A l'invitation du ministère de l'éducation nationale, une
conférence nationale sur la méthodologie de la réforme du système éducatif
s'est tenue à Tunis les 29-30 et 31 mars 2012, en vue d'élaborer une feuille de
route définissant les actions importantes à mener sur la voie d'une réforme
profonde en cohérence avec les objectifs de la révolution du peuple tunisien. Cette
réforme devrait aboutir à l'édification d'un nouveau système éducatif dont les
contours seraient tracés et les fondements définis avec la participation de
toutes les parties et sur la base d'un consensus social donnant la priorité
absolue à la patrie et aux échéances de la révolution tunisienne.
La phase
préparatoire de cette conférence a été marquée par l'afflux massif de demandes
d'intervention venant de l'intérieur comme de l'extérieur du pays et portant
sur les problématiques suggérées par l'appel à contribution. Le comité scientifique
a pu, au terme de longues concertations, définir un programme que les
participants ont suivi avec une assiduité, un intérêt et un enthousiasme qui ne
se sont pas démentis, malgré la densité de la matière et la concentration des
interventions, échelonnées sur 3 journées.
La conférence s'est également distinguée par la qualité du public formé d'élèves, d'éducateurs,
d'enseignants, d'inspecteurs, de conseillers pédagogiques, de conseillers en
communication et en orientation scolaire et universitaire, de fonctionnaires,
de chercheurs, d'universitaires et d'experts représentants les différentes
catégories et spécialités professionnelles auxquels se sont joints les représentants
des partis, des organisations, des syndicats et de certaines associations de la
société civile, outre certains ambassadeurs de pays frères et amis et des
personnalités nationales qui ont bien voulu répondre à l'invitation du
ministère.
Tous étaient là pour apporter leur contribution à la
définition d'une méthodologie de la réforme dans l'architecture ne pourra être
parachevée que lorsque les travaux de la Conférence auront été discutés aux niveaux local et régional avec la participation effective de tous les acteurs
sur le terrain comme l'a souligné M. le ministre de l'éducation, le professeur
Abdellatif Abid, à l'ouverture de la conférence. La réforme du système sera
ainsi l'œuvre de tous, une œuvre dont la conférence aura posé les premiers
jalons qui seront suivis par d'autres étapes à l'échelon local et régional.
Cette orientation
a été renforcée par le discours du Premier ministre, M. Hamadi Jbali qui a
ouvert les travaux de la conférence en rappelant les réalisations quantitatives
et qualitatives accomplies par le système éducatif grâce à la généralisation et
la gratuité de l'enseignement. Le Premier ministre a également souligné qu'il
existe une « quasi unanimité pour reconnaître que notre système éducatif souffre
de nombreux maux qui exigent un traitement approfondi et concerté, loin de
toute instrumentalisation politique ou tout embellissement des réalités». Ces
maux consistent notamment, a-t-il déclaré en substance, dans l'abandon scolaire
qui menace d'un véritable retour de l'analphabétisme ainsi que dans le recul de
la qualité de l'enseignement, au plan des méthodes et des acquis, dans l'échec
du système à éduquer tous les apprenants aux valeurs sociales et patriotiques
et dans son incapacité actuelle à combler le fossé qui sépare ses diverses
composantes du marché du travail et des réalités économiques et sociales du
pays. Ces maux exigent une réforme intégrant les différentes expériences de
modernisation que le système tunisien a connu et faisant de l'éducation la
locomotive du progrès et de l'essor culturel sur la base de l'égalité des
chances, de la gratuité et de la démocratie de l'éducation. Pour que cet
objectif soit atteint, il faut, en premier lieu, a également déclaré le Premier
ministre, résoudre le problème des examens scolaires et partant, de la
crédibilité des diplômes; en second lieu, planifier rigoureusement la formation
des enseignants afin qu'ils soient préparés de la meilleure façon, tant au plan
scientifique que technique, à assumer leur mission, l'enseignant étant le
pilier du système éducatif; et , en troisième lieu renforcer le rapport entre
le système éducatif, celui de la formation professionnelle et celui de
l'enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, de manière à garantir
le développement optimal des ressources humaines.
Après la séance d'ouverture, les travaux de la conférence
se sont déroulés durant les 3 journées, autour de trois grands axes:
s
le système éducatif tunisien: état des lieux,
s
les expériences
menées dans d'autres pays et les orientations régionales et internationales en
matière de réforme des systèmes éducatifs,
s
une réflexion
autour de la question: quelle méthodologie pour la réforme du système éducatif?
Ces trois axes
répartis sur sept séances de travail ont permis aux participants de discuter un
total de 35 communications présentées par des experts tunisiens et des invités
venus de Jordanie, d'Algérie, du Maroc, de Turquie, d'Espagne, d'Allemagne,
du Royaume-Uni, de France et de Malte, ainsi que par les représentants des
différentes organisations et institutions internationales et régionales:
Alesco, Isesco, Unesco, Unicef, union du Maghreb arabe, Banque mondiale,
institut international de planification de l'éducation, Université
méditerranéenne, institution européenne pour la formation, Commission
européenne, et les deux entreprises :
Microsoft et Intel.
Douze (12) tribunes
de dialogue ont également été organisées autour des principales questions liées
au système éducatif: les examens et l'évaluation, le système disciplinaire, les
difficultés d'apprentissage et l'échec scolaire, l'éducation technique, les
expériences d'avant-gardes; les technologies de l'information et de la
communication, la vie scolaire et l'éducation à la citoyenneté; l'orientation
scolaire; le système éducatif tel que perçu par les élèves aux besoins spécifiques;
le temps scolaire, la formation des enseignants.
Au cours de ces
tribunes, 43 communications ont été proposées à la discussion par des experts
tunisiens et étrangers.
Orientation des discussions
Les discussions
autour des trois axes de la conférence ont mis en évidence un ensemble de
points en partie liés à l'état des lieux du système éducatif et en partie à la
méthodologie de la réforme.
État des lieux:
la plupart des
intervenants ont mis l'accent sur les acquis réalisés par le système éducatif
tunisien, notamment dans les domaines suivants:
s
l'enracinement de l'éducation et de la scolarisation en
tant qu'elles constituent les fondements du développement économique et social,
s
le rôle central du
système éducatif considéré comme le noyau de tout changement social,
s
la généralisation
de l'éducation à travers l'affirmation de son caractère obligatoire et gratuit,
s
l'ancrage de la
notion de citoyenneté,
s
l'ancrage de la
notion du moi connaissant en tant que moi apprenant à apprendre,
s
l'adhésion à la
culture de la différence et de l'esprit critique (loi d'orientation de 2012),
s
l'affirmation de
l'ouverture sur la modernité dans le cadre d'une vision fondée sur la
conscience de l'identité nationale et de l'appartenance, de façon spécifique, à
la civilisation arabo-islamique et, de façon générale, à la civilisation
universelle;
s
la reconnaissance
des valeurs juridiques universelles en tant que finalité de toute éducation;
s
l'affirmation de
l'adhésion aux droits de l'enfant.
Tout en insistant sur ces acquis, les communications et
les interventions auxquelles ont mis le doigt, au cours des séances de travail
et des tribunes de dialogue, sur les nombreuses faiblesses qui ont conduit à la
situation de crise que connaît le système éducatif qui peut être résumée dans
les points suivants:
s
les précédentes réformes ont visé à actualiser les textes
de loi sans que la démarche ait eu un impact profond sur la réalité du système
éducatif.
s
L'écart n'a cessé de se creuser entre la réalité de
l'école en Tunisie et le projet éducatif de départ, resté souvent au stade de
la théorie.
s
le grave recul de
la performance et du rendement du processus éducatif et la pauvreté des acquis
chez les apprenants.
s
l'opacité et
l'improvisation au niveau des mécanismes de recrutement des enseignants et le
recours accru aux suppléants.
s
l'insuffisance des
efforts déployés pour encadrer les enseignants et le recul de la formation
scientifique et technique (formation professionnalisante) qui leur est proposée.
s
la faible
adaptation du système éducatif aux évolutions de la société.
s
l'articulation
défaillante entre réussite scolaire et promotion sociale.
s
l'accroissement
des inégalités entre les régions au niveau des institutions éducatives qu'il
s'agisse des performances ou des résultats.
s
le manque
d'efficacité de l'orientation scolaire et universitaire.
s
L'aggravation des
tensions entre les acteurs de l'éducation et la faiblesse de la culture du
dialogue et du respect de l'autre.
s
les rapports très
souvent conflictuels de l'apprenant à l'institution éducative et, plus
généralement au savoir; et l'aggravation des violences et de la fraude à
l'intérieur des institutions.
s
l'inefficacité du
système disciplinaire actuel, davantage fondé sur la sanction que sur la
prévention.
s
le manque de
complémentarité entre les différents cycles de l'éducation (préscolaire,
enseignement de base, secondaire et universitaire).
s
la lourdeur des horaires scolaires et des matières
enseignées.
s
le recul de
l'enseignement et de la pratique des langues étrangères.
s
l'absence de
référentiel national d'évaluation fondé sur des critères et des indicateurs
précis.
s
la disparité des
coefficients.
Méthodologie de la réforme:
Les discussions ont fait apparaître des propositions
parfois divergentes parfois convergentes et que les communications relatives
aux expériences menées dans les pays frères et amis ainsi que les orientations
les organisations régionales et internationales en matière de réforme ont
contribué à enrichir.
Toutes ces communications
et discussions ont permis de dégager un ensemble de principes et d'orientations
qui devraient être pris en considération aux différentes étapes du processus de
réforme, notamment:
s
la nécessaire affirmation d'une volonté politique au
niveau de la réforme éducative; et l'engagement à mobiliser à cet effet les
ressources humaines, matérielles, législatives et autres - ce qui va dans le
sens des orientations définies par Monsieur le Premier Ministre dans son
discours d'ouverture.
s
la mise à contribution
de toutes les parties concernées par l'éducation au service des processus de
réforme et la diversification des moyens de consultation et de sondage
d'opinion.
s
veillez à ce que
la réforme s'étende à la totalité des composantes du système éducatif et qu'elle ait
un caractère systématique.
s
engager le processus de réforme sur la base de l'état des
lieux du système éducatif tout en prenant en compte l'ensemble des facteurs
notamment démographiques, économiques sociaux, culturels qui influent sur la
vie de l'institution éducative.
s
élaborer un plan d'évaluation continue de la réforme
proposée, afin d'y apporter périodiquement les régulations qui s'imposent.
s
lier la réforme
éducative au contexte national, sur les plans économique, social, et culturel,
ainsi qu'aux contextes régional et international.
s
faire de la
qualité un objectif axial de la réforme, et cela à la lumière de règles et
critères hautement efficaces, crédibles et adaptés aux spécificités de la
réalité tunisienne.
s
Adopter une philosophie de la réforme garantissant le passage de la transmission à la production
du savoir, de l'apprentissage mécanique à l'initiative et à la créativité, de
la culture du moindre effort à celle de la persévérance et de l'effort cognitif,
du centralisme à la décentralisation , de l'approche monolithique à l'approche
associative.
Propositions
et recommandations
les discussions qui se sont déroulées au cours des
journées de travail ont débouché sur un ensemble de propositions et de
recommandations qui dessinent les contours des orientations à donner à la
réforme du système éducatif.
Ces propositions peuvent être réparties comme
Suit:
Propositions spécifiques:
s
Développer et promouvoir la culture de la citoyenneté et
des droits de l'homme sur la base des valeurs universelles de manière à
contribuer à l'évolution de la vie scolaire dans ces multiples dimensions, en se
fondant sur une charte à élaborer en vue
d'assurer la préservation de l'institution éducative.
s
Développer le
partenariat entre l'institution éducative et les composantes de la société
civile à la lumière d'une charte propre à mettre cette institution à l'abri des
tiraillements doctrinaires, partisans, ou politiques.
s
Mettre en place un
nouveau système d'évaluation prenant en compte les examens régionaux et les examens
nationaux et garantissant l'efficacité et la crédibilité de l'évaluation.
s
Réviser la grille
des apprentissages ainsi que les coefficients et les horaires qui y sont liés.
s
Renforcer la
coordination entre les différents cycles scolaires de manière à en garantir
l'harmonie et la complémentarité.
s
Mettre en place un système d'évaluation spécifique à
l'enseignement technique et professionnel. Fondé sur la réforme et la
régulation continues, ce système aidera l'apprenant à franchir les
différentes étapes de l'apprentissage pour arriver à l'université.
s
Créer une filière
technologique dans le cadre du cycle secondaire afin d'offrir à l'élève un
choix plus large.
s
Réexaminer le rôle
et les programmes des écoles préparatoires techniques et ouvrir de nouveaux horizons
devant les diplômés de ces institutions dans le cadre d'une révision
structurelle de l'orientation scolaire et universitaire.
s
Développer les
équipements et les infrastructures des institutions éducatives afin de répondre
aux exigences du confort pédagogique requis et cela en coopération avec les
collectivités locales et les composantes de la société civile.
s
Veillez à
renforcer le recours aux technologies de l'information et de la communication
au niveau des enseignements et cela aux différents cycles et dans les
différentes régions du pays.
s
Accorder une plus
grande attention aux élèves à besoins spécifiques.
Propositions générales
s
Créer le Conseil supérieur de l'éducation qui sera une
instance nationale indépendante veillant sur la qualité et la démocratie de
l'enseignement public, faire figurer ce conseil, ainsi que le caractère public,
la gratuité et la démocratie de l'enseignement dans le texte de la
Constitution.
s
Elaborer un cadre
juridique et organisationnel institutionnalisant le processus de réforme et
garantissant les moyens administratifs, humains et financiers de sa mise en
œuvre.
s
Considérer la
réforme comme un processus continu dont les différentes étapes sont étroitement
liées aux plans local, régional et national et dont la mise en œuvre est assurée
par les acteurs sur le terrain, les experts en planification et en sciences de
l'éducation et autres intervenants dans le domaine de l'éducation.
s
Mettre en place un
observatoire national de l'éducation qui sera à la disposition des chercheurs,
des experts et autres intervenants dans le domaine de l'éducation.
s
Créer une
structure permanente chargée d'évaluer le système éducatif qui sera dotée des
mécanismes garantissant sa neutralité et son indépendance.
s
Procéder à une
révision du système de formation de base des enseignants dans la perspective de
la création d'instituts supérieurs de formation des enseignants, tout en
œuvrant à la relance et la restructuration des institutions de formation
continue.
s
Créer une structure de concertation garantissant la
coordination entre, d'un côté, le système éducatif et, de l'autre, le système
de formation et d'emploi et l'enseignement supérieur et la recherche
scientifique.
Le comité de
rédaction recommande, enfin, la création d'un groupe de travail chargé
d'assurer le suivi des résultats de cette conférence et de réunir, publier et
diffuser ses travaux.
Tunis le 31 mars 2012
Rapporteurs
: M.M. Adel Hadded, inspecteur général de l'éducation, Adel Lahmer, ancien
directeur à l'Alesco et Noureddine Chmengui, inspecteur des écoles primaires.
Pour accéder à la version AR, cliquer ici
Malgré les quelques fautes d'orthographe et l'absence de cohérence dans certains paragraphes (liée peut être à la traduction du texte arabe); le document semble très important et purrait bien fournir une bonne base de travail pour entamer une nouvelle réforme du système éducatif tunisien. Le problème c'est que depuis déjà une douzaine d'années on parle de cette réforme qui n'a pas vu le jour à tel point qu'on a mis l'école tunisienne, à laquelle on a enlevé toute crédibilité,dans une phase de déstabilisation qui nuit encore plus à son rendement et sa réputation. Ceci dit est-il vraiment le moment de relancer cette idée de réforme qui n'a jamais abouti ??
RépondreSupprimerMerci cher ami , un grand merci pour vos remarques, j'ai corrigé les fautes d'orthographe ( qui étaient nombreuses, et elles relèvent de ma seule responsabilité ), quant à l'absence de cohérence , je n'ai rien pu faire , car elle relève des auteurs du rapport qui ont eux mêmes fait la traduction.
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