Hédi Bouhouch |
Le Baccalauréat 2021 sera marqué par de nouvelles mesures qui concernent les dispositions relatives aux cas de fraudes et de mauvaises conduites au cours de l'examen. La lutte contre la fraude et la mauvaise conduite au cours de l'examen du baccalauréat a constitué pour le ministère de l'éducation un souci et un cheval de bataille au cours de cette dernière décennie en raison de l'aggravation et l'expansion du phénomène et l'émergence de nouvelles techniques de fraudes de plus en plus sophistiquées.
Tout cela avait amené le ministère à remanier l'article 19 de l'arrêté du 24
avril 2008 relatif à l'organisation de
l'examen du baccalauréat à sept ( 7 ) reprises depuis 2014. La dernière
modification a eu lieu en mars 2021.
Extrait de l'arrêté du 24 avril 2008[1]
: Les sanctions prévues par l'article 19 1- Dans
les cas de fraudes ou de tentatives de fraudes ou de mauvaises conduites, les
jurys chargés d'enquête portant sur les cas de fraude ou de mauvaise conduite
prononcent la nullité de l'examen pour les deux sessions à l'encontre de
l'auteur principal de la fraude ou de la tentative de fraude ou de mauvaise
conduite et à l'encontre des complices. 2- Les
jurys peuvent proposer au ministre de l'éducation de prendre la sanction
d'interdire aux candidats concernés de s'inscrire à l'examen et de les exclure des établissements
scolaires publics pour une période allant de un à cinq ans. 3-
les jurys peuvent également proposer
d'engager une enquête administrative afin de délimiter les responsabilités
dans les cas examinés. |
Le premier amendement - arrêté du 14
mars 2014[2]
Introduction de deux nouveaux délits
Devant l'émergence de nouveaux
moyens de fraudes qui utilisent les nouvelles technologies de communication, le
ministère a été amené à élargir la liste des délits pour inclure deux nouveaux
délits, en l'occurrence le fait d'amener
"un poste électronique ou un moyen de communication à la salle d'examen et
la perturbation du déroulement de l'examen du baccalauréat par les
candidats".
Extrait de
l'arrêté du 14 mars 2014 - article 19 (nouveau) - Toute fraude ou tentative
de fraude y compris avoir un poste électronique ou un moyen de communication
à la salle d'examen et toute mauvaise conduite ou perturbation du déroulement
de l'examen du baccalauréat par les candidats seront sanctionnées selon les
modalités mentionnées par le présent article. |
création d'une commission nationale
chargée par le ministre de l'éducation de prononcer des sanctions à l'encontre
des candidats reconnus coupables par les jurys chargés d'enquête portant sur
les cas de fraude ou de mauvaise conduite dans les différents centres de
ramassage. Cette commission nationale est autorisée à décider des sanctions et
non de faire de simples propositions comme c'était le cas auparavant pour les
jurys chargés d'enquêter sur les cas de fraude ou de mauvaise conduite. La
création de cette nouvelle commission vise à centraliser le pouvoir de décision
pour éviter les écarts qu'on constatait lors des sessions précédentes entre les
différents jurys. Il n'était pas rare de trouver des sanctions différentes pour
la même faute.
Varier les sanctions selon la gravité de la
faute
Si l'amendement n'a pas touché la
sanction automatique qui consiste à annuler l'examen à l'encontre du candidat
reconnu coupable ainsi qu'à ses complices, il a néanmoins décidé de faire la
distinction entre deux catégories d'infractions :
- Les cas de fraude ou tentative de
fraude ou de mauvaise conduite : l'interdiction de s'inscrire à l'examen pour
une période allant de 1 à 3 ans.
- Les cas de fraude ou de tentative de fraude accompagnés de la mauvaise
conduite : L'interdiction de s'inscrire à l'examen pour une période allant de 2
à 5 ans.
Les jurys peuvent également proposer au ministre de l'éducation d'engager une
enquête administrative afin de déterminer les responsabilités.
Extrait de l'article 19 ( nouveau) Les jurys chargés d'enquête portant sur le
cas de fraude ou de mauvaise conduite seront appelés à délibérer sur ces cas,
à la lumière de ce dossier enrichi par les questionnaires des candidats
concernés et des surveillants le cas échéant. Ils détermineront s'il y a eu
ou non fraude, et il sera de même pour les cas de mauvaise conduite. Dans
l'affirmative, la nullité de l'examen est prononcée à l'encontre des
candidats reconnus coupables.
|
Cet amendement ne manque pas de pertinence, car il facilite la tâche de la commission
nationale, mais le problème reste entier au niveau de l'échelle des sanctions,
c'est-à-dire dans quels cas on décide la sanction d'une année ou de deux années
et dans quels cas il faut prononcer une sanction plus lourde. D'autre part on
remarque que l'amendement a supprimé la sanction de l'exclusion de tous les
établissements scolaires publics.
Le deuxième amendement - arrêté du 21 mars 2017 :
rattraper l'omission de l'arrêté de 2014
Cet amendement visait le rétablissement de la sanction
complémentaire qui a été supprimée par le décret précédent de 2014 qui consiste
à exclure les fautifs de tous les établissements scolaires publics.
Les
troisième et quatrième amendements - deux arrêtés de 2018[3] et
[4]:
plus de sévérité au niveau des sanctions
En 2018, le
ministère avait introduit deux amendements successifs à l'initiative du
Ministre Hatem Ben Salem qui avait pris lors de son premier passage au
ministère de l'éducation des mesures en 2008 pour combattre la fraude qui
utilise les nouvelles technologies. A l'époque, le ministère avait acquis des
brouilleurs et avait lancé une large campagne de sensibilisation via des
dépliants et spots publicitaires. Seulement les résultats n'étaient pas assez
probants à l'époque. A son retour au ministère, il a décidé de reprendre le
combat en introduisant de nouvelles mesures dans le texte en prévision de la
session de 2018.
La première
nouveauté (févier 2018) est venue pour interdire aux candidats d'être
accompagnés de tout appareil électronique au centre d'examen et tout manquement
sera assimilé à tentative de fraude et traité en tant que telle.
Extrait de l'arrêté du 5 février 2018 Article 4
(nouveau) dernier paragraphe (nouveau) - Il est strictement interdit
aux candidats d'apporter tout appareil électronique au centre d'examen, sauf
la calculatrice, qui doit être certifiée par le lycée public, pour les élèves
des lycées publics, et par le centre des épreuves écrites pour les élèves des
lycées privés et les candidats à titre individuel. Tout manquement aux
dispositions du premier paragraphe du présent article est considéré comme
tentative de fraude. |
L'amendement
du mois de février fut suivi d'un deuxième au mois de mai qui concerne
l'échelle des sanctions qui sont devenues plus lourdes en espérant dissuader
les candidats fraudeurs. C'est ainsi que la nouvelle échelle prévoit :
- une interdiction
de 5 ans pour les cas de fraude ou de tentative de fraude,
- une
interdiction de 3 ans pour les cas de mauvaise conduite
- une
interdiction de 6 ans pour les cas de fraude ou de tentative de fraude
accompagnés de la mauvaise conduite.
Toutes ces sanctions
sont accompagnées de la nullité de l'examen pour les deux sessions et
l'exclusion des établissements scolaires publics.
Extrait de l'arrêté du 15 mai 2018 Article 19 (dernier paragraphe, nouveau) : Ces
jurys présentent les dossiers délibérés à la commission nationale chargée par
le ministre de l'éducation de prononcer des sanctions à l’encontre des
candidats qu’ils ont reconnus comme coupables dans les cas de fraude ou de
mauvaise conduite. La commission nationale prend une décision pour chaque cas
comme suit :
|
Ce dernier amendement a le mérite d'être clair et a
ainsi rendu la tâche de la commission nationale très aisée puisqu'elle se
trouve devant une sanction unique par chaque type de faute.
Le sixième amendement du 2 avril 2020 : la décision d'empêcher le candidat de poursuivre
l'examen dans certains cas.
Le sixième amendement se
caractérise par sa sévérité puisqu'il est venu pour donner aux présidents des
centres d'examen la possibilité d'arrêter immédiatement le candidat et de
l'empêcher de poursuivre de passer les épreuves dans deux cas considérés comme
très graves pour justifier une telle mesure, il s'agit :
1- des cas où le candidat
aurait téléchargé une partie ou la totalité de l'épreuve de la séance ou dans
le cas où il aurait utilisé un téléphone portable ou tout autre matériel
utilisé pour frauder (écouteurs, oreillettes…).
2 - des cas de violences
matérielles (verbales ou physiques) à l'encontre des responsables du centre
d'examen et (ou) des professeurs surveillants.
Extrait du
décret du 2 avril 2010 Article 2 : est abrogé le premier paragraphe de l'article 19
de l'arrêté du 24 avril 2008 et remplacé par les dispositions suivantes : Article 19, 1er
aliéna (nouveau) : Toute fraude ou tentative de fraude, y compris le fait
d'être accompagné au centre d'examen
d'un équipement électronique ou d'un moyen de communication, et toute
mauvaise conduite et/ou perturbation du bon déroulement de l'examen par les
candidats à l'examen du baccalauréat, exposent les concernés aux sanctions mentionnées
dans cet article : - Dans le cas
où il est prouvé que le candidat a téléchargé une partie ou l'intégralité de
l'épreuve de la séance au cours du déroulement de l'examen, a
utilisé un téléphone mobile ou tout appareil électronique avec un équipement
spécifique pour la fraude électronique
(écouteurs, fils ...), tout le matériel sera saisi et le candidat est immédiatement
arrêté par le président du centre
d'examen et empêché de poursuivre le
reste l'examen lors des deux sessions, en plus des sanctions
mentionnées dans cet article. - En cas
d'agression matérielle à l'encontre des cadres du centre d'examen et des
personnes chargées de la surveillance par le recours à la violence verbale ou
physique, le candidat est immédiatement arrêté par le président du centre d'examen et
empêché de poursuivre le reste de
l'examen lors des deux cessions en plus des
sanctions mentionnées dans cet
article |
Cette dernière mesure est un
nouveau type de sanction car, auparavant, les candidats qui sont pris en
flagrant délit de fraude ou de tentative de fraude ou de mauvaise conduite
avaient le droit de poursuivre les épreuves. Le président du centre confisque
la feuille ou les feuilles déjà écrites et leur donne de nouvelles feuilles en
attendant la décision du jury chargé de statuer sur leur cas. Si le candidat
s'avère être innocent, la copie saisie sera corrigée avec la nouvelle copie pour
rendre justice au candidat.
Le septième amendement du 29 mars 2021 : allègement de
certaines sanctions et une nouvelle sanction plus sévère.
Pourquoi ce dernier amendement ?
Il nous semble qu'il y a deux raisons majeures
derrière ce dernier amendement :
- la première c'est que les lourdes sanctions décidées
en 2018 n'étaient pas la bonne solution pour contrecarrer le phénomène. La
preuve c'est qu'elles n'ont pas réussi à dissuader les fraudeurs. Au contraire,
leur nombre a plus que doublé en comparaison avec la session 2017, passant de
390 à 951 cas en 2018 et à un millier en 2019 et 2020. En plus, les mauvaises
conduites et les agressions s'étaient multipliées d'une manière inquiétante.
- la deuxième et la plus importante peut-être, c'est
que certaines sanctions prononcées par la commission nationale étaient trop
sévères voire même injustes et injustifiables. Ce sont les sanctions qui ont
touché des candidats qui ont donné volontairement leur téléphone portable au
président du centre ou aux professeurs surveillants avant le début de l'épreuve
et malgré cela ils ont écopé de 5 ans d'interdiction.
La nouvelle grille des sanctions
Extrait de l'arrêté du 29 mars 2021 Art premier : sont abrogées les dispositions
des articles 19 et 23 (bis) de l'arrêté du 24 avril 2008 et remplacées par ce
qui suit : Art 19 (nouveau) Les jurys
chargés d'enquête portant sur le cas de fraude ou de mauvaise conduite seront
appelés à délibérer sur ces cas. A la lumière de ce dossier, ils
détermineront s'il y a eu ou non fraude, et il sera de même pour les cas de
mauvaise conduite. Dans l'affirmative, la nullité de l'examen est prononcée à
l'encontre des candidats reconnus coupables.
a/ pour
les candidats des établissements publics et privés : - Les cas de tentative de fraude :
l'interdiction de s'inscrire à l'examen pour une période allant de 1 à 3 ans
et l'exclusion de tous les établissements scolaires publics, - Les cas
de fraude : l'interdiction de s'inscrire à l'examen pour une période allant
de 2 à 5 ans et l'exclusion de tous les établissements scolaires publics, - Les cas
de mauvaise conduite : l'interdiction de s'inscrire à l'examen pour une
période allant de 1 à 3 ans et l'exclusion de tous les établissements
scolaires publics, - Les cas de tentative de fraude accompagnés de la
mauvaise conduite : L'interdiction de s'inscrire à l'examen pour une période
allant de 2 à 5 ans et l'exclusion de tous les établissements scolaires
publics, - Les cas de fraude accompagnés de la mauvaise
conduite : L'interdiction de s'inscrire à l'examen pour une période allant de
3 à 5 ans et l'exclusion de tous les établissements scolaires publics. b/ pour les candidats libres Les cas de fraude ou de tentative de fraude,
accompagnées ou non de mauvaise conduite : l'interdiction de s'inscrire à
l'examen pour une période de 5 ans avec l'engagement de poursuites pénales en
cas de nécessités. |
Les principales modifications
* Retour aux
échelles de sanctions enlevées par l'amendement de 2018 et une plus grande
précision grâce à la distinction entre les différentes infractions possibles.
Ainsi la commission nationale retrouve une marge assez importante pour prendre
ses décisions, comme le montre le tableau suivant :
L'infraction |
La sanction |
Tentative de fraude |
Entre 1 et 3 ans d'interdiction |
Fraude |
Entre 2 et 5 ans d'interdiction |
Mauvaise conduite |
Entre 1 et 3 ans d'interdiction |
Tentative de fraude accompagnée de mauvaise conduite |
Entre 2 et 5 ans d'interdiction |
Fraude accompagnée de mauvaise conduite |
Entre 3 et 5 ans d'interdiction |
* Des sanctions différentes selon l'origine du candidat
La nouvelle grille des sanctions a introduit une distinction entre les
candidats. Ainsi, les sanctions indiquées dans le tableau précédent ne
concernent que les candidats des établissements publics et privés, alors que
les candidats libres écopent, en cas d'infraction quelque soit sa nature, d'une
sanction de 5 ans d'interdiction en plus d'une possible poursuite pénale.
Cette
distinction et cette sévérité pourraient s'expliquer statistiquement, puisqu’en
s'appuyant sur les données de 2018 nous remarquons que le taux des infractions
commises par les candidats libres est 3 fois supérieur à celui des autres
candidats (1.95 cas pour 100 candidats contre 0.66) comme le montre le tableau
suivant (session 2018) :
Infraction
/ 100 candidats |
Nb de cas
d'infractions |
Effectif
des candidats |
Type |
1.95 |
59 |
3026 |
Libre |
1.11 |
188 |
16884 |
Privé |
0.66 |
704 |
106150 |
Public |
0.75 |
951 |
126060 |
TOTAL |
Nous pensons malgré les statistiques que cette distinction est
discriminatoire et illégale car elle porte atteinte au principe élémentaire
d'égalité devant la loi et qu'il n'est pas admis d'appliquer deux régimes de
sanctions pour la même infraction selon les personnes et nous pensons que la
justice administrative ne pourrait pas accepter cette discrimination.
Extrait de l'arrêté du 29 mars 2021 Art 2- est ajouté aux dispositions de l'arrêté du 24
avril 2008 indiqué ci-dessus l'article
23 (quater) comme suit : Art 23 (quater) - sont annulées les sanctions prises
à l'encontre des candidats dont la preuve est faite qu'ils avaient livré
l'équipement électronique spontanément au surveillant ou au président du
centre d'examen avant le démarrage des épreuves au cours des sessions principales et de
contrôle de 2018, .2019 et 2020. Il en résulte que ces candidats retrouvent leur
droit de se présenter à l'examen du baccalauréat à partir de l'année scolaire
qui suit la publication de cet arrêté. |
* l'annulation de certaines sanctions prises depuis la
session 2018.
l'arrêté de 2021 a ajouté un nouvel article (l'article
23- quater) qui annule les sanctions qui
avaient été prononcées à l'encontre des candidats qui auraient donné de leur
propre gré leur portable ou autre équipement
électronique au surveillant ou au président du centre avant le démarrage des
épreuves et ce au cours des sessions principales ou les sessions de contrôle de
2018,2018 et 2020, ces candidats pourraient se présenter aux examens du
baccalauréat à partir de la rentrée scolaire prochaine 2021/2022.
Nous pensons
que cette décision est une décision courageuse car elle met fin à une injustice
qui a touché nombre de candidats. Seulement la décision pose deux problèmes :
Le premier
est qu'en annulant la sanction, le ministère reconnait l'erreur de
l'administration, ce qui donne aux candidats concernés le droit de demander des
dommages pour le préjudice moral et matériel qu'ils ont subi.
Le deuxième
problème est en rapport avec le premier. On se demande pourquoi reporter le
bénéfice de l'annulation de la sanction pour l'année scolaire prochaine et
faire perdre aux intéressés une autre année sans aucune raison valable car il
est encore possible de les ajouter aux listes des candidats de la session
actuelle en tant que candidats libres ou en tant que candidats des secteurs
public ou privé. En tenant compte des moyennes annuelles de la dernière année
de leur participation à l'examen, certains vous diront qu'il faudrait déclarer l'admission
tout court de tous qui remplissaient
toutes les conditions puisque le ministère reconnait qu'ils n'étaient pas en
infraction.
Mongi AKROUT et Abdessalem BOUZID, Inspecteurs
généraux de l'éducation retraités
Tunis, mai 2021
Pour accéder à la version Arabe, cliquer ici
[1] l’arrêté du
ministre de l’éducation et de la formation
du 24 avril 2008 relatif au régime de l’examen du baccalauréat , jort n° 34
du 25 avril 2008.
[2] Arrêté
du ministre de l'éducation du 14 mars 2014, modifiant et complétant l'arrêté du
24 avril 2008 relatif au régime de l'examen du baccalauréat.
[3] Arrêté du
ministre de l'éducation du 5 février 2018, complétant l'arrêté du 24 avril
2008, relatif au régime de l'examen du baccalauréat.
[4] Arrêté du ministre de l'éducation du 15 mai 2018, modifiant l'arrêté du 24 avril 2008, relatif au régime de l'examen du baccalauréat.
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