Jusqu'en 1924, l'enseignement
secondaire public, assuré par la DIP, donné aux jeunes filles était différent
de celui qui était donné aux garçons (durée, programmes et diplômes). Ainsi
les lycées de jeunes filles avaient une organisation qui différait de celle
des lycées de garçons. A titre d’exemple, la durée des études dans les lycées
de jeunes filles était de 5 ans seulement contre 7 pour les garçons, les
trois premières années étaient sanctionnées par le certificat d'études
secondaires et les deux dernières années (4ème et 5ème
année) préparaient au diplôme d'études secondaires.
Ce n'est qu'à partir de 1924 que
l'unification des programmes fut décidée, c'est " le décret du 25 mars 1924 qui établit … pour l’enseignement secondaire féminin
des programmes identiques à ceux des lycées de garçons et offre aux jeunes
filles la possibilité de préparer et de passer le même baccalauréat"[1]
Mais avant cette
date, le lycée de jeunes filles Armand Fallières, du nom de l'ancien
président de la république française [2] (l'actuel Rue de
Russie), "préparera déjà ses élèves au baccalauréat d'une part, et au
brevet de capacité de l'enseignement primaire[3]
d'autre part. Il les prépare en plus désormais comme le font tous les lycées
de France au diplôme de fin d'études secondaires qui, plutôt que le
baccalauréat, est la vraie sanction des études secondaires féminines"(rapport au
président de la république, année 1925).
Ce diplôme ne fut institué en Tunisie qu'en 1925 (arrêté du 2 mars
1925 : voir annexe) alors que le lycée existait
depuis 1915[4]. C'est cet examen que nous allons présenter dans ce billet.
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Règlement relatif à l'organisation de l'examen de fin d'études secondaires
au Lycée Armand-Fallières
ARTICLE PREMIER. — Conformément aux
dispositions de l'arrêté du 2 mars 1925, il est institué, auprès du lycée
Armand Fallières à Tunis, un jury chargé d'examiner les élèves qui se
présenteront pour l'obtention du diplôme de fin d'études.
ART. 2. — Ce jury, nommé par le
Ministre, sur la proposition du Directeur général de l'Instruction publique, se
réunit à la fin de l'année scolaire. Il est composé de six membres, ainsi qu'il
suit :
§ Un délégué de la Direction générale de l'Instruction publique, Président ;
§ La Directrice du lycée ;
§ Deux professeurs de l'établissement et un professeur d'un autre
établissement public d'enseignement secondaire ;
§ Un professeur de langues vivantes.
§ Un examinateur spécial pourra être appelé à donner la note sur celles des
matières facultatives que le jury ne serait pas en mesure d'apprécier.
Commentaire :
Le jury de l'examen est présidé par un représentant du directeur de
l'instruction publique et constitué par la directrice du lycée et quatre
professeurs dont un seul ne faisait pas partie du lycée ; néanmoins le jury
peut faire appel à des enseignants de l'extérieur pour l'évaluation des
matières facultatives que la candidate pourrait choisir (Une langue vivante
complémentaire, le dessin, la couture, le solfège)
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Art 3— Une deuxième réunion du jury
aura lieu chaque année, dans la première semaine qui suivra la rentrée
d'octobre, pour examiner les élèves qui, après avoir suivi régulièrement les
deux dernières classes, auront échoué, au mois de juillet précédent, aux
épreuves écrites ou aux épreuves orales.
ART. 4. — Pourront prendre
part à cette deuxième session les élèves qui, pour des raisons jugées valables
par le Directeur général de l'Instruction publique, se seront trouvées
empêchées de se présenter à l'examen du mois de juillet, mais qui justifieront
cependant de la scolarité ci-dessus visée.
ART. 5. — Le bénéfice de l'admissibilité
aux épreuves orales, acquis à la session de juillet, demeure valable pour la
session du mois d'octobre suivant, à la condition que les aspirantes subiront
l'examen devant le jury du même établissement.
Il ne sera fait d'exception à cette
dernière condition que par décision spéciale du Ministre prise sur avis motivé
des chefs des établissements intéressés.
Commentaire 2 : un examen en deux sessions
L'examen se déroule en deux sessions : la première au mois de juillet,
la seconde au mois d'octobre, prennent part à cette deuxième session :
*les candidates qui
auront échoué à la session de juillet, aux épreuves écrites ou aux épreuves
orales (art3), ces derniers gardent l'admissibilité et repassent uniquement
les épreuves orales.
*les candidates qui
"se seront trouvées empêchées de se présenter à l'examen du mois de
juillet pour des raisons jugées valables "(art 4 )
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ART. 6. — Toute aspirante doit déposer
ou faire déposer, dans les délais fixés, à la Direction générale de
l'Instruction publique les pièces énumérées ci-après :
1° L'acte de naissance constatant
qu'elle aura seize ans accomplis avant le 1er août de l'année
où elle se présente ;
2° Un certificat de la directrice
constatant que l'aspirante a suivi régulièrement les cours de 2ème
Brevet et de 1er Brevet.
Dans le cas où une aspirante n'aurait
pas suivi les cours des deux dernières années au lycée Armand Fallières, elle
devra justifier de la scolarité nécessaire dans l'établissement secondaire
qu'elle aura quitté.
ART. 7. — Sur la proposition de la
directrice du lycée Armand Fallières des dispenses d'âge pourront être
accordées par le Directeur général de l'Instruction publique, mais aucune
dispense ne pourra être supérieure à un an.
ART. 8. - L'aspirante doit, au moment de
son inscription, désigner les matières facultatives pour lesquelles elle opte.
ART. 9. — Le registre d'inscription est
ouvert vingt jours et clos cinq jours avant le commencement de la
session.
ART. 10. — L'examen comprend des
épreuves écrites et des épreuves orales.
Les épreuves écrites sont éliminatoires
: elles portent sur les matières des cours de 2ème Brevet et de 1er
Brevet ; elles sont au nombre de trois :
1° Une composition littéraire (durée 3 heures) ;
2° Une composition scientifique (durée 3 heures) : (Sciences
mathématiques ou sciences physiques ou naturelles) ;
3° Une version et une courte rédaction en langue étrangère d'après une
matière donnée dans cette langue (durée pour l'ensemble : 3 heures).
Pour les compositions de langues vivantes, est autorisé l'usage d'un
dictionnaire en langue étrangère, sans traduction.
Les sujets sont donnés par le Directeur général de l'Instruction publique.
Les deux premières épreuves ont lieu le même jour, à trois heures
d'intervalle ; les compositions de langues vivantes ont lieu le lendemain.
Les aspirantes sont placées sous la surveillance d'un des membres du jury
autre que la directrice.
Commentaire 3 : les épreuves de l'examen
L'examen comporte :
* trois épreuves écrites : une composition
littéraire (durée 3 heures); et une épreuve scientifique soit une épreuve de
mathématiques ou de sciences physiques ou
de sciences naturelles (durée 3 heures) ; et une épreuve de version et
une courte rédaction en langue étrangère (durée : 3 heures).
* des épreuves orales pour les admis aux épreuves
écrites, elles portent sur l'ensemble des matières, mais chaque
candidate peut choisir une ou plusieurs matières facultatives du programme
qui ne comptent que si la note ou les notes obtenues sont
supérieures à la moyenne, la ou les matières facultatives subies
par la candidate seront indiquées sur
le diplôme.
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Les compositions, corrigées chacune par un membre du jury, sont jugées par
le jury tout entier, qui décide quelles sont les aspirantes admises à subir,
les épreuves orales.
L'examen oral porte sur l'ensemble des
matières obligatoires.
Les aspirantes peuvent demander, en
outre, à être examinées sur une ou plusieurs matières facultatives du
programme. Pour chaque note supérieure à la moyenne, mention de
l'épreuve subie est faite sur le diplôme.
ART. 11- Les matières facultatives sur
lesquelles les aspirantes peuvent être examinées sont : Une langue vivante
complémentaire, le dessin, la couture, le solfège. Il n'est fait mention, sur
le diplôme, que des épreuves facultatives sanctionnées par une note supérieure
à la moyenne.
ART. 12. — Chaque épreuve est cotée de 0
à 20.
Toute note inférieure à 5, soit à
l'écrit, soit à l'oral, entraîne l'ajournement.
L'admissibilité n'est prononcée que si
l'aspirante a obtenu à l’examen écrit une note moyenne au moins égale à 10.
L'admission définitive n'est prononcée
que si l'aspirante a obtenu pour l'ensemble des notes de l'examen écrit et des
épreuves obligatoires de l'examen oral une note moyenne au moins égale à 10.
L'ajournement ne peut être prononcé
qu'en vertu d'une délibération du jury.
ART. 13. — L'admission est prononcée à
la majorité des voix. Le diplôme fait mention des matières facultatives sur
lesquelles les aspirantes ont été interrogées. Lorsque l'ensemble de l'examen a
donné pour résultat les notes bien ou très bien une mention en est
également faite sur le diplôme.
Commentaire4 : l'évaluation et les conditions
d'admission
* les épreuves sont
notées par un seul correcteur.
*l'admissibilité
: pour être déclarée admissible, chaque candidate doit avoir obtenu une
moyenne au moins égale à 10 sur 20, à condition de ne pas avoir une note
inférieure à 5 dans les épreuves écrites,
* l'admission
finale : est déclarée admise toute candidate ayant obtenu une moyenne au
moins égale à 10 sur 20, à condition de ne pas avoir une note inférieure à 5
dans les épreuves orales obligatoires.
Le recours à la note
éliminatoire aussi bien à l'écrit qu'à l'oral
traduit une certaine
rigueur et le niveau d'exigence de cet examen.
* l'article 13 dit
que :" L'admission est prononcée à la majorité des voix", en
réalité cette remarque nous a interpellé et il nous semble qu'elle n'avait
pas lieu d'exister car, comme on vient de le voir, les conditions d'admission
sont fixées par la moyenne et il n'y avait pas de rachat qui aurait pu donner
lieu à une délibération.
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ART. 14. - Le président du jury, s'il
découvre quelque fraude, est tenu de porter immédiatement les faits à la
connaissance du Directeur général de l'Instruction publique.
ART. 15. — Les certificats d'aptitude,
avec les pièces déposées par les aspirantes, sont transmis au
Directeur général de l'Instruction publique pour recevoir son visa.
Le président du jury lui adresse en même
temps le procès-verbal de chaque séance, signé par tous les juges, et
un rapport sur l'ensemble des examens et sur la force relative des épreuves. Il
y joint les compositions faites par chaque aspirante, corrigées et annotées par
les membres du jury.
Si le Directeur général estime qu'il y a
défaut de forme dans la réception des aspirantes, il refuse son visa au
certificat d'aptitude et fait connaître au Ministre les motifs de son refus, en
lui transmettant les certificats délivrés par le jury.
ART.16. — Les diplômes sont conférés par
le Ministre dans la forme établie.
Commentaire 5:
le directeur de l'instruction et le droit de contrôle et de suivi
Outre la présidence
du jury par le représentant du Directeur général de l'instruction public, ce
dernier dispose d'un pouvoir qui l'autorise à surseoir la décision du jury
s'il constate une anomalie quelconque dans l'admission des
"aspirantes", en refusant de viser le diplôme et "fait
connaître au Ministre les motifs de son refus".
Cette décision est
prise après avoir étudié tous les documents que le chef du jury est tenu à
lui envoyer à la fin de chaque session ("le procès-verbal de chaque
séance, signé par tous les membres du jury, un rapport sur
l'ensemble des examens et sur la force relative des épreuves. les copies des
candidates corrigées et annotées par les membres du jury).
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ART. 17. — Nul diplôme n'est remis à l'aspirante qu'après que celle-ci a apposé
sa signature tant sur l'acte même que sur le registre spécial qui sert à
constater la remise du diplôme, ou sur un récépissé qui doit être annexé à ce
registre. Tout diplôme qui ne porte point la signature de l'aspirante et celle
du fonctionnaire qui a fait remise de l'acte est considéré comme sans valeur.
ART. 18. — Le présent règlement aura
effet à partir du mois de juin 1925.
Fait à Tunis, le 5 mars 1925.
Le Directeur général,
HENRI DOL1VEUX
Annexes
Annexe 1: Complément
d'informations : la population scolaire du lycée en 1925
En 1925, l'année de l'institution du
diplôme, le lycée Armand Fallières comptait 711 élèves qui se répartissaient de
la manière suivante :
* 546 françaises soit 76.79% de
l'ensemble des aspirantes
* 125 tunisiennes, ce qui représentait
17.58 % dont 12 musulmanes (1.68%) et 113 israélites (15.89%).
* 28 italiennes
* 2 maltaises
* 20 de nationalités différentes.
Annexe 2
"Le lycée Armand Fallières de la rue de Russie, Créé en
1885 et appelé par décret beylical du 25 avril 1903, école Jules Ferry et
transformée en 1914 en « petit lycée Jules Ferry » en conservant uniquement les
classes élémentaires préparant à l’enseignement secondaire des jeunes filles
tandis que les classes secondaires constituaient le 1er janvier 1915 le lycée
Armand Fallières recrutant exclusivement des filles, actuellement lycée de la
rue de Russie. En 1904, l’école comptait ses deux premières musulmanes
inscrites dans les cours secondaires (en externat surveillé) alors que les
garçons musulmans pour la même année étaient au nombre de 123 dans
l’enseignement secondaire. Les françaises évidemment constituaient la majorité
de l’effectif (plus des trois-quarts), l’autre quart était composé
d’israélites, d’italiennes, de maltaises, de quelques élèves de nationalités
diverses, et d’un nombre insignifiant de musulmanes, ne dépassant pas jusqu’en
1914 les trois unités".
reproduit à partir du:
Mongi Akrout et Abdessalam Bouzid
, Inspecteurs généraux de l’éducation
retraités
TUNIS, Mai 2019
[1] Évelyne Héry, « Quand le baccalauréat devient
mixte », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne],
18 | 2003, mis en ligne le 04 décembre 2006, consulté le 15 avril
2019. URL : http://journals.openedition.org/clio/612 ; DOI :
10.4000/clio.612
[2] Armand Fallières fut président
de la République française de 1906 à 1913
[3] C'est un diplôme qui ouvre
aux carrières de l’enseignement primaire et certifie un ensemble de savoirs
constitutifs d’une culture primaire.
[4] Lycée Armand Fallières de la rue
de Russie créé en 1885 et appelé par décret beylical du 25 avril 1903, école
Jules Ferry et transformée en 1914 en « petit lycée Jules Ferry » en conservant
uniquement les classes élémentaires préparant à l’enseignement secondaire des
jeunes filles tandis que les classes secondaires constituaient le 1er janvier
1915 le lycée Armand Fallières recrutant exclusivement des filles.
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