Hédi Bouhouch |
Le blog pédagogique revient encore une
fois à la question de l'enseignement
privé et l'engouement des familles tunisiennes pour l'école privée surtout au
niveau primaire, en publiant
un article posté par M° yassine TLILI , journaliste et chercheur dans
la civilisation arabe et musulmane et l'histoire des mouvements politiques en
Tunisie et dans la région arabe; l'article a été posté au mois de septembre
dernier sur le portail de nawat.org. https://nawaat.org/portail/2018/09/07/
Le blog pédagogique tient à remercier
M° Tlili qui a bien voulu nous
accorder l'autorisation de publier son article.
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Les dernières statistiques publiées par le ministère de l'Education
indiquent que le nombre d'écoles primaires privées a atteint 534 écoles en février
2018, réparties dans toute la république. L'essor de ces écoles fait suite à
une crise de l'école publique, qui a rendu les écoles privées attrayantes pour les classes sociales aisées
et moyennes, malgré les coûts élevés.
Entre l'enseignement primaire privé, qui promeut la qualité et
l'excellence, et l'enseignement public, désormais déconsidéré et mal vu, la Tunisie
vit un changement historique de son projet éducatif, présageant la fin d'une époque
et le début d'une nouvelle.
Entre 2017 et 2018, 133 écoles primaires privées ont été agréées, soit une
augmentation marquée par rapport à la période 2004 / 2010 qui avait vu l'ouverture
de 44 nouvelles écoles en six ans. A la fin des
années quatre vingt dix du siècle
dernier, l'exode vers l'enseignement
primaire privé était un phénomène limité
aux grands centres urbains tels que Tunis, Sousse et Sfax, mais au cours des cinq dernières années il s'est
étendu , pour toucher les zones intérieures comme Siliana, Jendouba
et Tataouine qui n'avaient pas d'écoles privées
en 2014. A l'opposé de ce dynamisme de l'enseignement primaire , le second
cycle de l'enseignement de base et l'enseignement secondaire n'ont pas connu le même phénomène ,
en effet entre 1994 et 2016 seules 32
nouvelles institutions ont été ouvertes , et le nombre d'élèves qui fréquentent les collèges et les lycées n'a pas connu de
stabilité, la tendance était plutôt vers la baisse certaines années , par exemple, il est passé
de 69 235 en 2015 à 58706 en 2016 .
Distribution des écoles primaires privées par gouvernorat en 2018 |
Le paysage éducatif se divise
Le ministère de l'éducation ne nie pas l'avantage de l'enseignement primaire privé sur
l'enseignement public, le plan stratégique, sectorielle 2016-2020, publié par
le ministère en 2016, impute cela à« l'adaptation de la vie scolaire de ces institutions aux
conditions de vie de la famille dans les zones urbaines, à la recherche d'une bonne formation ,à la scolarisation
précoce, et aussi aux mécanismes de suivi et d'accompagnement qu'offrent ces établissements et l'adéquation du temps scolaire de ces institutions avec le
temps social et le rythme de la vie ». Le même rapport indique que la migration
vers le privé, fait que l'éducation en Tunisie se trouve « menacé de se scinder
en deux: un secteur public qui offre des
services modestes au profit de la masse pauvre et un secteur privé de haute qualité au profit d'une minorité avantagée» .
À partir de ce diagnostic officiel, on comprend que l'enseignement primaire
privé est devenu une voie pour
l'excellence et la qualité, et c'est lui qui fixe les critères de la réussite future, En plus
du fait qu'il s'adapte au rythme social urbain et répond aux aspirations des couches moyennes
et des couches aisées , ce qui en fait un modèle et un exemple à suivre. La bienveillance officielle vis-à-vis du développement de l'enseignement privé s'est traduite par l'encouragement des investissements dans
ce secteur et par le nombre de plus en
plus élevé d'autorisations accordées; de
plus le projet de réforme proposé par le ministère de l'Éducation au cours des
dernières années, ( en dépit des changements
de ministres ) a lié l'école
publique au cycle économique et à la réussite sociale, c'est
en fait ce que propose actuellement l'enseignement
primaire privé . et pendant ce temps les politiques éducatives et économiques poussent
vers la marginalisation de l'école
publique et réduisent son rôle social et
cognitif.
Marginalisation de l'école publique
le diagnostic officiel reconnait la crise globale de l'école publique, aussi bien au niveau de l'infrastructure que sur le plan éducatif, ce qui s'est répercuté sur l'efficacité
et le rendement de l'école publique par
rapport à l'école primaire privée, c'est le constat fait
par le plan stratégique mentionné précédemment dans lequel on lit la
remarque suivante : " Les conditions difficiles du travail dans la plupart
des écoles sont dues à une infrastructure médiocre et à des équipements éducatifs dépassés et obsolètes, et l'absence
des moyens éducatifs nécessaires".
En dépit de ce constat, la politique du gouvernement n'a pas cherché à injecter de nouveaux fonds afin d'arrêter l'effondrement matériel et moral de l'école publique , le budget du Ministère de
l'éducation pour 2018 en est l'expression, il traduit l'écart très important entre les dépenses de gestion qui représente 95,74 pour cent du budget et les dépenses de développement qui
ne dépassent pas 4,26%. Le manque de moyens a entrainé une défaillance de
l'entretien des écoles , c'est ainsi
qu'on enregistré au cours des années 2016
et 2017 dans plusieurs
écoles publiques des régions intérieures
des cas d'hépatite (A) en raison de
l'état de délabrement des toilettes et
du manque d'hygiène , comme ce fut le cas à Bir Ali Ben Khalifa (gouvernorat de
Sfax) où on a enregistré au cours du mois de février 2017 le décès d'une écolière et la contamination de 33
autres, d'autres cas ont été signalés
dans les gouvernorats de Kasserine, qui a enregistré en 2016, 9 cas, et de Sidi Bouzid où on a enregistré 8 cas à la
fin de 2017.
Estimations du budget de
l'éducation pour l'année 2018
"Les dépenses de gestion et de
développement au titre de l’année 2018 ont été fixées à un peu plus de 4,925
milliards de dinars contre 4,862 milliards de dinars en 2017. Les dépenses de
gestion sont estimées à 4,715 milliards de dinars, soit une augmentation
de 1,2% tandis que les dépenses de développement sont estimées à 210 millions
de dinars, soit une augmentation de 3,9%."
Tunisie : Le budget du ministère de
l’Education en débat à l’ARP _ 5 décembre 2017 Par : Rédaction
https://www.webmanagercenter.com/2017/12/05/413395/tunisie-le-budget-du-ministere-de-leducation-en-debat-a-larp/
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D'autre part, les objectifs de réforme relevés dans la plupart des rapports publiés par le
ministère de l'Éducation depuis 2015, sont marqués par le défi quantitatif qui se limite principalement à la
réduction de la surcharge des classes, la
baisse des taux de redoublement et le contrôle du phénomène de l'abandon , ce
qui limite la fonction de l'école publique à la réduction de l'analphabétisme et l'augmentation du taux
de scolarisation.
En attendant, on note l'absence des
défis de qualité en rapport avec la
révision du rôle social, scientifique et
moral de l'école, car l'école est devenue
une institution qui produit des jeunes désespérés , des décrocheurs, des chômeurs et
des jeunes sans horizons parce que les politiques ont été incapables de suivre les changements sociaux , des politiques qui
ont adopté le modèle qui considère l'enseignement comme une marchandise et consacre les disparités sociales et
régionales, tout cela a représenté un terrain
fertile pour l'investissement privé dans l'éducation . En plus de l'absence
d'un projet de valeur et de connaissance qui fait de l'école publique un lieu pour développer la nouvelle citoyenneté et assure l'égalité
des chances entre toutes les catégories et toutes les régions.
Il semble que l'approche qui lie l'école publique à la logique de l''économie
manque de fondements réalistes , en
raison de l'étroitesse qui caractérise le marché du travail et de la crise
structurelle que traverse l'économie
tunisienne, qui ne produit pas de richesses en raison de la fragilité des secteurs
industriels et
agricoles. L'économie tunisienne est une économie
de rente et de services. La récession
qualitative et quantitative empêche l'économie d'être en mesure d'absorber les
flux annuels de diplômés, en particulier
les meilleurs d'entre eux , c'est ce l'on observe à travers le phénomène de fuite des cerveaux de plus en
plus accentué.
Tlili Yassine - 7 septembre 2018.
Traduit par Mongi Akrout , Inspecteur général
de l'éducation & Brahim Ben Atig , Professeur émérite.
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