Il s'agit d'une forme d'emploi précaire puisque le contrat qui lie l'enseignant à l'administration est d'une durée déterminée et peut être résilié à tout moment.
Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas d'une pratique nouvelle, mais ce qui est nouveau c'est que ce mode tend à devenir la principale voie de recrutement des enseignants dans plusieurs pays.
Les
facteurs qui expliquent ce phénomène
Les
enseignants contractuels sont recrutés pour diverses raisons selon les pays,
mais la raison budgétaire vient en tête. En effet plusieurs pays à faible
revenu et connaissant des difficultés budgétaires, se sont mis à recruter des
contractuels car ils coûtent moins cher et cela leur permet de faire des
économies et de réduire les dépenses de l'éducation, d'autant plus qu'ils font
face à des besoins accrus d'enseignants afin d’assurer l'accès à l'enseignement
pour tous les enfants.
D'autres
pays recourent aux contractuels parce qu'ils connaissent une pénurie de
candidats qualifiés. C'est le cas par exemple de la France qui fait face depuis
des années à un manque d'enseignants. Ainsi au mois de « septembre 2022,3000 enseignants contractuels
ont été recrutés au cours de l'été pour pallier la pénurie d'enseignants dans
l'éducation nationale…»[1]. C'est aussi le cas des Etats Unis d'Amérique
qui, dans « le cadre du programme- Teach for America -, ont recruté les diplômés d’université qui
souhaitent enseigner dans les établissements scolaires défavorisés des zones
urbaines et rurales…»[2]
Jean Bourdon[3]
a étudié le phénomène dans les pays d'Afrique subsaharienne. Pour lui, la
contractualisation de l'enseignement dans ces pays est dû essentiellement à des
difficultés de financement de l'éducation, surtout depuis qu'ils ont décidé la
massification de l'enseignement dans le cadre des recommandations du Forum de
Dakar qui appellent à donner une éducation de base pour chaque habitant de la
planète. Le forum avait fixé, en 2000, six objectifs essentiels pour 2015 dont
l'objectif suivant : « Tous les enfants en âge d’être scolarisés doivent
avoir la possibilité d'accéder à un enseignement primaire gratuit de qualité et
de le suivre jusqu'à son terme ».
Or la réalisation de cet objectif
nécessite un recrutement massif d'instituteurs, ce qui ne manquerait pas
d'alourdir le poids financier déjà assez difficile à supporter par les budgets
de ces pays. D'après l'auteur, la masse salariale des enseignants se situe entre 75% et 92 % des coûts de
l'enseignement primaire dans les pays d'Afrique subsaharienne." (Bourdon,
J & al. 2007)[4]. D'après
l'institut de statistique de l'Unesco, ce taux atteint 91% au Nigéria, 81% en
Angola et 34 % au Congo[5].
Or le levier principal proposé par les bailleurs de fonds et les partenaires
internationaux est la compression de la rémunération du corps enseignant.
" Les deux principaux changements qui sont demandés par la Banque
mondiale aux pays concernent la question des coûts en envisageant la baisse
relative de la rémunération des enseignants et l’abaissement des taux de
redoublement" (Bourdon, 2006). Or la solution toute trouvée était de
recourir à de nouvelles formules de recrutement telles que la vacation, la
contractualisation…
La
rémunération des enseignants représente en moyenne les deux tiers (2/3) des
dépenses courantes consacrées à l’enseignement primaire et secondaire dans
les pays de l’OCDE. Des enseignants pour l’école de demain
- https://www.oecd.org/fr/education/scolaire/1840213.pdf |
Cette
politique de recrutement « des maîtres sous de nouveaux statuts moins
rémunérateurs et plus précaires en termes de sécurité d’emploi, à des niveaux
de salaire plus faibles, possèdent assurément un considérable effet de levier
sur la dépense éducative ».Certains pays, à l’image du Cameroun ou du Mali,
recrutent des contractuels payés uniquement 25 % du montant du salaire des
titulaires.
Selon
une étude de la banque mondiale, le salaire d'un enseignant non qualifié
représente 60.6% du salaire d'un enseignant qualifié en début de carrière en
2006/2007.
Bourdon
a comparé les rémunérations des instituteurs titulaires avec celles des
contractuels dans 12 pays d'Afrique Subsahrienne, il a constaté que le salaire
des premiers représente 5.6% du PIB par habitant alors qu'il n'était que 2.8%
du PIB par habitant pour les seconds.
Voici
quelques exemples :
pays |
Instituteur
titulaire |
Instituteur
contractuel |
Bénin
(2005) |
5.2%
du PIB / hab |
5.2%
du PIB / hab |
Cameroun(2002) |
5.3%
du PIB / hab |
1.4%
du PIB / hab |
Mali
(2004) |
7.5%
du PIB / hab |
4.8%
du PIB / hab |
Total
12 pays |
5.6%
du PIB/ hab |
2.8%
du P PIB / hab |
Tiré de Bourdon & al (2007) op. cité.
A titre indicatif et dans le but d'avoir
un moyen de comparaison, le graphique suivant nous donne le poids du salaire
des enseignants du 1er cycle du secondaire (l'équivalent des
collèges en Tunisie) par rapport au PIB dans 19 pays hors de l'Afrique.
Fin
de la première partie, A suivre
Mongi Akrout
& Abdessalam Bouzid, Inspecteurs généraux de l'éducation
Tunis, novembre
2022
Pour accéder à la version Arabe, CLIQUER ICI
[1]Manstrandreas, S. ( 2022)
Rentrée scolaire : Qui sont les contractuels embauchés pour pallier la pénurie
de professeurs? Publié le 26 août 2022
[2] Enseignants contractuels, de
substitution et communautaires.
https://www.open.edu/openlearncreate/mod/oucontent/view.php?id=165476§ion=1.3
[3] Jean Bourdon. Coût et
financement de l’éducation primaire en Afrique Subsaharienne. PILON Marc (IRD).
Défis du développement en Afrique subsaharienne : l’´education en jeu, CEPED,
pp.123-145, 2006, Rencontres.
[4] Jean Bourdon, Alain Patrick NkengneNkengne. Les enseignants
contractuels
: Avatars et fatalités de
l’éducation pour Tous. Séminaire international : La professionnalisation des enseignants del’éducation de base : les
recrutements sans formation initiale”, Juin 2007, Sèvres, France,
30p, 2008.
[5] Le
financement de l'éducation en Afrique subsaharienne : relever les défis de
l'expansion, de l'équité et de la qualité- Unesco, Institut des
statistiques.2011
Merci chers amis pour cet aperçu historique de la question 🎉
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