dimanche 8 octobre 2023

Octobre des temps heureux

 

 


l'élève et son maître

A l'occasion de la nouvelle année scolaire (2023/2024), le blog pédagogique a voulu rendre hommage à tous les instituteurs des années soixante,  par la plume d'un illustre écrivain, le professeur Msaddek Cherif qui a publié un post émouvant, en hommage à son tout premier instituteur qu'il a eu en octobre 1962.


En lisant ce post, j'ai eu la nostalgie pour mes années à l'école primaire "El Falah" et je me suis rappelé mes premiers instituteurs / Cheikh Abdellatif Bouaziz , son frère Sadok , Si Mhamed Gargouri, Sidi Hsan Khabou , Sidi Mohamed Hajjam, M.Abelkader Baati …

Alors, j'ai demandé, à l'auteur du post, la permission pour sa publication dans le blog pédagogique, qu'il nous a accordé sans hésitation, qu'il en soit remercié pour sa confiance parce qu'il nous a donné l'occasion de rendre hommage à toute une génération d'instituteurs (de la fin des années cinquante et des années soixante et des années soixante dix), qui étaient les bâtisseurs de l'école publique tunisienne et  les précurseurs de l'enseignement moderne en Tunisie.

 

 

Le 1eroctobre 1962, vers 13 heures, je suis entré en classe pour la première fois de ma vie pour commencer mon voyage avec la lecture, l'écriture et la mémorisation. Ce jour-là, j'ai été accueilli, à la porte de la salle numéro 1, par  mon instituteur, que Dieu prolonge sa vie dans le bien, la santé, le bien-être et la félicité totale, Sidi Abdelhamid Ben Ali Hachicha, pour passer une année scolaire avec lui à l'école primaire, route de Mahdia, rue Habib Bougatfa à Sfax, plus connue sous le nom de "l'école Charrad" du nom de son directeur Sidi Hmed Charrad, que Dieu bénisse son âme.

 

Mon premier instituteur, Sidi Abdelhamid Ben Ali Hachicha, est né en 1932. Il a commencé son parcours scolaire en rejoignant Zaouiet ( Koutteb)  Haj Khalifa en 1937, où il a appris les principes fondamentaux de la religion et une partie du Coran au moyen de la fameuse  tablette (Al laouh) . Il n'avait suivi ni des leçons de grammaire ni des cours de calcul. (terme générique groupant l’arithmétique et la géométrie).

 

J'avais cours tous les jours de 13 heures à 16 heures, sauf le vendredi et le samedi. J'aurais aimé plutôt avoir cours dans la matinée de  huit à onze heures, mais mes espérances étaient vaines. Ce fut même une occasion pour mes amis du quartier, avec à leur  tête  mon ami Habib Hili ou Habib Errouh comme j'aimais l'appeler, que Dieu bénisse son âme, de se réjouir, de me taquiner et de me provoquer tant qu'ils le souhaitaient et ne cessaient de me  répéter chaque fois qu'on se rencontrait : « Nous, nous allons  passer l'après midi dans la place (Al batha)  à jouer et à nous amuser, les pauvres, eux ils vont  passer leur après midi en classe ".

 

Je suivais sans cesse les nouvelles de Sidi Abdelhamid, et voilà qu'aujourd'hui, il me reçoit dans sa maison, j'étais accompagné de ma fille Zaineb. Je l'ai trouvé, que Dieu le garde en bonne santé, devant sa porte à m'attendre. Ma fille et moi avons été très bien accueillis par sa femme et sa fille. Et il commença à me parler de ses études et de son parcours dans l'enseignement.

Mon maître, avait commencé ses études à Zaouiet Haj Khalifa, interrompues en 1943 suite aux bombardements de la ville de Sfax par les avions allemands et anglais. Ces bombardements avaient endommagé le toit de Zaouiet Haj Khalifa, la voie ferrée et l'huilerie "Ghaloula" située sur la route de Mahdia, située à 0,5 km du centre ville.

 

En 1944, Sidi Abdelhamid avait rejoint l'école Achabeb (l'école de la jeunesse) située à la porte Ouest de la Médina ( Bab El Gharbi)  puis  l'École Ach-chaabia (l'École Populaire) . En 1949, il put entrer à la Grande Mosquée de Sfax, où il passa trois années. Après cela, mon maître avait rejoint la capitale pour poursuivre ses études à la mosquée Al-Zaytouna Al-Mamour, où il a obtenu le diplôme Attahcil qui sanctionnait la fin du cycle secondaire.

En 1956, il réussit un concours qui lui a permis d'entamer une carrière d'instituteur. Il commença à enseigner à la délégation de Ksibet el-Medouni située au Sahel tunisien. Il y resta jusqu'en 1961. L'horaire d'un instituteur était de trente-cinq heures obligatoires en raison de la rareté des instituteurs à cette époque, moyennant un salaire de cinquante dinars. Puis en 1961, Sidi Abdelhamid rejoint la délégation de Jebeniana, puis, en octobre 1962, il est affecté dans mon école primaire.

 

Neuf ans plus tard, mon instituteur était affecté à l'école Ech-Chaabia (l'école populaire) située à la porte ouest de la Médina de Sfax, puis à l'école Anatole France. Ensuite, Il a été nommé directeur de l'école primaire route Agareb. L'école primaire d'Al-Ajanga fut la dernière station de sa carrière, avant la retraite.

Avant de faire mes adieux à Sidi Abdelhamid, je l'ai interrogé sur l'état de l'enseignement dans notre pays, qu'il a quitté depuis plus de trois décennies et demie. Après un profond soupir, il m'a dit ceci : « L'enseignement était un véritable enseignement, aujourd'hui, la plupart des enseignants du primaire et du secondaire courent derrière l'argent. Ils cherchent à empocher le plus de centaines de dinars possibles à la fin de chaque mois en donnant des cours particuliers jour et nuit. Tout cela dans le but d'acheter une voiture de luxe, de construire une maison luxueuse et de s'offrir les équipements de confort.

 

Mon fils, je suis inquiet et triste de la condition des parents. Ils sont très peinés à pouvoir nourrir leurs enfants et payer les factures d'eau, d'électricité, du téléphone et autres services essentiels à la vie, en plus des frais des cours de rattrapage, surtout si leurs enfants sont en terminale. Dans ce cas, le nombre d’heures des cours complémentaires double plus d'une fois pour alourdir le parent.

 Je suis fier du niveau scientifique de nombreux enseignants et de leurs méthodes pédagogiques modernes. Elles sont meilleures que celles que nous utilisions par le passé. C'est pourquoi je voudrais que l'éducateur combine ce qu'il a réalisé sur le plan scientifique et intellectuel avec la préservation de la noblesse de la mission éducative qui est chargée d'humilité, d'amour, de sincérité et de loyauté.

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Je n'oublie pas de conseiller à mes fils et mes filles les élèves de se tourner vers la lecture, de rester à l'écart des réseaux sociaux et de s'abstenir de manger des aliments en dehors de la maison, car ils sont nocifs pour la santé et ne doivent être consommés qu'en cas d'absolue nécessité. Je les appelle à ne pas charger leurs parents de nombreuses demandes, qui dépassent généralement leur pouvoir d'achat et leur statut social.

 

Msaddek Cherif, professeur d'arabe à la retraite et écrivain

Traduction , Mongi Akrout & Abdessalam Bouzid, Inspecteurs généraux retraités

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