lundi 20 juillet 2020

Comparaison entre les résultats des élèves des classes terminales obtenus à l'épreuve d'histoire et de géographie et leurs moyennes annuelles dans les deux disciplines


Ext  
           
Hédi Bouhouch
Au moment où l'opération de correction des épreuves du baccalauréat 2020  se poursuit dans les différents centres de correction, le blog pédagogique propose à ses lecteurs des extraits d'un mémoire de fin de stage  réalisé par trois stagiaires sous la supervision de l'inspecteur Mongi Akrout, nous avons jugé utile de le publier  car il semble que la problématique soulevée  par la recherche au milieu des années 90 est encore présente, à savoir l'écart significatif entre les notes obtenues au baccalauréat et celles obtenues au cours de l'année scolaire.

                       Le blog pédagogique tient à remercier les trois enseignants Mohamed Bouaziz, Rabiaa Bouderbal et Souhayl Haddar pour avoir donné  leur accord pour la publication, qu'ils en soient remerciés pour leur confiance et nous leur proposant de refaire l'étude à partir d'un échantillon de leurs élèves candidats du baccalauréat 2020 pour voir l'évolution de la situation.



Titre du Mémoire : Comparaison  entre les résultats des élèves des classes terminales obtenus à l'épreuve d'histoire et de géographie
 et leurs moyennes annuelles dans les deux disciplines
Présenté par Mohamed Bouaziz, Rabiaa Bouderbal et Souhayl 
Haddar
Le plan
Introduction
I.     Les résultats de l'épreuve d'histoire et de géographie au Baccalauréat
.1.  Les hypothèses
a.     Conformité des résultats entre le baccalauréat et les résultats de l'année
b.    Non-conformité des résultats entre le baccalauréat et les résultats de l'année
.2.  L'état des lieux
a.     L'écart entre les deux résultats
b.    Poids de la note d'histoire et de géographie dans le résultat du baccalauréat
II.     Les facteurs explicatifs de cette réalité
.1.  Les causes de l'écart selon les enseignants
.2.  Les causes profondes
 Conclusion
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Introduction
 Cette recherche s'intéresse  aux résultats en histoire et géographie d'un échantillon d'élèves de 7ème année lettres au baccalauréat en comparaison avec leurs résultats au cours le l'année. Nous avons essayé à travers ce travail de:
- présenter un état des lieux et de chercher à l'expliquer,
- sensibiliser les enseignants d'histoire et de géographie  de la situation partant de deux hypothèses, la première part du principe de conformité entre les deux résultats et la deuxième part au contraire de l'absence de cette conformité.  
Quant à la méthode de recherche, nous avons choisi un échantillon constitué de 148 élèves sur 3139 candidats qui avaient participé à la session principale de 1994, ce qui représente environ 5%. Les élèves de l'échantillon appartiennent tous à la direction régionale de l'enseignement de Sfax mais proviennent de plusieurs établissements publics et d'un établissement privé, trois établissements du centre ville et un établissement d'un village;  le choix de l'échantillon des candidats et des établissements était aléatoire.
La matière utilisée était constitué des moyennes annuelles d'histoire et de géographie, des notes obtenues au baccalauréat (session principale, juin 1994), de la moyenne générale au baccalauréat et du résultat final.

I- L'état des lieux des résultats des élèves en histoire et géographie
1- les hypothèses avancées.

Quand on s'engage à étudier l'état des lieux et la réalité des deux disciplines dans les classes terminales, nous nous trouvons devant deux hypothèses:
* La première hypothèse parle d'une conformité des résultats des élèves au baccalauréat et au cours de l'année, cette hypothèse est défendue par 5 enseignants sur six qui ont répondu à notre enquête, ces derniers affirment qu'ils appliquent les mêmes critères en évaluant les copies des élèves au cours de l'année et lors de la correction dans les centres d'examen. D'autre part ils appliquent le même barème à savoir : le plan (6 réponses sur 6) ; la bonne organisation (5 réponses sur 6) ; la maîtrise des connaissances (4 réponses sur 6).
*La deuxième hypothèse parle d'une différence entre les deux résultats, en se référant aux mécontentements des élèves et de leurs enseignants qui se plaignent après chaque session de la baisse des notes au baccalauréat par rapport aux moyennes annuelles .  

.1.  L'état des lieux
Après l'analyse des données statistiques dont nous disposions, nous avons dû rejeter la première hypothèse qui dit qu'il ya une conformité et par conséquent la confirmation de la deuxième hypothèse qui reconnait l'existence d'une non-conformité entre les résultats des élèves au cours de l'année et ceux qu'ils ont obtenus à l'examen du baccalauréat. Les statistiques nous ont montré aussi que les notes d'histoire géographie obtenues au baccalauréat ont un impact direct sur le résultat final du candidat.

- Les notes obtenues au baccalauréat diffèrent des notes de l'année
Il faudrait signaler tout d'abord que la tendance dominante est plutôt vers la baisse et non vers l'amélioration, ainsi sur les 148 cas étudiés:
- 93 élèves ont vu leur note  baisser,
- 23 élèves ont obtenu les mêmes résultats
- 32 élèves ont vu leur note s'améliorer.
La baisse moyenne a atteint 1.89 points, alors que l'amélioration moyenne n'était que 0.96 point. Parmi les 93 candidats qui ont vu leurs notes baisser, les notes de 24 candidats ont chuté de 3 à 6 points, l'amélioration dans les mêmes intervalles n'a été enregistrée que pour deux candidats.
 
Plusieurs indices montrent la différence entre les deux résultats, parmi eux, nous citons:
*la baisse de la moyenne des notes obtenues au baccalauréat par rapport à la moyenne des notes au cours de l'année scolaire,  la première est de 8.9 alors que la deuxième est de 10.
* Réduction du nombre d'élèves ayant obtenu de bonnes notes (voir tableau 1 ci-dessous).


Notes entre 10 et 15
Notes supérieure à 15
 Au cours de l'année
54.7 %  des candidats
0.7 % des candidats
 A l'examen du baccalauréat
29 % des candidats
0 %  des candidats
Tableau 1: comparaison des taux des élèves ayant obtenu des notes au dessus de la moyenne.
Le tableau ci-dessus montre que le taux des élèves dont la moyenne annuelle en histoire -géographie était comprise entre 10 et 15 sur 20 était presque le double du taux enregistré au baccalauréat, cela confirme le recul des résultats de notre échantillon, dans le même temps, le taux des élèves qui ont obtenu de mauvaises notes ou en tous les cas, des notes en dessous de la moyennes au baccalauréat a atteint 70.3%, alors qu'ils ne représentaient que 44.6% au cours de l'année scolaire. Nous pouvons ajouter pour confirmer ce recul que les notes inférieures à 5 sur 20 étaient absentes au cours de l'année alors qu'au baccalauréat  5.4% des candidats  avaient obtenu des notes inférieures à 5. (Voir tableau 2 ci-dessous)

Total en dessous de la moyenne
De 5 à 10
De 0 à 5
La note
44.6%
44.6%
0%
Au cours de l'année
70.3%
64.9%
5.4%
Au baccalauréat
Tableau  2 : comparaison des taux des élèves ayant des notes inférieures à la moyenne.

* le recul de la moyenne la plus faible et la moyenne la plus forte
Au Baccalauréat
A cours de l'année

2.5 sur 20
6.16 sur 20
Moyenne des notes les plus basses
13 sur 20
15.51 sur 20
Moyenne des notes les plus élevées
Tableau 3 : comparaison de  la moyenne la plus faible et la moyenne la plus élevées

Le tableau ci-dessus montre que la moyenne des notes les plus faibles enregistrée au cours de l'année scolaire était autour de 6 ( 6.16) , cette moyenne dégringole au baccalauréat jusqu'à 2.5 , nous notons aussi un net recul au niveau de la moyenne des meilleures notes obtenues par les élèves de notre échantillon qui est passée de 15 sur 20 au cours de l'année  à 13 sur 20 à l'examen du baccalauréat.
L'idée de la non-conformité entre les deux moments de l'évaluation se consolide en étudiant la dispersion des notes, en effet l'écart type[1] est passé de + 1.53 au cours de l'année à + 2.21 au baccalauréat.
Pour récapituler, on peut conclure que tous les indices que nous avons pu analyser confirment la non concordance entre les résultats de l'évaluation des élèves au cours de l'année (faite par leur enseignant et sans anonymat) et les résultats obtenus au baccalauréat.
b- Effet des notes de l'épreuve d'histoire et de géographie sur le résultat du candidat au baccalauréat
Notes d'histoire et de géographie
Les admis
Les refusés
effectif
%
effectif
%
De 0 à 5
0

8
5.4%
De 5 à 10
45
34.5%
51
30.4%
10 à 15
34
23%
10
6.8%
Total
79
57.5 %
69
42.6%
Tableau 4 : répartition des notes d'histoire et de géographie des amis et des refusés
Les données statistiques montrent qu'il ya un réel impact des notes de l'histoire et de la géographie sur le résultat final du candidat au baccalauréat, deux  indices renforcent cette constatation:
- le premier indice : aucun candidat ayant eu en histoire et en géographie une note inférieure à 5  n'a réussi son baccalauréat. (Voir tableau 4 ci - dessous)
- le deuxième indice : parmi les79 élèves déclarés admis, 34 ont obtenu de bonnes notes en histoire et géographie, et parmi les 69 élèves refusés 51 candidats avaient obtenu des notes entre 0 et 10.
Mais, il faut relativiser ces conclusions car nous trouvons parmi les candidats ayant obtenu de bonnes notes en histoire géographie sans pour autant réussir leur baccalauréat (voir tableau 4).
L'impact des résultats en histoire géographie se voit aussi à travers les résultats des élèves de l'échantillon au cours de l'année (voir tableau 5 ci-dessous).

N'ayant pas  la moyenne annuelle générale
Ayant la moyenne annuelle générale
Nombre  d'élèves
Moyenne annuelle en H G
%
Nombre
%
Nombre
28.4%
42
16.2%
24
66
De 5 à 10
17.6%
26
37.2%
55
81
A 15 10

1


1
+ de 15
44.6%
69
53.4%
79
148
Total
Tableau  5 : rapport entre la moyenne en histoire  géographie et la moyenne annuelle générale

Les données statistiques du tableau  ci-dessus montrent clairement l'impact des notes d'histoire et de géographie sur la moyenne générale de l'année puisque la majorité de ceux qui avaient des bonnes notes en histoire et géographie (55 sur 81 élèves) ont la moyenne annuelle générale, par contre parmi ceux dont les notes étaient insuffisantes ou faibles (entre 5 et 10 sur 20) la majorité n'a pas la moyenne générale (24 sur 42 élèves). Bien que nous notions un cas étrange, c'est celui de cet élève dont la note d'histoire et de géographie est supérieure à 15   qui n'a pas eu la moyenne annuelle générale.

II- Les facteurs explicatifs de cet état
La principale conclusion qu'on pourrait tirer de l'analyse précédente, c'est l'importance des deux disciplines dans les résultats de l'élève que ce soit au niveau de la moyenne annuelle ou du résultat du baccalauréat.
Nous avons essayé de connaitre les causes de la baisse des notes au baccalauréat qui a touché 93 candidats sur 148, pour y parvenir nous avons enquêté auprès d'un certain nombre d'enseignants de terminales et sur nos propres recherches et analyse des données réalisée dans la première partie.
1) les facteurs explicatifs d'après les enseignants
Pour connaitre les facteurs qui expliquent le recul, nous avons envoyé un questionnaire à 6 enseignants de terminales qui participaient aussi depuis quelques années à la correction des épreuves du baccalauréat.
La majorité d'entre eux renvoie la baisse des notes des élèves au baccalauréat par rapport à leurs résultats au cours de l'année à trois facteurs :
* le premier facteur est la non assimilation du programme à cause de sa longueur ( 5 enseignants parmi 6), le grand nombre de leçons constitue un obstacle par rapport aux capacités des élèves à l'assimilation et la maîtrise de la totalité des questions , à ce propos les enseignants expliquent la différence entre les résultats par le fait qu'au cours de l'année scolaire les épreuves ne portent que sur un nombre limité de chapitre ( un ou deux ).
* le deuxième facteur c'est l'absence de méthodologie chez les candidats car ils ne l'ont pas acquise pendant les années qui précèdent la classe terminale.
* autres facteurs comme la peur de l'examen, l'absence d'une formation  de base transdisciplinaire, et  la négligence des deux disciplines par les élèves lors de leurs premières années au collège et au lycée.
2) Les raisons effectives
Nous sommes en accord avec la majorité des enseignants sur l'effet de la longueur des programmes comme facteur qui explique la baisse des notes au baccalauréat, d'ailleurs ce qui aggrave la situation c'est le recours de certains enseignants aux polycopies ce qui ne facilite guère la tâche des élèves et ne les aident guère à assimiler les contenus des dernières leçons.
Mais nous ne sommes pas d'accord avec nos collègues quand ils expliquent la baisse par l'absence de méthodologie, nous ne nions pas l'importance de la méthodologie, ce que nous contestons c'est le fait de la considérer comme un facteur du recul des élèves au baccalauréat, car dans la première partie nous avons montré que 24 élèves qui ont vu leurs notes baisser de 3 à 6 point, 19 avaient de bonnes notes au cours de l'année (entre 11 et 15 sur 20), on est en droit de se demander comment ces élèves ont-ils pu "oublier" la méthodologie le jour de l'examen alors que leurs notes au cours de l'année laissent supposer qu'ils avaient une certaine maîtrise méthodologique, or la méthodologie est une compétence durable et non un savoir éphémère.
A moins que l'élève n'a jamais été initié à la méthodologie au cours de sa scolarité et dans ce cas c'est la responsabilité de l'enseignant ou bien que cet aspect n'est pas pris en considération lors de l'évaluation au cours de l'année scolaire  car comme on l'a déjà précisé il n'est pas facile d'oublier une compétence qu'on a maitrisée durant l'année scolaire sauf pour des cas très particuliers d'élèves qui peuvent perdre tous leurs moyens le jour de l'examen national, cela ne peut guère toucher plus de la moitié des candidats.
C'est pour cette raison que nous pensons qu'il y a un facteur important qui explique la baisse des notes à l'examen final, il s'agit de l'attitude de l'enseignant qui ne traite pas les copies avec la même rigueur, ainsi au cours de l'année il est moins exigeant ( la preuve la plus faible moyenne au cours de l'année de notre échantillon était 5/20, alors qu'au bac elle est descendue à 2.5/20) ; nous constatons la même chose pour la meilleure moyenne qui passe de 15/20 à 13/20.
Le troisième facteur avancé par les enseignants enquêtés est l'absence d'une formation globale et interdisciplinaire et le faible intérêt des élèves pour les disciplines d'histoire et de géographie au cours des premières années de collège et du lycée, qui pense qu'il suffit d'apprendre par cœur le résumé dicté par le professeur et de le reproduire le jour de l'examen, en réalité cette image n'est pas le fruit du hasard, elle est le résultat des pratiques des enseignants qui adoptent en général la méthode magistrale et la dictée des résumés , méthodes qui rebutent les apprenants et dévalorisent les deux disciplines à leurs yeux.
Conclusion
Notre  recherche nous a permis de nous arrêter sur plusieurs vérités:
La première est  recul des résultats des élèves en histoire et en géographie à l'examen du baccalauréat, et le poids déterminant des deux disciplines à l'examen du baccalauréat.   
La deuxième vérité est que la responsabilité de la baisse des résultats est partagé entre plusieurs acteurs dont l'enseignant qui est le principal responsable de la formation de l'élève ( ici nous parlons de tous les enseignants et non de ceux des classes terminales), nous sommes convaincus que la réussite de l'élève au baccalauréat ne peut pas être le produit de ce qu'il apprend en 7 ème année, il est le fruit d'une formation que l'enseignant devrait lui donner depuis les premières années en adoptant les méthodes actives et en inculquant le véritable sens des deux disciplines, c'est le seul moyen pour faire changer l'attitude de l'élève vis-à-vis de l'histoire et de la géographie .
Quant à la responsabilité de l'élève, elle n'est pas moindre, il doit se libérer de la dépendance totale vis-à-vis du cours de son maitre en faisant plus d'efforts dans le sens de l'auto formation.
Traduit par Mongi Akrout & Abdessalam Bouzid, Inspecteur généraux de l'éducation
Tunis, juillet 2020




[1] L'écart-type sert à mesurer la dispersion, ou l'étalement, d'un ensemble de valeurs autour de leur moyenne. Plus l'écart-type est faible, plus la population est homogène

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