La contractualisation en Tunisie
Le
département de l'éducation nationale a toujours eu recours à des enseignants
sous des statuts précaires : agents temporaires, suppléants, vacataires pour
remplacer des enseignants ou des enseignantes titulaires absents pour diverses
raisons ou pour occuper des postes non pourvus de titulaires.
Depuis
2008, le gouvernement commença à utiliser des contractuels pour occuper des
postes vacants. Depuis, cette forme de recrutement a pris de l'ampleur. Ainsi
le nombre de contractuels n'a cessé d'augmenter. L'état a opté pour ce mode de
recrutement pour réduire le recrutement des fonctionnaires à titre définitif.
Il considère que c’est l'un des moyens pour compresser le coût de la masse
salariale du ministère de l'éducation qui a atteint un taux très élevé (95% en
2021 du budget du ministère d'après les déclarations du ministre de l'éducation
nationale à l'occasion de la nouvelle rentrée 2022/2023)[1].
En fait un contractuel ne perçoit que 750D par mois, soit environ 50% du
salaire d'un professeur d'école primaire débutant.
D'après
une étude récente de la Banque mondiale (2020) «Les dépenses inhérentes à la
masse salariale du secteur de l’éducation se sont significativement accrues en
raison des recrutements, promotions et autres augmentations salariales. Les
dépenses en masse salariale sont passées de 88% du total des dépenses de
l’éducation en 2012 à 93% de ces mêmes dépenses en 2017»[2].
Le
rapport cite deux raisons explicatives à cela :
-
Premièrement
l’augmentation des effectifs : «depuis 2005,
le nombre d’enseignants (respectivement au nombre du personnel administratif non
enseignant) a augmenté de 1.1% par an alors que le nombre d’élèves a chuté de
0,5% par an dans le primaire et de 1,7% par an dans le secondaire»
-
Deuxièmement
l’augmentation des rémunérations : les salaires
des enseignants ont augmenté de 7,9% par an entre 2011 et 2017 «Le salaire
annuel moyen d’un enseignant est égal à deux fois le PIB par habitant, soit 5,3
fois le SMIG (en 2005, il était 4 fois le SMIG). Aujourd’hui, 99% des
enseignants du primaire occupent la pénultième sinon la catégorie la plus élevée
sur l’échelle des salaires et 87,2% des enseignants du secondaire sont dans la
catégorie la plus élevée…».
A la suite des grèves à répétition des syndicats des
enseignants en 2015, des accords ont donné une
augmentation du salaire brut des enseignants du primaire comprise entre
320D et 775 D entre 2015 et 2019.
Les
différentes mesures au profit des enseignants d'après le communiqué de la
présidence du gouvernement du 21 septembre 2015 (Communiqué publié le 21/09/2015) ·
Attribution aux enseignants du
primaire des promotions exceptionnelles allant de deux à cinq grades durant
la période comprise entre 2013 et 2019, conformément aux accords conclus à
cet effet. ·
Création de grade de professeur
principal hors classe et de professeur principal émérite. ·
Doublement de la prime de la
rentrée scolaire de 180 D à 360 D et de la prime de travail en zone rurale de
36 D à 72 D ·
L’attribution aux enseignants du
primaire d’une prime spécifique d’une valeur de 90 dinars échelonnée sur
trois ans (2015-2016-2017), en plus des majorations salariales dont le
montant s’élève à 50 D au titre de 2015. ·
L'attribution d’une majoration au
profit de ce corps au titre des années 2016 et 2017 comprise entre 110 et 120
D dans le cadre des majorations salariales générales proposées, outre la
prime spécifique d’une valeur de 150 D qui sera échelonnée sur trois
ans : 2016-2017-2018. ·
L’augmentation du salaire brut des
enseignants du primaire entre 2015 et 2019 qui sera comprise entre 320D et
775 D. http://www.pm.gov.tn/pm/actualites/actualite.php?id=8468&lang=fr&from=idaraty.tn |
Comme
dans les autres pays du Maghreb, le nombre de suppléants et de contractuels
travaillant dans les écoles, les collèges et les lycées n'a cessé d'augmenter
au cours des années 2000 (9200 d'après
une étude de la B.M[3]). Ils
ont fini par représenter un véritable problème national surtout que les
périodes de suppléances et la durée des contrats se sont transformées en pseudo
travail permanent mais dans des conditions dégradantes (sous payement et retard
dans le payement, absence de couverture sociale…).
Ce
corps a commencé à s'organiser, les syndicats de l'enseignement primaire et du
secondaire ont pris en charge la défense de leurs intérêts exigeant la
régularisation de leur situation et leur intégration une fois pour toutes. La question était
présente dans toutes les négociations entre les syndicats et le ministère.
Plusieurs accords ont été signés entre les
deux parties. Un premier accord (23 juin 2012) a prévu la régularisation de
tous les suppléants et les contractuels exerçant dans le primaire sur quatre
ans, de 2012 à 2015 à raison d'au moins 1000 postes par tranche. Ce premier
accord fut suivi de deux autres : l'accord de 2015 et l'accord du 8 mai
2018 ; mais tous ces accords n'ont pas réussi à mettre un terme à la
question.
Le mouvement vient d'être relancé à la rentrée
2022 avec des arrêts de travail, des rassemblements devant le siège du
ministère et des délégations régionales avec un mot d'ordre : la régulation.
Les négociations
entamées au mois d'octobre 2022 n'ont pas abouti. Les deux parties (le
ministère de l’éducation et la
fédération de l’enseignement de base) ont annoncé l’échec des
négociations à l’issue de la séance de dialogue tenue le mardi 18 octobre 2022.
La partie syndicale ayant rejeté les propositions du ministère qui prévoient
d'après le communiqué du ministère :
1)
la
régularisation des 2326 détenteurs de la licence appliquée en éducation et
enseignement (promotion 2021) qui ont travaillé en tant que contractuel au
cours de l'année scolaire précédente. Ceux-ci seront recrutés en tant que
professeurs des écoles primaires stagiaires.
2)
Le recrutement
des 4141 suppléants (tranche 2022) en tant que contractuels au cours de cette
année, en attendant leur régularisation sur 4 années au plus tard.
3)
Pour la promotion 2022 dont le nombre est de
2272, le ministère propose leur recrutement cette année sous forme de
contractuel pour 12 mois en attendant leur recrutement en tant que professeurs
des écoles primaires à la rentrée 2023/2024.
Le syndicat
maintient la pression en décidant la poursuite du sit-in des enseignants
suppléants qui dure depuis la rentrée et menace de ne pas donner les notes des
examens du premier trimestre tant que le ministère n'accède pas à ses
revendications.[4]
Fin
de la troisième partie, à suivre Mongi Akrout & Abdessalam Bouzid,
inspecteurs généraux de l'éducation.
Tunis,
octobre 2022
Pour
accéder à la version Ar, Cliquer ICI
[1]
Déclaration faite à une radio privée à l'occasion de la rentrée scolaire
2022/2023
[2] Près de 9.200 enseignants suppléants (2018)
ne sont pas pris en compte dans le calcul de la masse salariale du ministère de
l’éducation. ( toujours d'après l'étude de B.M).
[3]“World
Bank;AfricanDevelopment Bank. 2020. Tunisie, revue des
dépenses publiques : un nouveau pacte pour la transition - réformer l'etat pour
des dépenses publiques plus efficaces et équitables. World Bank,
Washington, DC. © World Bank.
https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/33854 License: CC BY 3.0 IGO.”
https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/33854?locale-attribute=fr
[4] ce texte a été rédigé avant l'accord entre les deux parties, ce n'est que le mardi 15 novembre 2022 que commission administrative sectorielle de l’enseignement de base, a décidé d’adopter le procès-verbal (PV) de la séance de négociation organisée lundi, entre la fédération générale de l’enseignement de base et le ministère de l’Éducation, Le projet du procès-verbal … comprend 5 points dont la proposition du ministère de l’Éducation de signer un contrat d’une durée de 2 ans maximum pour intégrer par la suite les enseignants suppléants de la promotion 2022, au grade d’enseignant stagiaire des écoles primaires.
https://universnews.tn/enseignement-primaire-une-lueur-despoir/
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