Hédi Bouhouch |
Le ministère de l’Éducation nationale a lancé, à la rentrée scolaire 2023-2024, une consultation nationale sur l’avenir de l’éducation et de la formation en Tunisie. Il ne s'agit pas de la première consultation dans l’histoire du système éducatif tunisien.
La consultation est un outil très important qui
pourrait aider à évaluer la situation du
système et à concevoir un plan pour le
réformer et lui donner plus d’efficience et d’efficacité.
A cette occasion,
le blog pédagogique a voulu faire un aperçu de l’historique des consultations
que le système éducatif tunisien a connues au cours de ces dernières décennies.
1-1962: La plus ancienne consultation
Quatre ans après le lancement de la réforme de 1958, le
secrétariat de l'éducation nationale avait
décidé d’organiser une consultation qui a duré un mois sur
l’enseignement primaire (du 20 mars au 20 mai 1962).
a) Objectifs de la
consultation
Cette consultation visait, à travers le recueil des avis
des instituteurs en tant que responsables de l'application de la réforme de
1958, à atteindre deux objectifs : Le premier objectif était l'établissement d'un diagnostic de la situation.
Pour ce faire la consultation s’est intéressée à recueillir les avis des
instituteurs sur le contenu des programmes, l'horaire, les méthodes et les
styles inclus dans les directives officielles et sur les résultats obtenus. Le
cas échéant, la consultation a porté
aussi sur les difficultés rencontrées par les enseignants.
Le deuxième objectif de la consultation était de connaitre les propositions
des enseignants qui contribueraient à améliorer la situation éducative.
b)
Les techniques utilisées par la consultation
Dans cette consultation, le secrétariat d’état avait opté
pour la technique du questionnaire. C'est ainsi qu'un questionnaire a été
adressé à 968 instituteurs sélectionnés parmi les plus compétents, qui sont en
mesure de donner des opinions valables et pertinentes, basées sur une
expérience perspicace.
Les questionnaires remplis par les instituteurs ont été
adressés aux différentes inspections des
écoles primaires. Chaque inspecteur était chargé de préparer un rapport de
synthèse qu'il devait adresser aux services centraux.
c)
Résultats de la consultation
L'étude des rapports parvenus des différentes
régions a montré qu'il n'y avait ni une
remise en question ni une contestation de la conception de l’école primaire ou
de sa structure actuelle. Mais les enseignants se sont souvent limités à
proposer des aménagements d’importance variable, ou des mesures pour remédier
aux lacunes pédagogiques et d'autres qui concernent les moyens. Tout cela pour
améliorer les conditions de travail dans le but de relever l'efficacité de
l'enseignement.[1]
2-1987 : Consultation
sur le système d’évaluation des élèves
Participation des élèves et des enseignants, mais
malheureusement, nous n'avons pas trouvé de traces sur cette consultation.
3-1988 : Consultation
sur un nouveau projet de loi de l'éducation (le ministre Tijani Chelly et son successeur, le ministre
Mohammad Hédi Khlil(.
a)
L'objectif de la consultation
Après le 7 novembre 1987, le ministère de l'éducation a
commencé à réfléchir sur une réforme radicale du système éducatif tunisien
après la période de stagnation des
années soixante dix et quatre vingt.
Pour cela, une commission nationale fut chargée de mener une réflexion
sur le sujet. En janvier 1988, la commission
publie un document intitulé « les grandes orientations pour la réforme
du système éducatif : les principes de base – les voies et les moyens - la loi d'orientation.
Suite à cela, il a été décidé de soumettre ce document à
une consultation nationale. A cet effet, une réunion des directeurs régionaux de l'enseignement
secondaire et des délégués régionaux de l'enseignement primaire a été organisée
le 23 février sous la présidence du Ministre.
Au cours de la réunion, le ministre a passé en revue les
principaux thèmes du document qui feront
l'objet de la consultation. Il a insisté
sur l'importance de la consultation, soulignant ses dimensions et son
impact sur la réforme future. Le ministre avait rappelé «qu'il est inconcevable que certains aspects négatifs
persistent encore dans notre système éducatif après une période aussi longue depuis l'indépendance, et qu'il
est temps de réfléchir sérieusement sur
l'avenir de ce secteur sensible et de reconsidérer son organisation dans le but de le réformer, de le rendre plus
efficient et plus efficace pour atteindre trois objectifs :
-
réduire le nombre d’abandons scolaires,
-
assurer l’éducation de tous les enfants jusqu’à l’âge de
15 ou 16 ans pour enrayer l’analphabétisme,
-
relever le niveau d’éducation.
b)
les techniques utilisées
pour la consultation
La consultation concernait le personnel éducatif
(instituteurs, professeurs, directeurs et inspecteurs), les parents, toutes les
parties concernées par le secteur éducatif et certaines organisations
nationales.
La consultation a adopté deux mécanismes de base :
- le dialogue
dans les écoles et les lycées.
- un questionnaire destiné
au cadre d'inspection.
Tout cela aboutit à deux rapports au niveau régional
(l'un pour l'enseignement primaire et l'autre pour l'enseignement secondaire),
adressés à la Commission nationale de
réflexion sur le système éducatif, qui a entrepris l'étude des différents
rapports et la préparation du rapport national sur la réforme éducative.
c)
Le résultat de la consultation
Les
rapports régionaux ont montré qu'il existe un consensus sur la nécessité de
réformer le système éducatif et d'adopter une nouvelle loi sur l'éducation pour
remplacer la loi du 4 novembre 1958. Ils ont souligné la nécessité de chercher
à surmonter les aspects négatifs qui ont caractérisé le système éducatif et ont
limité son efficacité. Cependant, la plupart des rapports n'avaient pas suivi
une méthodologie scientifique reposant sur l'extrapolation, l'investigation et
les données statistiques. L'évaluation était plutôt basée principalement sur
des impressions et les opinions courantes.
4-1999 : Consultation nationale sur
l'école de demain et les étapes de sa
réalisation (Ministres Ridha Firchoui et
Abderrahim Zouari(.
En 1999, une nouvelle consultation nationale a eu lieu,
huit ans après la promulgation de la réforme de 1991.
a)
L'objectif de la
consultation
L'objectif de cette consultation était de réfléchir aux
caractéristiques de « l'école de demain » imposée par les transformations que
connaît le monde, car il clair que « le monde de demain sera essentiellement le
monde de l'intelligence humaine, dans lequel la résilience des peuples se
mesurera à leur capacité à adopter les fondements des sciences modernes et à
maîtriser ses technologies«.[2]
b)
Les techniques adoptées par la consultation
La consultation a utilisé la technique des réunions de dialogue au niveau régional. Lancées en avril
1999, ces réunions ,présidées par des membres du gouvernement et des hauts
responsables du ministères de l'éducation, ont vu la participation de « plus de 20 000
participants». (Il semble que ce chiffre a été gonflé).
Les réunions ont traité les thèmes suivants proposés par
la commission nationale
- L’Ecole
de demain : sa mission et son organisation.
- L’Ecole de demain
et les nouvelles technologies.
- L’école de demain
et l’environnement économique et social.
-La qualification des enseignants de l'école de demain.
c)
Les résultats de la consultation
Chaque région a préparé son rapport et l'a adressé à la
commission nationale, qui a en a fait
une synthèse qu’elle a envoyée à la Présidence de la République et qui a
conduit à l'élaboration du programme de l'École de demain, publié en 2002.
5-2001 : La première
consultation sur le rythme scolaire (Ministre Moncer Rouissi)
Le 16 juillet 2001, le Président de la République a
annoncé, dans son discours à l'occasion de la Journée du savoir, la décision
d'organiser une large consultation nationale sur le rythme scolaire auprès des
enseignants, des parents et de tous les établissements d'enseignement public et
privé.
a)
L'objectif de la consultation
Selon le discours du Président de la République,
l'objectif de la consultation était « de concevoir une nouvelle organisation
qui réalise un équilibre entre le temps scolaire, les examens et le temps de
repos et de divertissement, et d'établir les éléments d'une vie scolaire
équilibrée qui garantit de bonnes conditions d’étude et l’établissement de
relations de dialogue et de coopération au sein de l’espace scolaire.»
b)
Les techniques utilisées par la consultation
Le Centre National de l'innovation Pédagogique et de la
Recherche en Education (CNIPRE) a été chargé de réaliser la consultation. Pour
ce faire le centre avait élaboré un questionnaire dont les principaux points
portaient sur l'heure de début des cours du matin à l'école primaire,
l'organisation annuelle des cours (régime trimestriel ou régime semestriel), le système du contrôle
continu (semaines bloquées et semi-ouvertes), et le système des vacances
scolaires (durées et dates).
c)
Le résultat de la consultation
La consultation a révélé :
1- un accord complet sur trois questions :
* L'heure de début de
la journée scolaire dans les écoles primaires (8h00 au lieu de 7h30)
* Le nombre de jours
de cours par semaine dans les écoles primaires (la semaine avec cinq jours
d'école et deux jours de repos(.
* L’adoption d'un
système de la séance unique le matin ou l'après midi dans les écoles primaires.
2- un accord partiel sur :
* le régime
semestriel avec la semaine bloquée,
* une organisation du temps des études et celui des
vacances selon la formule de sept semaines d'études suivies de deux semaines de
congé, (la formule 7/2)
Le ministère avait mis en application les mesures qui ont
fait l'objet d'un consensus et qui concernent l'école primaire au cours de
l'année scolaire 2002/2003. Les nouvelles mesures ont fait l'objet d'une
évaluation à la fin de l'année qui a montré qu'il y avait :
- une quasi unanimité sur les bienfaits du démarrage des
cours à 8 heures du matin.
- une totale unanimité autour de la semaine de 5 jours,
avec la liberté de l'école quant au choix de la 2ème journée de congé en
fonction de son environnement.
- une satisfaction pour la séance unique de la matinée,
mais non pour la séance de l'après midi.
- Enfin, une unanimité totale autour de la réduction des
heures de cours hebdomadaire.
Et, contrairement à l'école primaire, la consultation n'a
pas dégagé de consensus au niveau du 2ème cycle de l'école de base ( les
collèges) et de l'enseignement secondaire, d'où le statu
quo.
6- 2009 : La 2ème
consultation sur le rythme scolaire (le ministre Hatem Ben Salem).
Dans le cadre de l'évaluation du système éducatif, le
ministre Hatem Ben Salem a constitué une commission mixte constituée de membres
de la chambre des députés et de la chambre des conseillers, c'est dans ce cadre
qu'une consultation nationale sur les rythmes scolaire fut organisée.
a)
Objectif de la consultation
Revoir le rythme scolaire de façon à concilier
apprentissage et loisirs. Pour cela le ministère avait posé la question
suivante : Pensez-vous que les horaires hebdomadaires des collèges et des
lycées sont élevés.
b)
Les techniques utilisées
Le ministère avait utilisé le portail EDUNET pour
recueillir les avis au sujet des horaires de cours à l'aide d'un
questionnaire.
c)
Les résultats de la consultation
Environ six mille personnes (6038) avaient participé au
sondage, 82.35% avaient estimé que les horaires sont élevés.
Une consultation plus large organisée par le ministère en
coordination avec les syndicats (nous manquons d'informations sur elle) a
permis de dégager plusieurs mesures relatives au rythme scolaire pour
l'enseignement de base. Parmi ces mesures, nous citons l'adoption :
- de l'année scolaire de 33 semaines et 800 heures de
cours dont 80 heures pour le renforcement.
- d'un horaire hebdomadaire de 22 h, 24h et 26 h selon le
niveau,
- la semaine de 5 jours,
- le découpage de l'année scolaire en 4 périodes séparées
d'un congé de deux semaines.
- la réservation d'un temps fixe pour les activités
culturelles et le loisir.
7-
2012 : La consultation nationale sur la réforme du système éducatif (Ministre
Abdellatif Abid)
Conformément aux recommandations de la conférence
nationale tenue les 29, 30 et 31 mars 2012, le ministère de l'éducation
nationale a commencé à organiser une consultation nationale sur la réforme du
système éducatif, en commençant par les enseignants du primaire. La
consultation devrait toucher ensuite les enseignants des collèges et des lycées
et tous les acteurs du secteur éducatif, y compris les assistants pédagogiques,
les conseillers d'orientation, les inspecteurs, les directeurs des
établissements primaires et secondaires, le cadre administratif, les syndicats,
les partis politiques, les universitaires, et les associations de la société
civile concernées par l’éducation.
La consultation des enseignants du primaire avait démarré
le lundi 18 juin 2012
a)
L'objectif de la consultation
Selon la circulaire qui a annoncé le démarrage de la
consultation, celle-ci visait à « établir des traditions de participation
efficace à la construction d’un nouveau système éducatif basé sur le consensus,
qui inclut la diversité et la différence, et à établir une véritable réforme
éducative». La consultation devrait porter sur 3 thèmes : l'éducation en
Tunisie, l'enseignement primaire et la situation de l'école primaire.
b)
Les techniques de la consultation
Il s'agit d'organiser des débats dans chaque école
primaire, auxquels participent les enseignants. Chaque débat doit donner lieu à un rapport qui sera adressé à
l'inspecteur. Une fois que les rapports de toutes les écoles lui
parviennent, il les transmet à la
délégation régionale qui les remet à la commission régionale sectorielle pour
consultation, qui est chargée de rédiger le
rapport de la région qui remonte au président de la Commission Nationale
Sectorielle de la consultation des Enseignants du Primaire) afin de l'étudier
et de préparer le rapport final.
c)
Résultat de la consultation
La consultation n'a pas été achevée et les résultats de
la première partie qui concerne les enseignants du primaire, n'ont pas été
publiés en raison du départ du ministre qui avait initié le projet au mois de
mars 2013.
7-
2016 : Consultation
autour de la proposition de modification du rythme scolaire (Ministre Naji
Jalloul)
Le 19 février 2016, le ministre Naji Jalloul a annoncé le
lancement d'une consultation nationale sur un nouveau projet du rythme scolaire en raison de ce
qu'il considérait comme des aspects négatifs du temps scolaire en vigueur à
cette époque, qu'il qualifiait d'étrange. En effet, l'élève tunisien est celui qui a le moins de jours de
cours au monde, et en revanche, il est astreint à la journée la plus longue.
a)
L'objectif de la consultation
Adopter une
nouvelle organisation du rythme scolaire qui entrera en vigueur à compter de
l'année scolaire 2016-2017.
b)
Les techniques de la consultation
La consultation s'est appuyée sur les nouvelles
technologies de communication. Le ministère a invité les enseignants, les
parents et les élèves à accéder au site de la consultation et remplir tous les
champs afin de permettre au ministère d'exploiter les données contenues dans le
questionnaire susmentionné pour concevoir les grandes lignes du nouveau rythme scolaire.
c)
Résultat de la
consultation –(le ministre Naji Jalloul).
Le 23 juillet 2016, la Secrétaire Générale Adjointe du
Syndicat Général de l'Enseignement Secondaire et membre de la Commission du
temps Scolaire issue du Dialogue National pour la Réforme du Système Éducatif,
a dévoilé les caractéristiques du
nouveau rythme scolaire, notamment l'adoption du régime semestriel et 5
semaines de cours suivies d'une semaine de vacances ( 5/1) et d'une vacance de deux semaines en à la fin du 1er semestre.
Au début de l'année scolaire 2016/2017, la nouvelle
organisation du temps scolaire est entrée en vigueur après l'approbation de la
commission de la réforme du système éducatif, mais cela a provoqué de nombreux
désaccords avec les syndicats de l'enseignement de base et secondaire (bien
qu'ils fussent représentés dans ladite commission) et des protestations des
parents, notamment concernant la date de la rentrée scolaire et les dates des petites vacances qui ne
coïncidaient pas avec celles de l'enseignement
supérieur.
Après que Néji Jalloul ait quitté le ministère - sous la
pression des syndicats – son successeur
Hatem Ben Salem a fait marche
arrière et a rétabli l'ancienne organisation.
8- 2023: La consultation
nationale sur la réforme de l'éducation (Ministre Mohammad Ali Boughdiri(
… A suivre
Fin de la partie historique, à
suivre avec la dernière consultation en date (15 septembre – 15 décembre 2023).
Mongi Akrout & Abdessalem Bouzid, inspecteurs généraux de
l'éducation retraités.
Tunis, décembre 2023
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