créés à Korba, Sfax et Sousse  par le décret  2116/2007 du 14 aout 2007 relatif à la création des instituts des métiers de l'enseignement et de la formation et de leur organisation ; jort n° 68 du é' aout 2007;p3207.
[11] art 2 le décret  2116/2007 du 14 aout 2007 relatif à la création des instituts des métiers de l'enseignement et de la formation et de leur organisation ; jort n° 68 du é' aout 2007;p3207.


[12]  l'un des directeur généraux d'un institut que les fonctionnaires de son institution vivaient un chômage  déguisée, ils ne font que marquer leur présence puis quittent l'établissement.

 [13] pour plus d'informations  sur le fonctionnement de l'ENS  , voir   Bouhouch & Akrout http://akroutbouhouch.blogspot.com/2017/01/blog-post_23.html et  http://akroutbouhouch.blogspot.com/2017/01/blog-post_23.html

[14]  JORT N°74 , 102ème année; mardi 16 septembre 1958.
 [15]  loi 37/1981 du 9 mai 1981 après son ouverture au 1° octobre 1980 (jort n° 33, 124ème  année; vendredi 15 mai 1981. p 1208.
 [16] loi 38/1981 du 9 mai 1981 après son ouverture au 1° octobre 1980 (jort n° 33, 124ème  année; vendredi 15 mai 1981. p 1208.
[17] art 2 des décrets 1210 et 1211 du 27 septembre 1985 , jort n°75  , 70 ème année, mardi 8 octobre 1985 ,pp 1333 et 1335.


[18] art32 de la loi 127 /1994 du 26 décembre 1994 relatif à la loi des finances de l'année 1995, jort 103 , 137ème année , du 30 et 31 décembre 1994 p 2189.
[19] art33 de la loi 127 /1994 du 26 décembre 1994 relatif à la loi des finances de l'année 1995, jort 103 , 137ème année , du 30 et 31 décembre 1994 p 2189.
[20] Loi n° 96-87 du 6 novembre 1996, portant création de l'école normale supérieure jort n°90, 139°année; vendredi 26 joumada  Atthani , 8 novembre 1996, pp 2561
 .
[21]  Art 3 du décret 451/1997 , du 3mars 1997  fixant le régime des études et des stages à l'école normale supérieure, jort n° 20 , 140 ème année   , 11 mars 1997 , p 429. 
[22] Art 3 du décret 451/1997 , du 3mars 1997 fixant le régime des études et des stages à l'école normale supérieure, jort n° 20 , 140 ème année   , 11 mars 1997 , p 429. 
[23] Chaque année , un décret organisant le concours d'accès à l'ENS est publié voir par exemple 449 /1997 du 3 mars 1997 fixant les conditions et l'organisation du concours d'entrée à l'ENS, , jort n° 20 , 140 ème année   ,mardi  11 mars 1997 , p 427. 



[24] décret 2494 /2001 du 31 octobre modifiant le décret 451/1997 du3 mars 1997 fixant le cadre général du régime des études et des stages à l'ENS, JORT N° 89. 144ème année; du mardi 6 novembre 2001 , p 4555.
 [25] Arrêté du Ministre de l'enseignement supérieur  du 2 mai 2011 relatif à l'ouverture d'un concours pour recruter des élèves pour l'ENS dans les matières littéraires et de sciences humaines et de sciences fondamentale  au titre de l'année universitaire 2011/2012 ; JORT N° 32. 154ème année; du mardi 6 mai 2011 , p 615.


[26]  Ben Achour , L'aube n'est pas si proche ( arabe أليس الصبح بقريب) p 201.

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