Avant propos
Dans le cadre de l’approfondissement des
orientations stratégiques arrêtées par la commission nationale de
l’enseignement qui a été chargée d’évaluer je système éducatif mis en place
par la loi de novembre 1958.
Le ministre Ahmed Ben Salah avait pris depuis le
mois d’août 1968 une série de mesures dont surtout la création d’une direction régionale de
l’enseignement dans les différents gouvernorats.
Le ministre prévoyait d’entamer une réforme qui
toucherait tous les aspects de la politique éducative dans les trois niveaux[1] et dans ce cadre
que le ministère de l’éducation chargea les nouvelles directions régionales de
constituer des commissions de réflexion sur la réforme de l’enseignement et
de lui faire parvenir un rapport
résumant les différentes propositions[2].
Vu la valeur historique de ce document et de
l’importance du rapport de par sa
contribution dans la réflexion sur
l’avenir de l’école, nous avons jugé utile de le publier dans son intégralité
dans le blog pédagogique.
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Le rapport
Direction régionale de l’enseignement ( Sfax )
Commission de réflexion sur la réforme de l’enseignement
Rapport de synthèse des séances de
travail tenues les 11,14 et 17 janvier 1969 au lycée technique de Sfax.
La commission était présidée par M.BEN
ARFA, girecteur régional de l’enseignement de Sfax.
La commission était composée de :
M.AYACHI : inspecteur régional
M.BEN JEMAA : conseiller
pédagogique de mathématiques
M.BREIL : conseiller pédagogique
d’histoire géographie
M.BOURZAC : inspecteur ,directeur
de stage des élèves maîtres
M.CAMOUN : conseiller pédagogique d’histoire
géographie
M.CASALONGA : conseiller
pédagogique de sciences naturelles .
M.GUERMAZI : proviseur du lycée
technique de Sfax.
M/KAHOUECHE : chef de travaux au
lycée technique de Sfax.
M.LOPEZ : conseiller pédagogique de
Français.
M.MADAMET : professeur de sciences
économiques au lycée de garçons de Sfax.
M.MAKNI : directeur de l’école
normale d’instituteurs de Sfax.
M.MEZGHANI : conseiller pédagogique
d’arabe.
Mme.ORSINI : conseillère
pédagogique de français.
M.RAZGHALLAH :professeur de
technologie au lycée de garçons de Sfax.
M.SIOUD : inspecteur régional.
M.VIGNIER : conseiller pédagogique
de Français.
M.ZGHAL : proviseur du lycée de
garçons de Sfax.
Rapporteur : M. Vignier Gérard
Avant propos
Le but de tout enseignement , dans ses
objectifs les plus nobles et les plus ambitieux , est de former un individu
dans sa totalité, équilibre de la personnalité, ouverte sur le monde , vaste
culture.
Ainsi tout individu devient un homme à
part entière, chez qui aucune de ses facultés n’est négligée.
Cependant il convient de songer à
l’immédiat .
La Tunisie a des besoins urgents, des objectifs
prioritaires, tout d’abord une lutte qui se situe sur un plan économique :
faire en sorte que le niveau de vie des habitants augmente , que le pays arrive
le plus rapidement possible à un état de société développé. Aussi tout
enseignement doit être conçu en fonction de ces objectifs prioritaires . Ceux c
sont les suivants :
1.
Les plus importants : L’agriculture et enseignement.
2.
Formation d’économistes, de spécialistes dans la
gestion des entreprises, techniciens supérieurs et cadres de maîtrise.
Tous ces gens auront une qualité commune :
la faculté d’adaptation à la réalité tunisienne.
3.
A long terme, d’ici vingt ans, quand à la suite de
l’explosion scolaire on atteindra le stade de la saturation, l’exportation des
cadres vers des pays ayant besoin d’assistance technique.
De façon générale , l’enseignement doit
aussi être conçu comme un moyen de promotion sociale à l’intérieur des cadres
sociaux et économiques du pays où l’élève sera certain de trouver toujours sa
place.
Aussi , il convient de se proposer les
buts suivants :
-
L’enseignement doit participer au développement
économique du pays , en lui fournissant tous les travailleurs ; tous les
cadres nécessaires , en leur assurant en même temps une formation générale qui
puisse leur faire prendre conscience des divers problèmes qui se posent en
Tunisie et dans le monde.
-
Il doit tenir compte des réalités tunisiennes sociales
, économiques et culturelles du pays et s’en servir comme point de départ.
-
Il doit se dépouiller de tout caractère livresque excessif,
qui coupant l’élève du réel , ne rend que plus difficile son insertion ultérieure
dans le corps social.
-
Il doit réhabiliter toutes les fonctions manuelles et s’intéresser
tout autant à la formation du paysan , de l’ouvrier , du technicien qu’à celle
des gens travaillant dans le secteur tertiaire.
-
Tout élève , à l’issu du cycle d’enseignement , doit
être assuré , s’il ne peut poursuivre ses études dans le cycle supérieur , de
triuver des structures d’accueil , qui par une formation pratique et positive ,
lui permettront de trouver au plus tôt sa place dans la vie active.
ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE
Sa tâche est extrêmement délicate ,
étant donné qu’il doit absorber tous les élèves en âge d’être scolarisés. Le
but de cet enseignement est tout d’abord de donner aux élèves :
-
Des moyens d’expression
-
Des méthodes de travail
Les principes essentiels de cet enseignement
sont les suivants :
-
Allègement des programmes, en écartant les matières
très éloignées des préoccupations des élèves.
-
Insister sur les trois moyens d’expression/l’arabe, le
français et le calcul.
L’enseignement aura une double mission,
d’une part il préparera à l’entrée dans le cycle secondaire , d’autre part il
orientera un certain nombre d’élèves vers le centre d’accueil qui formeront le
cadre des ouvriers qualifiés ou semi-qualifiés à la suite de stage de formation
professionnelle.
STRUCTURES DE L’ENSEIGNEMENT DU PREMIER
DEGRE
Cet enseignement se poursuit sur six
années.
1ère, 2ème , 3ème année : 10 heures de Français + 15
heures d’Arabe
4ème, 5ème , 6ème année : 15 heures de Français + 10
heures d’Arabe .
L’enseignement du Français, 1ère
année se fera sous forme purement orale.
L’ARABE
Etant la faiblesse générale des élèves
en cette matière à l’issue de la 6ème année , il convient de :
-
Simplifier et moderniser l’enseignement de l’arabe.
-
S’en tenir aux règles essentielles de la syntaxe
-
Rechercher un vocabulaire qui soit le plus proche possible
de la langue parlée couramment par les élèves.
-
Faire en sorte que l’élève puisse exprimer le monde
extérieur immédiat, par l’arabe, donc avec une ouverture systématique sur le
concret.
LE FRANÇAIS
le problème est délicat , dans la mesure
où il a été décidé d’introduire l’étude du Français dès la première année .il a
été proposé :
-
Des objectifs modestes : permettre à l’élève de
s’exprimer et de raisonner.
-
De partir de l’entourage immédiat de l’élève et de
toujours rester dans le domaine du concret.
-
L’élève doit pouvoir nommer le monde qui l’entoure,
exprimer un embryon de vie effective, savoir organiser des informations sous
forme de paragraphe suivi.
-
D’utiliser des méthodes s’inspirant d’un enseignement
audio visuel simplifié ( méthode M.Aupècle) comportant des éléments syntaxiques
simples qui serviront effectivement l’élève.
-
D’établir un inventaire des besoins essentiels de l’élève
dans le domaine du langage pour lui permettre d’aborder la 1éré année
secondaire dans de bonnes conditions.
LE CALCUL
Dans un tel domaine l’introduction des
mathématiques modernes dès la 1ére année s’avère nécessaire si l’on veut
assurer à cet enseignement cohérence
absolue tout au long de la scolarité de l’élève, évitant ainsi la cassre
profonde qui existe à l’heure actuelle dans ce domaine entre le primaire et le
secondaire , les conclusions sont les suivantes:
-
Introduction des mathématiques modernes dès la 1ère
année.
-
Diffusion très rapide de cet enseignement parmi les
maîtres.
-
Tout élève, à l’issue du premier cycle doit savoir
faire les quatre opérations et établir un raisonnement.
-
Le calcul se faisant en français, il faut songer à
coordonner les deux enseignements.
HISTOIRE- GEOGRAPHIE
Dans un souci d’allègement des programmes,
il est souhaitable de supprimer cet enseignement en tant que tel et de le
rattacher à de nouvelles disciplines.
Il est proposé de rattacher
l’enseignement de l’histoire à l’instruction civique et d’évoquer le passé par
la lecture de textes français ou arabes ou par l’étude et l’observation du
milieu environnant (vieilles mosquées, remparts, ruines romaines etc…) il
s’agit de dégager la notion de passé, d’évolution dans les faits, des mœurs
sans pour autant entrer dans les détails.
La géographie serait rattachait à une
nouvelle discipline , provisoirement baptisée ECOLOGIE.
ECOLOGIE
Cette discipline se propose de
regrouper connaissances usuelles et
géographie ceci a l’avantage d’étudier les faits non en eux même et dans
l’abstrait, mais dans le milieu où ils vivent et se reproduisent ainsi que les
rapports de ces êtres avec le milieu. Ainsi cette discipline partira toujours
de l’observation du concret et apprendra à l’élève à lire le
« livre » de la nature et ainsi à mieux comprendre le milieu où il
vit.
L’introduction de cette nouvelle
discipline suppose un allègement des programmes , ainsi qu’un changement
d’esprit .Il faudra délibérément écarter des notions, trop complexes , ne peuvent
être immédiatement comprises de l’élève , sous peine d’être déformées par suite
de simplifications.
Cette discipline sera enseignée aussi bien en arabe qu’en français ;
ainsi les élèves feront l’utilisation parallèle et non successive des deux langues.
Ce travail sera effectué à partir
d’enquêtes dans le milieu.
ACTIVTES SOCIALES
Il s’agit, ici, d’introduire dans le
cycle normal des études des activités qui jusqu’alors étaient le propre
d’organisations de jeunes :l’UJT et plus particulièrement celle des
« louveteaux de la république » .Il est donc proposé :
-
D’iclure ces activités dans le cycle normal des
études.
-
De s’inspirer , en les diversifiant et en les
enrichissant, du travail fait par l’UJT( travaux manuels, sortie, excursion,
camping, chants, formation civique etc…)
-
De confier ce travail d’animation à l’instituteur qui
doit être toujours au centre de l’enseignement dispensé à l’école primaire.
-
Prévoir un programme très structuré d’animation.
-
D’officialiser ces activités et donc de revoir le
régime des assurances scolaires.
-
De proposer la répartition suivante sur une
semaine : 25 heures de cours + 5 heures d’activités sociales. elles
permettront , à longue échéance, de faire prendre contact, à l’élève comme pour
le maître , avec les réalités régionales , mais aussi, pourquoi pas, avec les
réalités nationales par la visite d’autres régions.
STRUCTURES
D’ACCUEIL A L’ISSUE DE L’ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE
la commission estime que cette question
est de la plus haute importance. Dans les circonstances actuelles , un peu plus
de 40% des élèves pénètre dans le secondaire , il n’est pas possible de laisser
les 60% qui restent sans formation pratique , l’enseignement primaire se
contentant de jeter les bases d’une formation encore théorique.
A cette âge , l’enfant est particulièrement
désarmé devant la vie ;il faut donc lui assurer cette formation pratique.
Elle sera conçue en relation étroite
avec le plan de développement de chaque région n délégation par délégation.
L’élève doit d’abord trouver sa place dans le cadre de la région pour éviter un
déracinement brutal dont lkes conséquences sont souvent désastreuses, aussi
bien sur le plan de l’individu que sur le plan national par suite d’une
dépopulation brutale de certaines régions.
L’entrée dans ces centres d’accueil se
fera à deux niveaux : tout d’abord à l’issu de la 6ème année ,
mais aussi dès la 4ème année, où seront constituées des classes
spécialistes de rattrapage qui décongestionneront ainsi les bonnes classes et
prépareront à l’entrée dans ces centres ; l’objectif étant le
suivant : tout élève en 1ère année doit être assuré d’arriver
en 6ème année, il est proposée :
-
D’organiser des centres d’accueil ayant pour vocation de
donner à l’élève une formation pratique et un métier.
-
Les élèves seront orientés dans ces centres à la suite
de tests organisés au niveau national permettant de déceler les aptitudes
réelles de l’élève.
-
Ces centres seront organisés en fonction des possibilités
d’accueil de la région , et de son plan de développement, avec possibilité pour
certains élèves de se réorientés dans d’autres secteurs où ils seraient plus
particulièrement doués.
-
Ces centres auront une double nature , ile seront des
entreprises n des unités économiques où des personnes dépendent directement de
l’éducation nationale se chargeront de la formation pratique de l’élève.Il y
aura aussi deux à trois heures hebdomadaires réservées à un enseignement
théorique qui sera dispensé dans des écoles.
-
Ces centres seront rattachés aux directions régionales
de l’enseignement.
-
Plus tard, le travail de ces centres pourra être
prolongé par des cours de rattrapage, de perfectionnement, pour que les
meilleurs ne e voient pas écartés de toutes promotion sociale.
FORMATION DES MAITRES DE L’ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE
La commission est partie des constations
suivantes : à l’heure actuelle il va falloir introduire très rapidement
l’enseignement du français et celui des mathématiques moderne dès la 1ère
année, d’autre part , il est constaté que les maîtres isolés voient leur savoir
très rapidement usé, leur volonté de culture découragée et l’acquis du maître
se réduit sans être renouvelé , ce qui conduit à une sclérose très grave de
l’enseignement . Les qualités requises de tout maître sont les suivantes :
Il doit apprendre à :
-
Réfléchir par lui même
-
Se documenter
-
Observer
-
Communiquer
-
S’exprimer
Pour que ces objectifs soient atteints,
il faut :
1.
Dans l’immédiat
-
Préparer, faire imprimer, diffuser parmi les maîtres
tout le matériel d’enseignement nécessaire.
-
Dans le cas plus particulier du Français : opter
pour un enseignement scientifique du français par l’adoption et la diffusion de
la méthode de M.Aupècle.
-
Confer ce travail à des personnes qui,
exceptionnellement, auront pour seule tâche de faire ce travail et de
diffusion.
-
Organiser aux vacances de printemps des stages
d’information pour les maîtres ( deux jours).
-
Prévoir, durant le troisième trimestre, à un rythme
hebdomadaire, des cours d’application.
-
Durant les vacances d’été, une période de stage avec
application dans les classes de ces méthodes.
2.
A long terme
§ Rompre l’isolement des maîtres dans les
campagnes par :
-
La diffusion du cours par correspondance, accompagné
de cours à la radio ou à la télévision.
-
L’accompagnement des programmes par des fascicules contenant
toutes les directives pédagogiques nécessaires indiquées de façon détaillée.
-
Revoir le régime des examens dans les écoles normales.
-
Prévoir une rotation systématique des maîtres dans
leurs postes pour ne pas laisser les mêmes dans les postes déshérités et donner
à tous une possibilité de promotion par l’accès à un poste meilleur.
Il s’agit donc de mettre au point un
système d’enseignement aux directives rigoureuses qui puisse , éventuellement ,
pallier aux défaillances humaines , et pour plus tard améliorer la qualité des
maîtres par une politique de recrutement plus sélective.
Fin de la première partie, à suivre
Présentation et commentaire Hédi
Bouhouch et Mongi Akrout, inspecteurs généraux de l'éducation
Tunis , 2016.
[1] Voir Ahmed Ben Salah : shououn attarbya
wa attaalim , juillet - août 1968 , Secrétariat des affaires culturelles et de l’information ,
p ,48
[2] M° mohamed Hédi Khelil , qui était à l’époque le
directeur régional de l’enseignement de Nabeul , que toutes les régions avaient
préparé leur rapport et transmis au ministère, nous n’avons pas pu trouver
trace de tous ces rapports, seul le
rapport de Sfax a pu être consulté grâce
aux archives personnelles de M° Ahmed Zghal ,
directeur du lycée 25 novembre de Sfax à l’époque, qui a eu la grande amabilité
de nous le communiquer , qu’il en soit vivement remercié.
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