Hédi Bouhouch |
Le blog pédagogique publie le texte
d'une allocution de L.Machuel[2] , Directeur de
l'instruction publique à la séance de clôture du
XXIIIe congrès de la Ligue de
l'Enseignement tenu à Tunis en 1903 , presque 20 ans après la création de la
direction de l'instruction publique , nous avons jugé que cette allocution résume
la pensée et la politique humaniste de
Louis Machuel, le blog pédagogique a voulu faire connaitre cette personnalité à
ses lecteurs.
Les 12, 13 et le 14 avril dernier a eu lieu à
Tunis le XXIIIe Congrès de
la Ligue française de l'Enseignement, sous la présidence de M. Ferdinand
BUISSON, Directeur honoraire de l'Enseignement primaire au Ministère de
l'Instruction publique et député de Paris.
Le cadre de ce bulletin ne nous permet
pas de donner un compte-rendu détaillé des séances de ce congrès qui ont
d'ailleurs été retracées fidèlement par les journaux locaux et par la presse
de la Métropole, ainsi que par diverses publications pédagogiques.
Nous publions simplement, le discours
prononcé à la séance de clôture du Congrès par M. Machuel,
Directeur de 1'Enseignement en Tunisie, que M. le Ministre de l'instruction
publique avait bien voulu charger de le représenter.
|
Discours de M. Machuel
Mesdames, Messieurs,
En me désignant pour le représenter
à votre Congrès, M. le Ministre de l'instruction publique m'a fait un honneur
dont je suis fier, mais dont je sens tout le poids, Par une délicate attention
dont je lui suis profondément reconnaissant, il a voulu que le modeste pionnier
qui, depuis vingt ans, organise l’enseignement sur cette terre de Tunisie qui
nous est devenue si chère à tous, eût le plaisir et la joie de
recevoir en son nom les membres de la ligue de l'enseignement qui n'ont pas
hésité à traverser notre lac méditerranéen pour venir nous apporter leurs
sympathies et leurs encouragements et nous faire profiter de leur expérience et
de leur savoir... A tous, Mesdames et Messieurs, j'adresse le salut le plus
cordial
Sans doute aussi, Monsieur le Ministre
de l'instruction publique a pensé que j'étais quelque peu qualifié pour remercier
en son nom les membres des comités tunisiens de la ligue de l'enseignement dont
j'avais dû suivre les travaux. J'ai été en effet, un témoin attentif
des efforts vraiment surhumains qu'ils ont faits pour assurer la réussite de ce
congrès. Organiser des assises de cette importance dans une grande ville de
France est déjà un problème difficile ; avoir mené à bien une
semblable entreprise à Tunis, dans un délai aussi court, en surmontant toutes
les difficultés, en écartant tous les obstacles, est un véritable tour de
force.
Il fallait, pour y réussir, toute la foi
ardente de M. Communaux, président de la fédération tunisienne, « le Jean Macé
de l'Afrique[3]
», comme l'a si bien dit M. Robelin ; tout le dévouement éclairé de M. Thomas
qui ignore la fatigue lorsqu'il s'agit de faire triompher une idée laïque,
toute l'activité de leurs vaillants collaborateurs. Ces serviteurs inébranlables de la cause laïque doivent être satisfaits :
ils trouvent dans le succès de leur
entreprise, succès qui dépasse toutes les espérances, la légitime récompense
due à leurs efforts, Je les remercie du fond du cœur de
tout ce qu'ils on fait et leur adresse mes plus vives, mes plus affectueuses félicitations,
Je me demande aussi, Monsieur le Président,
si M° le Ministre de l'instruction publique, en me faisant prendre la
parole dans cette dernière séance n'a pas entendu m'amener à vous rendre des
comptes ; car vous êtes bien un peu responsables de mes actes si je suis
responsable de ma gestion ; et, si les choses de l’enseignement n'ont pas suivi
l'orientation qu'il fallait ou le développement qu'on espérait, ne devons-nous
pas porter à deux le poids des responsabilités ?... Ce que je puis
vous assurer, c'est que ma constante préoccupation a été de servir la
cause qui vous est chère et que vous représentez ici aujourd'hui c'est que j'ai
toujours eu présents à la pensée les intérêts de la patrie française
et que le désir de justifier votre confiance n'a pas cessé de me servir de
guide...
Machuel présente une bilan flatteur de
son œuvre à la tête de la DIP, en rendant hommage à Jules Ferry , qu'il
considère comme le père de la politique de la France en Tunisie , une
politique qui a fait que "l'instituteur
a suivi de prés le soldat", Machuel estime qu'il a mené avec succès"
une lutte pacifique qu'il fallait engager contre l'ignorance et le fanatisme".
|
Qu'était donc l'enseignement français en
Tunisie il y a plus de vingt ans, lorsque vous y êtes venu pour la première
fois ? Rien, ou presque rien. Vous avez voulu, avec le grand citoyen dont vous
avez tous, Mesdames et Messieurs, salué avec respect et enthousiasme la statue[4] en débarquant sur cette
terre qu'il a faite française, vous avez voulu, dis je, que l'instituteur suivit
de prés le soldat et vous avez choisi un fils d'instituteur[5] pour organiser la lutte
pacifique qu'il fallait engager contre l'ignorance et le fanatisme. La tâche
était ardue, mais vous étiez là pour guider nos pas chancelants, pour nous
prémunir contre les défaillances, pour nous aider de votre puissant appui.
A cette époque déjà lointaine, les
destinées de la Tunisie étaient entre les mains d'un administrateur émérite,
d'un homme au patriotisme ardent et éclairé, d'un ami de l'instruction, M. Paul Cambon[6], à qui vous me
permettrez d'adresser en passant un souvenir respectueux et ému. C'est lui, ne
l'oublions pas, qui a fondé le premier établissement laïque d'enseignement
public, notre collège Alaoui, pépinière de nos instituteurs, dont la direction
est confiée depuis bientôt douze ans à un universitaire qui vous touche
de près, Monsieur le Président, et qui remplit sa mission avec un dévouement
qui n'a d'égal que sa douce et pénétrante bonté... Il sait de qui tenir.
Pour Machuel ce qui a été réalisé est
remarquable …"114 établissements primaires publics, 5 écoles primaires
supérieures, une école normale d'instituteurs, un lycée, une école secondaire
de jeunes filles avec une section normale, un collège musulman, une école
professionnelle, une école de musique, une chaire publique d'arabe
Notre population scolaire, qui est au
total de 18.000 élèves est, pour nos seules écoles publiques, de près de
15.000 garçons et filles. Nos professeurs, nos instituteurs et institutrices laïques dépassent le
chiffre de 300…"
|
Depuis lors, et grâce aux efforts de nos
Résidents Généraux[7]
qui ont tous attaché la plus grande importance au développement de
l'instruction dans ce pays, de nombreuses écoles publiques, toutes laïques,
ont été créées dans les différentes localités de la Tunisie, Nous
comptons aujourd'hui 114 établissements primaires publics, 5 écoles
primaires supérieures, une école normale d'instituteurs, un lycée, une école secondaire
de jeunes filles avec une section normale, un collège musulman, une école
professionnelle, une école de musique, une chaire publique d'arabe.
Nous avons fondé un peu partout des
cantines scolaires, des bibliothèques populaires, des cours de gymnastique, des
cours de langue arabe. Malheureusement, le
nombre de nos établissements scolaires ne répond pas à nos besoins. Partout, on nous
réclame l'ouverture d'écoles nouvelles, partout nos classes regorgent d'enfants
et nous sommes obligés d'en refuser. Cette situation serait inquiétante pour
l'avenir si nous n'avions pas à la Résidence française un partisan convaincu de
l'instruction, un ministre aux idées avancées et généreuses, un démocrate de
race qui sait que l'on ne peut diriger les hommes et les conduire au
progrès que par l'instruction. Monsieur Pichon[8] nous donnera la
possibilité, soyez-en sûrs, de faire honneur à la dette que la France a
contractée envers les populations de ce pays en y plantant son drapeau ;
Monsieur Pichon nous donnera les moyens de créer de nouvelles écoles qui,
est-il nécessaire de l'ajouter? ne pourront être que laïques.
Notre population scolaire, qui est au
total de 18.000 élèves est, pour nos seules écoles publiques, de près de 15.000
garçons et filles. Nos professeurs, nos instituteurs et institutrices laïques dépassent le
chiffre de 300.
Machuel rend un vibrant hommage aux
enseignants qui exerçaient dans les établissements tunisiens , des personnes
" dévoués qui ne font pas seulement honneur à leur chef,
mais à la France qui nous les a donnés" malgré les conditions
dans lesquelles ils accomplissaient leur mission, Machuel les a qualifiés
de" missionnaires laïques de la Tunisie" et qui sont de loin
supérieur des missionnaires de l'église.
|
Oh ! Laissez-moi vous la présenter cette
élite admirable, ces collaborateurs dévoués qui ne font pas seulement honneur à
leur chef, mais à la France qui nous les a donnés, à vous
tous, Mesdames et Messieurs, leurs collègues de la Métropole. Nul ne sait mieux
que moi le dévouement sans borne qu'ils apportent dans l'accomplissement de
leur tâche, dans quelque poste qu'on les envoie ; nul ne connaît mieux que moi,
leur savoir sérieux et discret, le courage qu'ils montrent dans des situations
difficiles, l'exemple salutaire et réconfortant qu'ils donnent à nos
populations tunisiennes par la dignité de leur vie faite souvent de sacrifices
joints à une modestie simple et communicative ; ils ont montré à ces
populations tunisiennes l'influence qu'acquièrent rapidement
sur les parents et sur les élèves des hommes qui mettent au service de
l'enfance, avec un désintéressement magnifique, leur temps, leurs
connaissances, leur expérience et parfois leur crédit.
Oh ! On nous parle souvent du dévouement, du désintéressement des
missionnaires. — Je veux bien y croire, parce que j'admire le beau et
le bon où qu'ils se trouvent lorsqu'ils sont sincères ; mais quels
missionnaires, je vous le demande, pourraient être comparés à nos missionnaires
laïques de la Tunisie qui ont accompli en quelques années une tâche admirable,
parce qu'ils ont, sans bruit, sans chauvinisme de mauvais aloi, sans éclat,
semé à profusion les idées françaises, c'est à dire des
idées de justice, de progrès et de solidarité, parce qu'ils ont fait aimer et
respecter notre France et notre République. Aussi, comme vous le disait
dimanche votre éminent Président, ils ont admirablement préparé le terrain sur
lequel vous vous mouvez aujourd'hui avec tant d'aisance... Mesdames et
Messieurs, vous pouvez serrer avec effusion les mains de vos collègues de la
Tunisie : ils sont dignes de votre sympathie.
En parcourant la liste des vœux soumis à
votre examen, on est frappé par leur nombre et leur importance et, en assistant
à vos séances, on constate avec une joie patriotique les idées et les
sentiments élevés qui inspirent les orateurs, et le souci constant qu'ils ont
de faciliter et d'étendre l'instruction de la jeunesse, de perfectionner sa
culture morale et de lui inspirer l'amour du bien et le respect de la
personnalité humaine. J'ai vu avec un légitime orgueil que nos maîtres tunisiens avaient fourni un
contingent respectable de questions et de propositions.
Machuel n'est pas seulement un
administrateur ,il n'oublie pas son coté pédagogique , étant instituteur
d'origine et un grand spécialiste de l'enseignement des langues ,il critique
l'état de l'enseignement du français et appelle à une simplification de sa
grammaire surtout pour les élèves dont la langue maternelle n'était pas le
français" Combien nous serions heureux de voir disparaître de nos
grammaires certaines règles surannées et subtiles qui compliquent, sans
bénéfice aucun pour la raison, l'étude du français, et en ralentissent
l'acquisition au détriment d'autres connaissances."
|
Parmi les vœux qui ont été adoptés, il
en est un dont je souhaite la prompte réalisation : c'est celui qui a
trait a la réforme de l'orthographe. Plus que partout ailleurs, sans
doute, nous constatons ici les difficultés dont l'étude de notre langue est hérissée
et la peine qu'ont les étrangers à retenir notre orthographe souvent si
fantaisiste, et nos règles grammaticales, parfois si peu logiques.
Combien nous serions heureux de voir
disparaître de nos grammaires certaines règles surannées et subtiles qui
compliquent, sans bénéfice aucun pour la raison, l'étude du français, et en ralentissent
l'acquisition au détriment d'autres connaissances.
Si nous voulons que notre langue
conserve la suprématie qu'elle avait autrefois dans le monde, suprématie qui
est peut-être compromise, à l'heure actuelle, efforçons-nous d'en
simplifier l'orthographe et de débarrasser sa grammaire de règles dont la
subtilité seule a fait souvent la fortune.
Notre langue se déforme, hélas ! Rapidement,
dans nos colonies et à l'étranger; prenons des mesures pour arrêter le mal ; l’une
des plus urgentes est certainement la réforme de notre orthographe et la
simplification de notre grammaire, à la condition que cette réforme
ne porte, aucune atteinte au génie de notre langue.
Vous avez, aussi émis le vœu, Messieurs, que l'on donnât aux élèves de
l’enseignement secondaire les moyens de faire des travaux manuels utiles, et
qu'on les y encourageât.
Nous sommes entrés depuis longtemps dans
vos vues, Messieurs, et ceux d'entre vous qui logent au lycée Carnot de Tunis
ont pu remarquer une grande salle dans laquelle nous avons installé un
outillage, encore insuffisant, sans doute, mais qui peut permettre de donner
aux élèves les premières notions du travail manuel et, avec elles, le goût de
l'outil et le respect de celui qui le manie.
Rendre cet enseignement obligatoire me
semble d'une réalisation difficile tant que nous n'aurons pas pu convertir les
parents â l'utilité de cette innovation,
Ne pensez pas non plus, Mesdames, comme pourrait le laisser supposer l'un des voeux
présentés au Congrès, que nous ayons négligé la question de l'enseignement dit
« ménager ». Il tient au contraire, une place honorable dans nos
préoccupations, et il est donné, avec un certain développement, surtout à notre
école secondaire de jeunes filles.
J'en appelle au témoignage de celles
d'entre vous, Mesdames, qui sont installées dans cet établissement, et je commettrai
une indiscrétion en vous apprenant que nos élèves internes, voulant contribuer
à vous recevoir aussi bien que possible, ont tenu, avant de partir en vacances,
à vous préparer quelques douceurs, à vous distiller, notamment, un
nectar anti-fiévreux que vous avez, parait-il accueilli avec faveur.
Permettez-moi, à ce propos, une
réflexion : n'exagérons rien quand il s'agit d'instruction et d'éducation. Tout
est dans tout, c'est vrai, mais ne nous croyons pas obligés de tout enseigner à
nos élèves ; ne chargeons pas encore leurs programmes ; ils ont déjà tant de
choses à apprendre !
La tâche, Messieurs et Mesdames, est ici,
pour nos professeurs, et pour nos maîtres difficile. Vous n'êtes que depuis
quelques jours en Tunisie ; mais vous avez tous déjà senti qu'on n'est plus ici
dans les conditions ordinaires de la France, qu'il y a quelque chose de
différent de ce que vous êtes habitués avoir et à observer. Le climat, le
milieu social et les conditions économiques dans lesquelles nous vivons; les
mœurs, les traditions, les croyances, les superstitions de notre clientèle
scolaire, sont tellement variés, tellement tenaces, que le rôle de 1’éducateur
est extrêmement délicat.
Il doit agir, sans doute, avec
résolution et fermeté, mais aussi avec quelle prudence et quel tact !
Vouloir appliquer intégralement les
règlements et les programmes de la Métropole serait une imprudence et une
erreur ; je n'hésite pas à vous le dire, avec toute la sincérité dont je suis
capable. Vous comprendrez aussi que nos instituteurs ont besoin, pour remplir à
la satisfaction générale leur rôle d'éducateurs, de tous les encouragements, de
tous les concours, de tous les appuis. Ceux de la Ligue de l'enseignement leur
seront particulièrement utiles ; votre action, Messieurs, arrive à son heure;
elle doit puissamment contribuer à développer et à assurer notre
influence morale dans ce pays.
Machuel termine son intervention par
deux recommandations , la première est un appel à l'association pour qu'elle
prenne des initiatives auprès des élèves tunisiens après leur sortie de
l'école afin d'éviter que " l'influence salutaire du maître français ne s'efface petit à petit". il appelle à "Grouper nos anciens élèves, développer
leur instruction pratique, leur créer des intérêts et des débouchés, afin de
les maintenir dans l'atmosphère des idées françaises, leur faire apprécier et
aimer nos institutions républicaines inspirées des idées les plus
nobles à la fois et les plus humaines"
|
Permettez-moi, à ce propos de vous
signaler deux questions qui doivent, à mon sens, fixer plus
spécialement votre attention. Si vous arriviez à les faire aboutir, vous
contribueriez ainsi à la grandeur de la France et à la diffusion de
ses idées... Nous pouvons suivre assez facilement nos élèves français à la fin
de leurs études primaires; ils constituent une minorité dans notre population
scolaire (et ils n'échappent pas à notre direction et à
notre influence. Il n'en va pas de même
des enfants étrangers ; sortis de nos écoles, ils se dispersent, ils perdent
tout contact avec leurs anciens maîtres ou avec leurs camarades français ; le
bénéfice de l'enseignement qu'ils ont reçu est compromis et l'influence salutaire
du maître français s'efface petit à petit.
Il y a des œuvres
post-scolaires à instituer dont votre société doit prendre
l'initiative, car elle y peut mieux réussir que nous ne le ferions par voie
administrative. Grouper nos anciens élèves, développer leur instruction
pratique, leur créer des intérêts et des débouchés, afin de les maintenir dans
l'atmosphère des idées françaises, leur faire apprécier et aimer nos
institutions républicaines inspirées des idées les plus nobles à la fois
et les plus humaines, n'est-ce pas une tâche digne de votre activité
intelligente et patriotique, et, en la poursuivant
avec méthode, avec continuité, ne répondrez.-vous pas aux vues de votre
illustre patron ?
La deuxième recommandation dépasse le
cadre scolaire et touche toute la population locale , Machuel appelle à une
politique qui vise le relèvement économique et morale de cette population
dont les conditions de vie n'honore pas la France " Ne devons-nous
pas faire tous nos efforts pour éviter de laisser se créer chez elle un
paupérisme qui serait peut être humiliant pour notre dignité et périlleux
pour notre influence".
|
La seconde question sur laquelle je
n'hésite pas à appeler votre attention est la suivante :Nous avons ici une
population indigène importante, qui s'accroît encore
rapidement à l'ombre de notre drapeau. Cette population vit dans
l'ignorance et elle vit difficilement, parce que les métiers qu'elle
professait, les quelques industries qu'elle avait encore avant notre arrivée
ont été profondément atteints par les nouvelles conditions économiques que
notre présence dans ce pays a fatalement introduites.
N'y a-t-il pas lieu de songer
sérieusement à l'avenir de cette population indigène? Ne devons-nous
pas faire tous nos efforts pour éviter de laisser se créer chez elle un
paupérisme qui serait peut être humiliant pour notre dignité et périlleux pour
notre influence. Ces indigènes faut-il les instruire ? Dans quel sens, dans
quelles proportions leur distribuerons-nous l'instruction ? Le problème est
délicat : il mérite un examen approfondi.
Les uns vous diront qu'il est dangereux
d'instruire les indigènes; d'autres qu'il est non moins dangereux de les
laisser dans l'ignorance. Ou est la vérité ?
Eh bien ! Messieurs, étudiez
avec toute l'attention qu'elle comporte cette grave question ; elle est digne,
je vous l'assure, de la sollicitude de votre grande et généreuse association.
Etudiez-la en bons citoyens qui cherchent l'intérêt bien compris de leur pays,
sans vous laisser entraîner par des théories, sans doute généreuses, mais parfois
inconsidérées ; mais aussi sans vous laisser arrêter par des partis-pris
irréfléchis ou des sentiments indignes d'une grande nation comme la France.
Si vous arrivez à réussir dans
la solution de ces deux questions, vous aurez fait une œuvre de paix qui répond
bien aux aspirations de votre société, et vous aurez rendu à la France le plus signalé des services, en contribuant à la faire aimer
davantage par ses enfants d'adoption ; et, certes, personne ne saurait trouver
mauvais que nous désirions la voir bien française de langue, bien française
d'idées, cette terre où nous avons déjà mis tant de notre activité, de notre
génie, de notre fortune, de notre cœur, et d'en faire le plus beau fleuron de
notre patrimoine colonial.
C'est le souhait que fait en terminant
le délégué du Ministre de l'instruction publique.
Fin de l'allocution.
Source : Bulletin
officiel de l’enseignement public , N°37 - avril- mai 1903 - 17ème année - Imprimerie française- B.Borrel .Tunis
Présentation et commentaire. Mongi
Akrout , Inspecteur général de l'éducation retraité.
Tunis , novembre 2019
[1] la ligue de l'enseignement : Le 15 novembre 1866, Jean Macé annonce
officiellement la naissance de la Ligue française de l’enseignement , elle se fixe alors comme objectif l'« instauration d'un service public de l'enseignement
soustrait à la tutelle e l'église catholique, laïque par son contenu comme par
ses maîtres, ouvert à tous et dont l'universalité serait garantie par son
caractère obligatoire et sa gratuité » https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligue_de_l%27enseignement#Actualit%C3%A9_de_l'organisation
[2] Louis Machuel ,
arabophone ,premier directeur de l'instruction publique en
Tunisie de 1883 à 1908 est considéré comme le fondateur des
écoles franco arabes en Tunisie
[4] Machuel parle ici
de la statut de jules Ferry qui se trouvait dans l'avenue qui portait son nom (
aujourd'hui elle porte le nom du président Habib Bourguiba.
[7] Le résident général est
le représentant de la France en Tunisie et c'est le véritable détenteur du
pouvoir dans le pays , le Bey ne faisair que signer les lois et les décrets
préparer par le résident général
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire