Le blog pédagogique poursuit cette semaine la publication de la réflexion, de M° Farid Ben Slimane sur la réforme du système scolaire. ( pour revenir à la première partie, cliquer ICI). Cette réflexion très intéressante est le fruit d’une longue et riche carrière , le professeur Ben Slimane fut au début de sa carrière professeur d’enseignement secondaire puis il occupa le poste de censeur au collège Sadiki , puis inspecteur de l’enseignement secondaire avant de rejoindre l’enseignement supérieur , c’est pour dire que nous sommes en face d’un fin connaisseur du système éducatifs depuis les années soixante dix, Le blog pédagogique est honoré de publier cette intéressante réflexion . P.S. les notes de bas de page sont ajouté par le blog |
I.
Les matières et les coefficients
§ L’interdisciplinarité
est aujourd’hui un concept bien établi en sciences de l’éducation ; et il ne
serait pas indiqué de traiter chaque discipline en entité indépendante ;
mais il est préférable de penser en groupe de matières comme le groupe des langues ou celui des
sciences exactes, ou encore les sciences
sociales, le groupe des arts… On pourrait imaginer d’autres familles en
fonctions des sections au niveau de l’enseignement secondaire.
§ L’avantage de cette
approche réside dans la phase de la détermination de l’horaire et des coefficients ;
elle permet de concevoir un système qui garantit un certain équilibre entre les
familles de matière et assure un niveau acceptable de formation générale à tous
les élèves, surtout au niveau de
l’enseignement de base ( 9 ans).
§ Au niveau de l’enseignement secondaire, on
pourrait admettre une différentiation entre les disciplines selon les sections
( Lettres- Sciences - Economie et
Gestion…) à condition de ne pas avoir des écarts excessifs, tant au niveau de
l’horaire que des coefficients ; cette option pourrait contribuer à
limiter le recours au cours particuliers
qui sont devenus - ces dernières années
- un véritable fléau , qui s’explique par la lourdeur de certains programmes et
par les forts coefficients de certaines matières sans oublier le problème de l’orientation
scolaire.
§ Beaucoup
d’élèves des régions intérieures et d’autres régions, y compris quelques
grandes villes, terminent leur scolarité sans qu’ils aient étudié certaines
matières artistiques, et sans avoir pratiqué des activités sportives et
physiques, donc leur formation est une formation tronquée et la construction de
leur personnalité n’est pas équilibrée.
§ Il est temps
d’arrêter de classer les disciplines scolaires en matières essentielles ou
principales et matières secondaires, alors que toutes les matières jouent un rôle
aussi important dans la construction de la personnalité de l’enfant et dans sa
formation ; certains directeurs ont pris la fâcheuse habitude réserver les
heures de la matinée pour les matières « nobles », d’utiliser les matières secondaires pour
boucher les trous des emplois du temps. Ceci est une pratique condamnable pédagogiquement
dont rien ne justifie.
§ Il est
nécessaire de réviser la liste des matières de tous les niveaux scolaires, soit
en enlevant certaines matières ou en révisant leur contenu, ou en ajoutant de
nouvelles matières ; la tendance actuelle en sciences de l’éducation est
vers la réduction des disciplines et des contenus, car on n’a pas besoin de
bourrer la tête de l’élève de
connaissances que chaque élève pourrait avoir facilement par d’autres moyens
qui se trouvent hors de l’école .
§ Il est
nécessaire d’adapter les contenus des programmes aux sections de l’enseignement
secondaire, en axant la formation sur les matières spécifiques de chaque
spécialité ; de cette manière, il serait possible de compresser la masse
horaire qui est aujourd’hui trop chargée, ne laissant pas aux élèves du temps libre pour s’adonner à
des activités sportives et culturelles et pour réviser ses cours ;
rappelons que la question n’est pas une question de quantité mais de qualité.
§ Le grand nombre de
matières, la longueur des programmes, les écarts entre les coefficients, la
prédominance des cours théoriques et la faible part accordée aux exercices et aux applications
pratiques, tout cela explique l’échec, le redoublement et le recours aux cours particuliers ;
il faudrait réduire les contenus théoriques et
consacrer le tiers de l’horaire officiel aux exercices et à leur
correction.
§ Il est
aujourd’hui nécessaire d’accorder plus d’attention aux sciences sociales et aux
langues dans les sections scientifiques et techniques, et de rétablir la
matière de la lecture des romans à l’école primaire et au collège, car toutes
ces disciplines permettent de développer chez les enfants l’esprit critique et
rationnel.
II.
Le temps scolaire
§ Le temps
scolaire (les temps des études et les temps de congé) varie d’un pays à un
autre, en fonction de plusieurs facteurs,
comme le climat, le système d’évaluation, l’organisation administrative (
centralisée ou décentralisée) ; la question du temps scolaire dans notre
système scolaire a été au centre des débats depuis quelques années ; les
avis étaient divergents ; certains étaient pour le statuquo, c’est à dire le régime des doubles séances ;
d’autres étaient pour le changement et l’adoption de la séance unique ;
chaque camp avance ses arguments, c’est pourquoi il faudrait temporiser et poursuive la consultation et
éviter le suivisme , car le contexte n’est pas forcément le même.
§ Il faudrait
tenir compte de la réalité tunisienne dans le choix du type de temps scolaire,
car tout changement va avoir un impact sur plusieurs secteurs, car entre le
régime de la séance unique et celui de la double séance et entre la semaine de
6 jours et celle de 5 jours ; il y a une énorme différence, la question
est en même temps une question de quantité et de qualité ; on peut se trouver
dans une situation où la première est d’un niveau élevé et de la deuxième d’un
niveau moindre et vice versa.
§ Et si la
décision de changement est arrêtée, il serait préférable soumettre le nouveau
régime à une période d’essai et d’expérimentation dans un certain nombre d’établissements,
suivi d’une évaluation aux termes de laquelle, il sera généralisé ou abandonné.
§ On pourrait
opter pour un temps scolaire « mobile » ou « variable »
selon les régions et les milieux, et selon les conditions propres à chaque région,
si bien que certaines pourraient fonctionner selon le régime de la séance
unique, alors que d’autres continueront de travailler selon l’ancien régime ;
mais tout en unifiant les dates des congés pour le pays.
§ Le temps
scolaire est aussi le temps des vacances
( durée et fréquence) ; supposons qu’on s’est mis d’accord sur une année
scolaire de 40 semaines de cinq jours, ce qui nous fait 200 journées de cours ; on pourrait, dans ce cas,
maintenir l’organisation trimestrielle pour le contrôle continu et les vacances,
ou bien l’organisation semestrielle, qui nous semble la meilleure, car elle
permet de diviser l’année scolaire en deux périodes de cours séparées par une vacance mi-annuelle relativement
longue ( 3 semaines) et deux petites vacances de 4 jours au milieu de chaque semestre ; dans ce
cas , l’évaluation des acquis des élèves se fera selon le contrôle continu, au
cours des deux trimestres, et par un examen à la fin de chaque semestre, les
examens nationaux débuteront le 10 juin.
En résumé, la question du temps scolaire est d’une grande
importance dans toute réforme du système éducatif ; c’est pour cette
raison qu’il faudrait la traiter avec beaucoup de précaution et sans
précipitation, et tenant compte de plusieurs facteurs avant de prendre la
décision.
III.
Le manuel scolaire
§ Les sources de
la connaissance se sont multipliées de nos jours, et l’école en a perdu le
monopole, surtout dans le monde développé ; le phénomène a touché notre pays bien que dans quelques régions
l’école reste encore la principale ressource
du savoir grâce à l’instituteur et le manuel.
§ Dans la plupart
de ces régions, le manuel scolaire est l’unique référence aussi bien pour
l’instituteur et l’élève ; c’est un outil vital en dépit de ses défauts,
lesquels il est facile de remédier dans le cadre d’une vision différente des
manuels scolaires à l’occasion de la réforme éducative.
§ Dans le cas où
l’enseignant dispose d’autres sources, il est appelé à se libérer du manuel et
à le considérer comme une source parmi d’autres, quand il prépare ses leçons ;
il doit être une source d’enrichissement pédagogique et scientifique, c’est à
ce moment qu’on pourrait dire que l’enseignant s’est libéré de la tyrannie du
manuel ; celui-ci est devenu pour un grand nombre d’enseignants l’unique
outil de travail, et leurs leçons sont devenues de simples paraphrases du manuel ; où est dans ces cas la
personnalité de l’enseignant et où est son
esprit créatif ?
§ Le manuel
scolaire souffre de plusieurs maux comme : des manuels volumineux, avec
une tendance vers l’encyclopédisme, et
un manque d’esthétique … Pour remédier à tout cela , il serait
préférable que :
-
L’essentiel du manuel soit constitué de supports
pédagogiques (textes d’illustration, photos, tableaux et graphiques et dessins…) ;
-
Que la partie
connaissances soit réduite (concision et précision) ;
-
Le manuel soit attrayant et de petite taille pour
faciliter son transport surtout que les manuels sont aujourd’hui nombreux, car
ils couvrent toutes les disciplines.
§ Enfin, il est
nécessaire de poser le problème du manuel parascolaire et la prolifération des
titres, au point de devenir un commerce lucratif qui attise la concurrence
entre les éducateurs qui produisent et distribuent ce type d’ouvrages, sans
qu’ils soient obligés de les soumettre auparavant à l’évaluation ; est-ce
un phénomène positif ou au contraire s’agit-il d’une pratique négative ? S’il s’avère que le manuel parascolaire
constitue un enrichissement de la librairie scolaire et qu’il stimule la
production intellectuelle et qu’il aide l’instituteur à mieux remplir sa mission,
on ne peut qu’approuver et qu’encourager ce phénomène.
IV.
L’infrastructure
§ L’amélioration
de l’infrastructure est une composante de la réforme éducative ; en plus, il
faudrait garantir des conditions favorables à l’apprentissage, à savoir les
moyes de transport, les routes et les cantines scolaires, surtout dans le
milieu rural.
§ Il est
nécessaire d’équiper les établissements scolaires avec les salles spécialisées,
les laboratoires et les espaces dédiés aux activités culturelles (théâtre,
musique, dessin d’art) et les espaces dédiés aux activités sportives lesquels
sot aussi importants que les autres disciplines littéraires et scientifiques.
§ L’autorité de
tutelle, avec l’aide de la société civile, les pouvoirs locaux (municipalité et
conseil régional) doit accorder à l’entretien un intérêt particulier ;
c’est une action journalière et de longue haleine, car son absence entrainerait
irrémédiablement une dégradation de l’infrastructure des établissements éducatifs.
§ Il faudrait que
les opérations de maintenance et d’entretien ne soient pas sous la forme de
campagnes occasionnelles et limitées dans le temps, mais une œuvre permanente,
tout en veillant à développer une prise de consciente citoyenne qui touchera
les parents et les élèves pour la protection des établissements scolaires.
§ Il faudrait
penser à des formules permanentes pour la maintenance et l’entretien des
équipements et du matériel didactique, comme la création de centres spécialisés
dans les différentes régions, ou charger les écoles de métiers de cette mission[1],
après sa restructuration pour lui permettre de fabriquer certains équipements
et d’assurer un service d’entretien et de maintenance ; dans la même
optique, on pourrait penser à créer une imprimerie dédiée au ministère[2]
pour imprimer les manuels scolaires dans le cadre de la bonne gouvernance et de
la bonne gestion des ressources financières.
§ Le ministère est
appelé à généraliser les cantines scolaire (avec la participation de la société
civile), surtout dans le monde rural ou semi-rural, là où la dispersion de
l’habitat et les conditions précaires de la majorité des familles posent le
problème du transport entre l’école et les lieux d’habitation pour les élèves
§ Il faudrait penser
aussi à équiper tous les collèges et les lycées de salles de révision (des
salles de permanences), afin d’éviter aux élèves d’être obligés de quitter leur
établissements durant les heures creuses,
ou en cas d’absence de leur professeur,
on réduirait ainsi les risques de la rue qui sont devenus aujourd’hui de plus
en plus nombreux.
§ Il faudrait penser
à la question de la sécurité des établissements par la construction d’enceintes
assez hautes et par le recrutement de vigiles (gardiens), ou même par
l’installation d’équipements modernes de surveillance ; peut-être qu’ainsi
nos établissements retrouveront-elles le respect et leur intégrité.
V.
L’enseignement privé
Il y a une
question centrale à laquelle on se doit de répondre : Pourquoi cette
affluence cers l’enseignement privé au niveau de l’école primaire essentiellement[3] ?
Dans la réponse à cette question, et dans l’énumération des causes, on retrouve
en réalité les défauts et les maux dont souffre l’école publique ; parmi
ces causes, on pourrait citer celles-ci :
§ Le temps
scolaire adopté par les écoles privées répond mieux aux attentes des parents ;
ces derniers cherchent un système qui peut assurer la garde de leurs enfants,
pendant toute la journée, et qui fournit
le déjeuner du midi et le goûter de l’après-midi. D’autre part, le privé fonctionne
selon la formule de la semaine de cinq jours qui est en symbiose avec la
semaine de travail d’un grand nombre de parents.
§ Le faible
taux d’absentéisme parmi les enseignants et la présence
de remplaçants qui sont attachés à l’école, alors que dans le public, le
remplacement, quand il est assuré, se fait avec beaucoup de retard, à cause de
la lourdeur des procédures.
§ L’encadrement
des enseignants qui est assuré par un
cadre permanent attaché à l’école qui s’occupe de l’assistance
pédagogique afin de garantir un meilleur
rendement , alors que dans le privé, les visites d’inspection ou d’assistance
s’effectuent à des intervalles très espacées[4]
.
§ Dans le cadre
de la concurrence, et pour attirer les clients, les écoles privées cherchent à
se doter d’équipements pédagogiques et de matériels didactiques, et à offrir un
cadre de vie attrayant.
§ Plusieurs
institutions privées assurent un service de transport pour leurs élèves ;
c’est un service déterminant parfois pour un certain nombre de parents dans le
choix de l’établissement.
§ La programmation
de l’apprentissage des langues étrangères ( le français et l’anglais) dès la
première année, en utilisant des méthodes modernes et actives.[5]
§ Les résultats
obtenus par ces écoles dans le concours d’entrée aux collèges pilotes
constituent un facteur d’attraction déterminant dans le choix des parents.
§ Enfin, plusieurs
parents voient que le choix de l’école privée va les débarrasser des cours
particuliers ; c’est un peu vrai, mais cela ne veut pas dire que tous les
élèves qui fréquentent ce type d’école ne suivent pas de cours particuliers.
Tous ces
avantages, du point de vues des parents, ne doivent pas occulter les inconvénients
de l’enseignement privé dont le principal est le coût très élevé (frais
d’inscription, manuels scolaires, cantines …), et les écarts entre les écoles
quant à la qualification et la professionnalisation des enseignants.
Farid Ben
Slimane, Professeur d'histoire à
l'Université de Tunis.
Tunis,
2013.
Texte
traduit par Mongi Akrout & Abdessalam Bouzid
Pour
accéder à la version, Ar, cliquer ICI
[1] Ces écoles n’existent plus depuis plusieurs
années déjà , et remplacées par les collèges techniques qui
vont disparaitre d’ici 2018
puisque cette année ( 2016-2017 ), le
ministère n’a pas orienté de nouveaux élèves en 1er année
[2] Le ministère a
créé depuis les année soixante l’office pédagogique pour cette mission qui est devenu plus le centre national
pédagogique qui dispose d’un équipement moderne
et d’un personnel compétent pour assurer l’édition des manuels scolaires
et autres outils pédagogiques
[3] L’augmentation de la demande au cours
des cinq dernières années a boosté
l’ouverture de nouvelles écoles privées , jusqu’a atteindre 324 écoles qui ont accueilli 60313 élèves à la rentrée 2015-2016 alors qu’on ne comptait
que au cours de l’année scolaire
2010-2011 que 109 écoles regroupant 24953 enfants.
Source :
l’éducation en chiffres, statistiques du mois d’octobre 2015, l’année scolaire 2015
2016- Ministère de l’éducation , Direction générale des études, de la
planification et des systèmes d’information( en Arabe)
http://www.education.gov.tn/article_education/statistiques/stat2015_2016/Livret_StatAR.pdf
[4] en réalité , ce ci est inexacte à l’heure
actuelle , car depuis une dizaine d’année , l’inspection générale a institué
une périodicité annuelle pour les visites d’inspection et ce ci est devenu possible grâce au renforcement de l’effectifs des
inspecteurs et des conseillers
pédagogiques ( au cours de l’année scolaire 2015 - 2016 on comptait 528 inspecteurs
soit un inspecteur pour 123 instituteurs et 898 conseillers )
Opt cité
[5] Il nous semble que ce jugement est loin de la
réalité
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