Hédi Bouhouch |
Même si l'examen du baccalauréat tunisien s'est déroulé dans la plupart du temps dans des conditions normales, voire satisfaisantes, il a néanmoins connu au cours de son histoire de graves crises qui ont entrainé l'annulation de toute ou une partie de la session et l'organisation d'une nouvelle session. Le blog pédagogique propose à ses lecteurs ces principales crises qui ont permis à chaque fois d'améliorer les procédures afin d'éviter le renouvellement des mêmes erreurs.
Le premier incident : la fuite des
sujets et l'annulation de la session de Juin 1975.
M°
Mohamed Hédi Khlil, directeur de l'enseignement secondaire de l'époque, en a
parlé dans ses mémoires[1] : « Dès le premier
jour de cette session, des rumeurs ont commencé à circuler parmi les candidats
et les parents qui parlent d’une fuite de quelques sujets du bac. Le ministre
Driss Guiga était à l’étranger, et je fus convoqué pour participer à une
réunion de travail avec le Premier Ministre à laquelle participaient le
secrétaire d’état Hédi Zghal
et l’inspecteur général de l’éducation Abdelaziz Ben Hsan. J’ai présenté un
rapport détaillé sur la question, après quoi le Premier Ministre avait demandé
mon avis quant à la possibilité de refaire la session. J’ai répondu que cela
était nécessaire pour sauvegarder la crédibilité des examens et qu’il est
possible d’organiser une nouvelle session dans une semaine pour tous les
candidats…»
« L’enquête a révélé que l’origine de la
fuite était le bureau du directeur du Lycée Sadiki dont le fils a planifié
avec un groupe d'amis pour s’emparer des sujets. Pour cela ils ont préparé une
salle d’opération dans une usine de marbre désaffectée où ils ont réussi à
décacheter les enveloppes sans les détériorer après avoir fait fondre les
cachets de cire, ensuite ils ont fait
une copie de chaque sujet, puis ils ont remis les originaux dans les
enveloppes qu'ils ont recachetées avec des faux cachets avant de les remettre
dans le bureau du directeur comme si rien ne s’était passé. L'enquête menée au
niveau du ministère a permis d'identifier les responsables grâce à la
coopération des directeurs des établissements qui ont eu écho à propos des
sujets fuités ».
Ce
grave incident a été à l'origine d'un changement de procédures : il fut
décidé de ne plus laisser tous les sujets sous la responsabilité des
directeurs des centres d'écrit
sans prendre des mesures de
sécurité et de créer des centres de dépôts des sujets au niveau régional,
sous la garde des forces de police, ce qui oblige les directeurs des centres
d'écrit de se déplacer chaque matin pour se faire livrer les sujets de la
journée sous une bonne escorte. |
Le deuxième incident : la fuite des sujets et
l'annulation de la session de 1979
Alors
qu'il avait en charge les examens à l'époque, M° Khlil a évoqué cette deuxième
crise dans ces termes : « La source de la fuite cette fois-ci était l'agent
chargé de dactylographier les sujets et de faire le tirage des épreuves. Ce fut
une désagréable surprise car l'agent en question avait la confiance de tous les
responsables, mais il est probable qu'il fut soudoyé par quelques riches
personnes qui voulaient que leurs enfants réussissent leur baccalauréat avec
une bonne moyenne vu l'importance de la moyenne dans le processus de l'orientation
universitaire. Dans le souci de sauvegarder la réputation de la Tunisie et de
la valeur du baccalauréat, j'ai proposé à nouveau d'annuler la session,
d'organiser une nouvelle session et d'éloigner l'agent impliqué dans la fuite.
J'ai pris l'engagement de prendre en charge personnellement la préparation des
sujets. Ainsi, nous avons organisé une nouvelle session dans un cours délai en
utilisant les machines modernes utilisées dans la formation de techniciens de
l'école professionnelle de Bab El Alouj, et en répartissant les responsabilités
entre les agents, de sorte qu'il est difficile pour chaque agent de savoir ce
que fait son collègue. »"
Le troisième incident : erreur dans la distribution des sujets
(session de contrôle 2005).
Contrairement
aux deux précédents cas, il ne s'agit pas d'une fuite des sujets, mais d'une
erreur dans la distribution des sujets. En 2005, lors de la première journée de
la session de contrôle, le mercredi 22 juin 2005, les responsables d'un des
centres d'examen se sont trompés d'enveloppes et ont distribué les sujets
prévus pour la journée du lendemain ( jeudi) ; en s'apercevant de la faute, ils
ont essayé d'y remédier mais c'était trop tard puisque les sujets ont été
dévoilés. Le ministère, en apprenant l’incident M° Najar, avait pris la
décision de reporter les épreuves prévues pour la journée du jeudi à une date
ultérieure (le mardi 29 juin) afin de laisser le temps à la direction générale de préparer de nouveaux sujets.
L'enquête
a révélé une succession de défaillances qui ont amené l'erreur :
-
une défaillance première au niveau du centre de dépôt, le responsable avait
inversé l'emplacement des enveloppes en mettant le sac contenant les sujets de
la première journée dans le casier destiné au sac de la 2ème journée et vice
versa.
-
une deuxième défaillance s'est produite quand le président du centre d'écrit ne
s'est pas déplacé au centre de dépôt, comme il devrait le faire, pour prendre
les sujets et remplir le formulaire de livraison après vérification de toutes
les données selon le protocole. Il a confié la mission à son adjoint qui n’est
autre que le responsable du centre de dépôt, celui-ci avait étrangement outre
passé tout le protocole de livraison, il n'avait pas pas cru nécessaire de
remplir le formulaire.
-
une troisième défaillance a eu lieu dans le bureau du chef de centre d'écrit.
Ce dernier n'a pas suivi la procédure qui consiste à ouvrir le sac plastique
qui contenait les sujets en présence de ses deux adjoints qui doivent attester
qu'il s'agit bien des épreuves de la journée avant de passer dans les salles
d'examen.
-
Enfin la dernière défaillance a eu lieu au moment de l'ouverture des
enveloppes, le chef du centre a ouvert toutes les enveloppes dans la même
salle, alors que le protocole imposait l'ouverture de chaque enveloppe devant
les élèves de la section concernée après avoir montré que l'enveloppe était
bien fermée et après avoir lu devant les candidats toutes les informations
indiquées sur l'enveloppe comme la date, la matière, la section …
Ce sont ces
défaillances qui traduisent une moindre vigilance qui caractérise le
comportement de la majorité des intervenants au cours de la session de
contrôle. Cet incident a obligé le ministère à repenser le mode de
fonctionnement des centres de dépôt comme le déchargement du responsable de
toutes autres missions, et prévoir une formation pour eux. Enfin les présidents
des centres d'écrit sont désormais dans l'obligation d'envoyer le PV de
l'ouverture des sachets plastiques à la délégation régionale par fax dès que la
vérification est faite et avant de passer dans les salles pour procéder à
l'ouverture des enveloppes et à la distribution des épreuves sur les candidats
Le quatrième incident
: une nouvelle fuite des sujets de la session principale 2012.
Le lundi 11 juin
2012, c'est la 4ème journée des épreuves écrites. Une rumeur
commence à circuler à propos d'une fuite
de sujets du baccalauréat , ce n'était la première fois , quelques temps plus
tard , Le Ministère de l’Education
Nationale confirme la fuite de l'épreuve d'arabe, précisant que les sujets ont été postés sur le réseau social
Facebook, un jour avant la date prévue de l'épreuve.
L'enquête a
montré que l'origine de la fuite est le centre de dépôt des sujets relevant de
le la délégation régionale de Ben Arous. L'agent chargé de la garde a profité
de la nuit pour s'introduire dans la salle où sont stockées les enveloppes des
sujets et a ouvert l'enveloppe de l'épreuve d'arabe, puis il a photocopié les
sujets qu'il a remis à une candidate. Celle-ci a fait appel à un professeur
d'arabe pour lui traiter les sujets, ensuite elle a partagé les sujets avec des
amies.
Toutes les personnes impliquées dans la fuite furent
arrêtées et elles ont écopé de sanctions allant de l'emprisonnement à des
amendes par Le tribunal de première instance de Tunis.
Le ministère a
décidé de reporter toutes les épreuves du baccalauréat prévues le mardi 12 et
mercredi 13 juin, au vendredi 15 et samedi 16 juin, à la même heure. Quant à
l’épreuve d’arabe elle était programmée pour le jeudi 14 juin, à partir de 8h
du matin. "Cette décision vise à garantir l'égalité des chances entre les
candidats et à assurer la crédibilité des examens nationaux".
Cette décision a
amené la Direction générale des examens à assurer dans un délai très court la
préparation des épreuves de remplacement en travaillant jour et nuit. Ce fut
une prouesse qui relève du miracle.
Ce grave incident a
montré la fragilité du système mis en place depuis plusieurs années (depuis la
première fuite de 1975). Du coup, le ministère de l'éducation a décidé
d'installer dans les centres de dépôts un système de surveillance électronique
centralisé.
Akrout Mongi &
Abdessalam Bouzid, Inspecteurs généraux de l'éducation
Tunis, Mai 2021
Pour accéder à laversion AR, cliquer ICI
[1]
صدور كتاب إسهامات و
مواقف للأستاذ محمد الهادي خليل
http://akroutbouhouch.blogspot.com/2017/04/blog-post_24.html
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