lundi 3 juin 2019

La réglementation des conditions dans lesquelles sera subi l'examen du certificat d'études primaires élémentaires.


 
Hédi Bouhouch
"le président résume le débat  tout en reconnaissant les difficultés matérielles que présente l'organisation de l'examen dans les grands centres, il estime que le projet en question permettra de les atténuer,  dans la pratique on s'efforcera d'arriver au minimum d'erreur avec le maximum de rapidité"
extrait du rapport
Présentation
Cette semaine, le blog pédagogique  présente à ses lecteurs un document qui remonte au début du siècle dernier , il s’agit d’un extrait « du procès verbal des débats du Conseil de l’instruction publique sur la  règlementation des conditions dans lesquelles sera subi l'examen du certificat d'études primaires élémentaires ».

Nous avons tenu à le publier parce que les questions qui ont été débattues par le CIP en décembre 1910 , continuent  à être au centre des préoccupations  des responsables des examens et de l’évaluation un peu partout dans le monde où  existent des évaluation nationales , ces questions sont :
§  La surveillance des candidats : le nombre de surveillants par salle - peut-on permettre aux surveillants de surveiller ses propres élèves- combien d’élèves par salle  et par banc …
§  La question de l’égalité des chances entre les candidats et de la fiabilité des notes : la qualité de la correction, les correcteurs évaluent-ils de la même manière, doit-on opter pour une commission de correction unique ? comment réduire les écarts entre les centres ?
§  La qualité des questions  ( clarté, exactitude…).
§  La question des notes éliminatoires : faut-il les instituer ? pour quelles matières ? doit-on rétablir les Zéro éliminatoires ?...
Nous  terminons cette présentation par la remarque suivante ; on est agréablement surpris par la démarche adoptée à l’époque par la direction de l’instruction publique qui consistait à soumettre toutes les questions au débat devant un conseil  qui regroupait des représentants de tous les acteurs du système ,  ainsi toutes les décisions  émanaient du conseil , mais ce qui nous étonne  le plus , c’est que les débats sont rendus publics  puisqu’ils étaient publiés par le bulletin officiel de l’instruction publique et mis à la disposition des instituteurs dans toutes les écoles du pays. On ne peut que saluer cette méthode de travail et cette transparence et regretter la disparition de ces belles habitudes.

Débat du conseil de l’instruction publique sur la  règlementation des conditions dans lesquelles sera subi l'examen du certificat d'études primaires élémentaires.
Conseil de l'instruction publique. Procès verbal de la séance du 29 Décembre 1910
Le jeudi, 29 décembre 1910, à 9 heures du matin, le Conseil de l'Instruction Publique s'est réuni à la Direction générale
Etaient présents: M. Charléty, président, Mmes Débart, Guillot, Pélissier, MM. Aunis, Baille, Bérard, Bériel, Bicoil, Collin, Combaz, Delmas Dumas, Gellé, Guillon, Loth, Ouziel, Rivollet, Thomas,Tlatli, Vaudaine, Verry, M.Tremsal, secrétaire,
Absents excusés : MM. Bourgeon, Duval. (P  201)
«  M. le Directeur général ouvre la séance. Il fait part au Conseil des excuses de M° le Procureur de la République et de M° le Proviseur du lycée, et souhaite en son nom personnel et au nom de l'assemblée toute entière une cordiale bienvenue à M° le Président Dumas (président du tribunal de Tunis), à MM. Bériel et Tlatli, ainsi qu'aux nouveaux délégués élus des fonctionnaires de l'Enseignement.
L'ordre du jour appelle l'examen de la 2e question inscrite au programme des travaux du Conseil: "Réglementation des conditions dans lesquelles sera subi l'examen du certificat d'études primaires ".
Le Président tient à indiquer à l'Assemblée les motifs qui ont amené l'administration à mettre la question à l'étude. La réglementation actuelle des conditions dans lesquelles est subi l'examen du certificat pouvait suffire antérieurement; mais elle ne peut plus être maintenue, en présence des besoins nouveaux résultant de l'augmentation des écoles et du nombre des élèves.
Il est un fait dont on ne peut pas ne pas être frappé : la proportion des élèves reçus et refusés dans les diverses localités présente  des différences surprenantes. D'où la nécessité de prendre des mesures pour éviter que l'opinion publique n'interprète ces résultats d'une manière fâcheuse et n'en tire des conclusions inexactes sur la compétence des commissions et sur la valeur des maîtres. Cette seule raison légitime la proposition qui est soumise au Conseil.
M. CHARLÉTY donne lecture d'un tableau statistique qui fait ressortir que le pourcentage des élèves admis en 1910 varie considérablement dans les différents centres: alors que dans certaines localités il est de 100 %  dans d'autres, il est sensiblement inférieur, pour s'abaisser dans le centre de Tunis, à 54, 65 %. Ces chiffres sont donnés uniquement à titre d'indication ; il ne faut en tirer aucune conclusion sur les conditions dans lesquelles l'examen a été subi.
 Il peut se faire que des habitudes d'indulgence ou de sévérité se soient introduites dans tel ou tel jury. Mais, encore une fois, ce qui importe, c'est d'empêcher, dans la mesure du possible, des inégalités qui sont évitables. Le meilleur moyen d'y arriver, c'est d'unifier les conditions matérielles des épreuves, ainsi que la manière de les noter et de les contrôler, et pour cela, de faire largement appel au concours des Inspecteurs, tout désignés pour cette mission.
M. DUMAS estime que le mal vient en partie de la façon dont sont composés les jurys de l'intérieur, qui comprennent trop de membres n'appartenant pas à l'enseignement ; il sait par expérience personnelle que les examinateurs d'occasion ne sont pas habitués à juger des travaux d'élèves et tombent fatalement dans l'extrême indulgence ou dans l'extrême sévérité. Il y a donc tout avantage à appeler dans les Commissions d'examen le plus grand nombre possible de membres de l'enseignement, quitte à faire voyager, si c'est nécessaire, quelques instituteurs pour la  circonstance.
M. LOTH fait ressortir les difficultés que présente pour le recrutement des écoles primaires supérieures la différence de niveau très réelle des candidats possesseurs du certificat d'études primaires.
M. COMBAZ indique comment l'on procède pour la constitution des jurys et des centres d'examen : on fait déjà appel à des instituteurs étrangers à la localité.
Lecture est ensuite donnée de la liste des centres[1], qui, ainsi que le fait remarquer le Président, n'a que la valeur d'une indication et qui est destinée avant tout à faciliter la discussion. Divers membres du Conseil (MM. DUMAS, BAILLE, COMDAZ, THOMAS, TLATLI) font des observations au sujet de cette liste ou fournissent des indications sur la répartition des candidats entre les différents centres d'examen et sur les facilités ou les difficultés qu'offre la réunion des élèves dons une même localité.
M. THOMAS demande ensuite la parole au nom de ses collègues, représentants de l'enseignement primaire au Conseil : En ce qui concerne la constitution des centres d'examen, … il a surtout des observations à présenter sur le nouveau mode de fonctionnement proposé pour Tunis. En 1907 et 1908, le système en vigueur a paru donner complète satisfaction. Les candidats étaient alors divisés en 3 séries par ordre alphabétique ; chaque série avait comme examinateurs des maîtres de toutes les écoles de Tunis.
Le système suivi en 1909 et 1910, tout à fait différent, a suscité des réclamations. Il importe de le modifier, mais la modification proposée ne permet pas la présence d'un Inspecteur dans chaque série. Si l'on crée des groupes de 40 candidats, il sera d'abord difficile de les placer, à raison d'un par table, dans une même salle de classe, de plus on aboutira à créer de 6 à 8 centres différents, ce qui rendra la présence effective de l'Inspecteur encore plus difficile et nécessitera un nombre considérable d'examinateurs. Il serait préférable de grouper les élèves, à raison de 25 par salle au maximum, avec deux surveillants, ce qui permettrait d'en rassembler 150 à 200 dans une même école.
Deux centres d'examens suffiraient; ils pourraient être présidés par un Inspecteur. Quant aux sous-commissions d'oral, qui devront comprendre 7 membres, elles ne pourront évidemment être présidées par l'Inspecteur ; il faudra prévoir la nomination de vice-présidents. De plus ces sous-commissions auront une tâche écrasante : si 30 c











andidats sur 40 sont admis à l'oral, il faudra près de 3  heures rien que pour la lecture et la récitation : il sera impossible de finir en un jour, si les sous-commissions ne peuvent être subdivisées. Il serait à désirer que des mesures fussent prises pour abréger l'examen, dans l'intérêt des candidats, des maîtres et de l'examen lui-même.
Il est à désirer également que le texte des épreuves ne présente jamais d'ambiguïté.
Enfin, M. THOMAS demande la suppression d'un membre de phrase : surveillance par des examinateurs n'ayant pas d'élèves dans la salle, formule qui lui paraît susceptible d'être interprétée dans un sens défavorable au personnel. Le Président fait observer que c'est précisément pour supprimer toute prévention de suspicion et dans l'intérêt même des maîtres, que cette mesure est proposée. Il est de même interdit aux examinateurs du baccalauréat appartenant à l'enseignement secondaire de figurer dans le jury qui juge leurs élèves.
M. CHARLÉTY donne ensuite la parole à M.COMBAZ, qui répond aux diverses objections soulevées:
-         Les conditions de fonctionnement de l'examen à Tunis ont provoqué des réclamations, avant comme après les modifications qui y ont été apportées il y a quelques années. Le nouveau système proposé n'a rien de définitif ni d'intangible; s'il ne donne pas satisfaction, on le modifiera.
-          En ce qui concerne le nombre des élèves par salle, le chiffre de 40 est un maximum, que l'on ne pourra pas toujours atteindre ; une disposition spéciale de tables permettra d'ailleurs de faire place à plus d'élèves.
En tout cas, si l'on a renoncé à mettre comme précédemment deux candidats par table, c'est pour éviter que les deux voisins puissent communiquer entre eux, comme on a prétendu que le fait s'était produit. Le règlement en discussion n'apporte aucune modification aux conditions dans lesquelles est subi l'examen oral.
-         Le changement le plus important consiste dans l'institution pour les épreuves écrites d'un comité de correction unique, qui pourra d'ailleurs se subdiviser en autant de sous-commissions qu'il sera nécessaire,  après la correction en commun d'un certain nombre de copies, chacune des sous commissions fonctionnera isolément. Cette création a été motivée par des plaintes au sujet des différences d'appréciation des épreuves dans les différentes commissions de correction.
-         Quant aux inspecteurs, sans doute ils ne peuvent être partout à la fois : il n'y a pas de système parfait, en raison des difficultés résultant du grand nombre des élèves.
-          Enfin, si l'on a prévu des surveillants n'ayant pas d'élèves dans leur salle, ce n'était pas dans un esprit de méfiance à l'égard des maîtres, mais pour éviter le retour de certaines réclamations.
C'est en somme, fait observer M. DUMAS, l'application d'un principe général dont personne ne peut se formaliser.
M. COLLIN ajoute que l'existence d'un comité de correction unique évitera à l'Inspecteur l'obligation de faire la navette entre les différents centres de correction pour uniformiser la façon d'apprécier soit le problème, soit l'orthographe comme il a du le faire l'année dernière, sur la demande même  de divers correcteurs.
M. BAILLE indique au Conseil que, si l'on juge le nombre des examinateurs insuffisant, il est facile d'augmenter d'une ou deux unités dans chaque sous-commission le nombre des maîtres convoqués, en s'assurant au préalable que tous pourront être là.
Au sujet de la durée de l'examen, il n'est pas indispensable qu'il se termine le jour même pour les candidats de la localité. On peut faire passer tout d'abord l'oral aux candidats de l'extérieur ; pour les autres, les examinateurs ne sont pas obligés de se surmener: ceux qui n'auront pu être interrogés le jour même passeront le lendemain. D'autre part la présence constante de l'Inspecteur est moins indispensable dans les grands centres, où tous les examinateurs sont des professionnels, que dans les petites localités, où la Commission a besoin d'être guidée.
M. THOMAS rappelle qu'on a essayé en 1905-1906.d'organiser une commission centrale et que l'expérience a été abandonnée.
M. GUILLON croit que ce n'est pas une raison pour ne pas reprendre un mode de procéder qui, s'il n'assure pas la justice absolue, permettra du moins de s'en rapprocher.
Le Président résume le débat  tout en reconnaissant les difficultés matérielles que présente l'organisation de l'examen dans les grands centres, il estime que le projet en question permettra de les atténuer,  dans la pratique on s'efforcera d'arriver au minimum d'erreur avec le maximum de rapidité.
M. THOMAS demande à présenter une deuxième série d'observations, non plus sur la modalité de l'examen, mais sur son essence même, bien que la question ne soit pas à l'ordre du jour. Après y avoir été autorisé par le Président, il exprime, au nom d'un grand nombre de maîtres,:
1°- le regret que la nullité d'une épreuve n'entraîne plus l'ajournement, sans demander absolument qu'on revienne au 0 éliminatoire, il désirerait qu'on exigeât une note minimum pour l'ensemble des trois épreuves de langue française, (dictée, questions, rédaction) ou qu'en raison de l'importance de la rédaction on lui donnât le coefficient 3;
l'épreuve écrite de sciences nouvellement instituée n'a pas donné ce qu'on en attendait : les élèves se bornent à faire appel à leur mémoire et à reproduire le résumé du livre en usage. Si l'épreuve était orale, l'examinateur pourrait poser des questions d'intelligence et s'assurer si l'élève a compris ce qu'il a appris.
MM. LOTH et COLLIN s'associent à M. THOMAS pour regretter la suppression des notes éliminatoires, aussi bien au certificat d'études primaires élémentaires qu'au certificat d'études primaires supérieures, où cette mesure est d'autant plus regrettable que le diplôme de ce dernier examen est requis pour l'entrée aux écoles d'Arts et Métiers de la Métropole.
 M. DUMAS est heureux de voir les membres de l'Enseignement demander eux-mêmes plus de sévérité dans les examens.
Au sujet de l'épreuve de sciences :
-         M. GELLÉ n'en voit pas bien l'utilité à l'examen du certificat d'études primaires, étant donné qu'il faut pour l'étude de la physique et de la chimie une maturité d'esprit dont ne sont guère capables des enfants de 11 à 12 ans. 
-         Mme DÉBART croit que le sujet pourrait être choisi de façon à empêcher les candidats de faire uniquement appel à leur mémoire.
Le Président estime que les remarques de M. THOMAS sont très judicieuses et dignes d'être prises en considération. Toutefois il y a lieu de faire un peu crédit aux modifications récemment introduites dans les épreuves du certificat, avant de se prononcer définitivement à leur égard. Pour l'épreuve de sciences, si elle a été introduite à l'examen écrit, c'est avec le désir d'accroître et non de réduire son importance ; le remède est peut-être dans le choix opportun du sujet. En ce qui concerne les notes éliminatoires, peut-être y aurait-il lieu de s'arrêter à une mesure modérée, la fixation d'un minimum par exemple, l'augmentation du coefficient d'une épreuve ne semblant pas de nature à donner des résultats appréciables. Si le Conseil n'y voit pas d'inconvénient, la question pourrait figurer au programme de la prochaine session.
L'ordre du jour étant épuisé, M. CHARLÉTY lève la séance, non sans avoir remercié les membres du Conseil de leur précieuse et active collaboration.
La séance est levée à midi.
Le Secrétaire                      Le Président,
P.TREMSAL.                     S.CHARLÉTY.

Bulletin officiel de l'enseignement public
 Février 1911, N°10 , 25° année

Présentation Hédi Bouhouch & Mongi Akrout, inspecteurs généraux retraités 
Tunis , mars 2017







[1] Voir le projet relatif à l'examen du certificat d’études (Annexe B)

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