Selon
Bourdon[1],
plusieurs pays africains subsahariens ont opté pour le recours massif à des
enseignants sous le statut de vacataires ; par exemple au Niger cette catégorie représentait en 2000
près de 50 % du corps enseignant du primaire (Bernard et al. 2004 : 6) »
Au
Bénin « selon des données
partielles, 72 % des enseignants, au niveau des premiers grades du primaire en
2003, seraient employés sur ces nouveaux statuts de contrats locaux, durant l’année
scolaire 2007-2008, alors que seulement 53% ont été engagés par
l’état[2] (Ministère des
enseignements Primaire et Secondaire, 2008).[3]
Au
Sénégal, selon Augustin Kalano (2012), en 2008, on « comptait 19,26%
d’enseignants titulaires, 41,74% de maîtres contractuels (MC) et 18,19% de
volontaires de l’éducation nationale (VEN) ; soit un taux d’enseignants du
«corps émergent »[4]
de 59,93% » [5]
Le phénomène a touché aussi trois pays
d'Afrique du nord : le Maroc, l'Algérie et la Tunisie.
Au
Maroc, depuis 2016, le département de
l’éducation nationale a adopté une nouvelle politique de recrutement des
enseignants, avec le recours massif au
recrutement par contrat. Cette politique s’inscrivait dans le cadre général de
la réforme du système éducatif. Celle-ci, érigée en un « choix stratégique et irréversible »,
intervient dans un contexte de chute drastique de l’effectif des enseignants qui
ne suit plus les besoins du système éducatif qui sont de plus en plus
importants et les créations de postes dans le cadre des lois de finances qui ne
suivent pas. Le recours à la contractualisation est également dicté par des
considérations budgétaires. En effet, la maîtrise de la masse salariale est une
question primordiale pour les pouvoirs publics, c’est même un engagement du
Maroc vis-à-vis du Fonds Monétaire International (FMI) dans le cadre de la
ligne de précaution et de liquidité. « En 2018, la masse salariale a atteint
108,8 milliards de dirhams, enregistrant une hausse de 55% en dix ans. Le
Gouvernement marocain s’est donc engagé à maintenir la masse salariale
publique, y compris les cotisations sociales, sous le seuil de 10,5% du PIB à
moyen terme contre un ratio de 12% actuellement»[6].
Le
projet de loi des finances 2022 prévoit de recruter 15.000 contractuels en
2022. Ces nouveaux contractuels vont s'ajouter aux 102.000 enseignants
contractuels recrutés entre 2017 et 2021. Ainsi les contractuels représentent à
peu près le tiers des professeurs d'après Jeune Afrique[7].
La
précarité des contractuels les a poussés à s'organiser pour obtenir une
amélioration de leur situation. Une coordination nationale des enseignants
contractuels (CNPCC) a été constituée pour engager les négociations avec le
ministère sans grands succès. A la rentrée 2021/2022, la CNPCC a mis au point «un
programme de lutte spéciale, pour faire valoir leur droit auprès de leurtutelle
et de l’État. Dans un communiqué elle a annoncé un nouveau débrayage du 12 au
16 octobre»[8]
En Algérie, le phénomène de la
contractualisation a pris beaucoup d'ampleur depuis des années. D'après le président du Syndicat national autonome
des professeurs de l’enseignement secondaire et technique algérien, on
compte « un à deux
enseignants contractuels par établissement scolaire, le syndicaliste a affirmé
qu’ils sont actuellement des milliers à partager cette situation incertaine[9]».
Le
responsable syndical explique l'ampleur du phénomène par deux facteurs qui
rappellent la situation marocaine : le manque flagrant de postes budgétaires octroyés par la fonction
publique et l'incapacité des
écoles spécialisées à répondre aux besoins en enseignants. Ainsi, «le
ministère de l’éducation s’est rabattu sur les contractuels et les vacataires
mais leur situation censée être temporaire a duré des années pour certains ».
Il est vrai qu' «en
2012, c’est l’ancien ministre de l’Education nationale, Ben Bouzid, qui avait
procédé à la normalisation de la situation des enseignants contractuels en
poste en les recrutant, mais depuis 10 ans, rien n’a été fait depuis»d'après
le responsable syndical[10].
Cette
situation a entraîné de longs mois de mobilisation et de mouvements de
contestations des contractuels (sit-in, marche, grève de la faim de plusieurs
semaines …) qui demandaient la régularisation. Le ministère a décidé
l'ouverture d'un concours pour 52000 postes destinés à la régularisation des
contractuels.
Fin
de la deuxième partie, à suivre la contractualisation en Tunisie
Mongi
Akrout & Abdessalam Bouzid, inspecteurs généraux de l'éducation.
Tunis,
octobre 2022
Pour accéder à la version Ar, Cliquer ICI
[1] Jean Bourdon. Coût et financement
de l’éducation primaire en Afrique Subsaharienne. PILON Marc (IRD). Défis du
développement en Afrique subsaharienne : l’´education en jeu, CEPED,
pp.123-145, 2006, Rencontres.
[2]Lauwerier,
Thibaut, BRÜNING, Marie, AKKARI, Abdeljalil. La qualité de l’éducation de base
au Bénin: la voix des acteurs locaux. Recherches en Education, 2013, no. 15, p.
120-136
[3]Opt cité
[4] Le « Corps émergent »
fait référence aux catégories des Volontaires de l’Éducation (0-2 ans de
service) et des Maîtres Contractuels (plus de 2 ans de service sans formation
professionnelle initiale).
[5] Augustin Kalano (2012)
Des déterminants des performances scolaires au primaire au Sénégal. Editions universitaires européennes
[6] Le métier de l'enseignant au Maroc à l'aune de la comparaison
internationale, rapport préparé en 2021 par
le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche
scientifique et l'instance nationale
d'évaluation du système d'éducation , de formation et de recherche
scientifique.
https://www.csefrs.ma/wp-content/uploads/2021/11/30-11-Rapport-me%CC%81tier-de-lenseignant-V-Fr.pdf
[7]Nina Kozlowski. Maroc : les enseignants contractuels, une épine dans le
pied de Chakib Benmoussa. 29 octobre 2021
https://www.jeuneafrique.com/1258376/politique/maroc-les-enseignants-contractuels-une-epine-dans-le-pied-de-chakib-benmoussa/
[8]ChaimaaBarki .Enseignants contractuels: La grogne
pèse sur la rentrée scolaire, L'Opinion ; 12 octobre 2021
https://www.lopinion.ma/Enseignants-contractuels-La-grogne-pese-sur-la-rentree-scolaire_a19610.html
[9] De
source syndicale le nombre des
contractuels en 2022 avoisine les 18 000 enseignants
Lynda Louifi (2022) : Recrutement d’enseignants sur
concours en décembre prochain-Le jeune indépendant 30 juillet 2022
https://www.jeune-independant.net/recrutement-denseignants-un-concours-est-prevu-en-decembre-prochain/
[10]WafaSifouane. Enseignants
contractuels : la fin du calvaire,in l'Algérie aujourd'hui. 13/3/2022.
https://lalgerieaujourdhui.dz/enseignants-contractuels-la-fin-du-calvaire/
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