Introduction
Mon intérêt pour le manuel scolaire d'histoire et de
géographie remonte à très loin, plus précisément à l'année scolaire 1983-1984,
lorsque j'avais organisé une série de rencontres pédagogiques avec des
professeurs d'histoire-géographie autour du cahier des charges du manuel et de
ses usages.
Aujourd'hui,
après une dizaine d'années, la question du manuel scolaire d'histoire-géographie reste encore un sujet de débat et de controverse, car il
fait l'objet d'accusations et de critiques de la part de toutes les parties qui
l'utilisent. Le professeur estime que ce manuel ne lui apporte pas ce dont il a
besoin pour préparer ses cours dans les meilleures conditions.
Et l'élève considère le manuel comme un fardeau qui ne
lui apporte aucune sorte de services.
Enfin,
l'inspecteur tient le manuel pour responsable de la baisse du niveau de performance
des enseignants, alors qu'il a été conçu afin d'élever le niveau de cette
performance.
Tous ces avis s'accordent sur le même jugement sur le
manuel scolaire, c'est la raison qui m'a poussé à participer à ce colloque
consacré à l'évaluation du manuel scolaire qui est le second colloque après
celui qui a été organisé par le Centre d'études et de recherches économiques et
sociales (CERES) en 1985.[1]
Mon intervention va comporter deux parties principales
:
-
Dans la
première je vais présenter un diagnostic du manuel tel qu'il se
présente aujourd'hui pour voir dans
quelle mesure contribue-t-il à la
réalisation des objectifs pédagogiques inscrits dans la loi de la réforme éducative et des objectifs de l'enseignement
de l'histoire et de la géographie.
-
La deuxième partie traite de l'usage du manuel par
l'élève et par l'enseignant.
La
première partie : Dans quelle mesure, le manuel scolaire dans sa forme actuelle
participe-t-il à la réalisation des objectifs de la loi de la réforme scolaire
et des objectifs de l'enseignement de l'histoire et de la géographie ?
Le manuel scolaire est un outil essentiel dans l'école
tunisienne, mais il constitue aussi une matière première incontournable pour
tous ceux qui veulent évaluer le système scolaire, car il représente un critère
objectif pour connaitre les caractéristiques du système éducatif existant.
C'est ce que nous lisons dans le mot d'ouverture du colloque sur le manuel et
le système éducatif de 1985 qui affirmait que : " le manuel est l'une
des entrées possibles pour étudier le système éducatif et analyser ses
composantes fondamentales, il traduit sa philosophie sociale, ses finalités et
ses objectifs. Il est l'un des domaines qui expriment la spécificité de ce système
avec ce qu'il transmet de connaissances, de sciences, et de culture et avec ce qu'il apporte comme
projet et vision sociale et culturelle et de liens qu'il tisse entre les
différents acteurs dans le champ
scolaire ."[2]
Partant de cette donnée que j'ai adoptée parce qu'elle
s'applique bien au manuel d'histoire et de géographie, j'ai voulu commencer mes
réflexions en posant la question suivante et en essayant d'y répondre :
est-ce-que les manuels d'histoire et de géographie dans leur état actuel,
contribuent à atteindre les finalités explicites et implicites de la réforme du
29 juillet 1991 ?
La réponse à cette question suppose de rappeler
certaines finalités et certains objectifs mentionnés dans la loi du 29 juillet
1991, et les objectifs mentionnés dans le fascicule des programmes d'histoire
et de géographie des collèges et des lycées.
La loi du 29 juillet 1991 relative au système éducatif
a signifié dans son premier chapitre intitulé Principes de base que
" le système éducatif a pour objectifs de consolider chez l'élève la
conscience de l'identité nationale tunisienne, de développer le sens civique et
le sentiment de l'appartenance à la civilisation nationale, maghrébine, arabe
et islamique… et d'élever les jeunes générations sur l’échelle de la fidélité à
la Tunisie et de la loyauté à son égard … et de préparer les jeunes à une vie dans laquelle il n'y a
de place à aucune forme de discrimination ou de ségrégation".
Le système
éducatif vise également à promouvoir la personnalité des jeunes, à
développer leurs potentialités, à offrir aux élèves le droit à l'édification de
leur personnalité et les aider à accéder par eux-mêmes à la maturité, de sorte
qu'ils soient élevés dans les valeurs de la tolérance et de la modération, à
favoriser l'acquisition de l'esprit critique et la volonté efficiente."[3]
Les objectifs
de l'enseignement de l'histoire découlent de ces principes de base. En effet
nous lisons dans le fascicule des programmes que "l'histoire
vise à former le citoyen tunisien enraciné dans sa réalité tunisienne,
conscient de son appartenance arabo-islamique, ouvert aux différentes
civilisations, tolérant et attaché à la liberté, à l'objectivité et à l'amour
de la vérité…" L'enseignement historique vise à "développer
chez l'élève les compétences d'analyse, de déduction, de synthèse, d'auto-apprentissage
et de critique scientifique, et
d'acquérir l'esprit historique"[4].
Nous remarquons
en analysant ces objectifs que nous avons délibérément choisis de
les rassembler en deux groupes.
Le premier
groupe annonce un ensemble de valeurs et de principes qui représentent le
modèle sociétal que l'école cherche à développer, modèle qui fait partie des choix de l'Etat et
définit le profil du bon citoyen capable de s'intégrer dans sa société.
Le deuxième groupe rassemble les compétences capables de rendre
l'apprenant autonome grâce à l'acquisition d'un nombre de savoirs spécifiques à
la connaissance historique ou à la connaissance géographique, comme la capacité
d'observation, d'analyse et de critique. En somme, il s'agit de capacités qui
permettent à l'élève d'auto-reconstruire le savoir historique et le savoir
géographique.
Il faut maintenant se demander dans quelle mesure les
contenus des manuels d'histoire et de géographie contribuent à atteindre ces
objectifs explicites ? Pour répondre à cette question, nous passons par
l'analyse de ces contenus.
Ici, nous
faisons la distinction entre les
manuels de l'enseignement secondaire et
ceux destinés aux élèves du primaire.
II- les manuels d'histoire
et de géographie de l'enseignement secondaire.
Les leçons des manuels d'histoire et de géographie
actuels dans l'enseignement secondaire se composent de deux parties :
Une première partie est
constituée par le texte produit par le
ou les auteurs du manuel.
Il s'agit généralement d'un texte complet et structuré selon un plan qui essaye
d'être adapté au niveau de l'élève. Cette partie propose un ensemble de
connaissances et de savoirs qui prennent généralement la forme de vérités
établies, comme par exemple la production de céréales en Tunisie et sa répartition
géographique, ou encore les causes des guerres puniques et leurs étapes.
Nous avons dit que les connaissances et les savoirs sont présentés comme des données
toutes faites que l'élève
devrait mémoriser pour les reproduire en
cas de besoin, lors d'un test, sous la
forme dans laquelle ils lui ont été présentés. Il n'est pas question de
présenter les étapes des guerres
puniques selon un schéma différent de celui choisi par l'auteur du manuel, de même qu'il
n'est pas question de parler de la production céréalière en Tunisie autrement
que selon le point de vue de l'auteur du
manuel.
Ainsi, cette première partie traduit un mode
d'enseignement basé sur la mémorisation et la reproduction des connaissances et
des informations. C'est un mode qui impose également à l'apprenant un schéma de
pensée qui a été choisi et fixé par d'autres que lui.
La deuxième
partie de la leçon est constituée de documents ou de ce qu'on a pris l'habitude d'appeler les
supports pédagogiques, c'est-à-dire
les documents divers tels que la carte, les images et les graphiques, les
statistiques, les textes historiques, et bien d'autres, c'est-à-dire tout ce
qui représente les outils de l'historien ou du géographe. La présence de ces
documents explique l'intention d'initier l'élève aux mécanismes de la
connaissance (la méthodologie) géographique ou la connaissance historique,
puisque ces documents sont la matière première que l'historien ou le géographe
utilise pour construire son discours. Or ce discours peut différer d'un historien
à l'autre, bien qu'il s'appuie sur la même matière première. En outre la
découverte de nouveaux documents peut changer complètement le discours
historique.
De ce point de
vue, nous saisissons l'importance et la valeur
de cette deuxième composante de la leçon et son rôle dans l'atteinte des
objectifs du second groupe auquel nous faisions référence au début de notre
intervention (accéder à la maturité, l'autonomie, la libération de l'apprenant,
acquisition de l'esprit critique, etc).
Or, cette partie
est souvent négligée par les auteurs des manuels. Nous relevons comme
preuve les trois indices suivants :
- D'abord,
l'espace limité occupé par cette partie. De nombreuses études, qui ont traité
des manuels d'histoire et de géographie depuis la première génération de
manuels jusqu'aux derniers manuels parus
l'année passée, ont montré que la partie consacrée aux documents ne
représente généralement qu'un faible pourcentage des pages de chaque leçon, à
quelques exceptions près, malgré l'insistance des professeurs sur la nécessité
de développer cette partie et malgré les recommandations du cahier des charges
qui soulignent que cette partie (les documents) doit constituer la composante
essentielle du manuel.
- Deuxièmement, nous constatons une indigence au niveau de la conception de cette partie. En effet, les supports
pédagogiques ne sont pas conçus d'une manière qui favoriserait le développement
des compétences de l'élève et l'auto-apprentissage. Certains documents sont là
juste pour combler les blancs et la plupart d'entre eux ne sont pas accompagnés
de questions qui pourraient guider l'élève et l'aider à re-construire le savoir
en suivant, par exemple, la méthodologie de l'historien, c'est-à-dire en
commençant par définir la problématique, puis présenter une ou des hypothèses,
et puis rechercher des indices dans les documents afin de valider son hypothèse ou l'invalider et chercher une nouvelle hypothèse.
Troisièmement, on note
l'absence de relation organique entre le texte de l'auteur et les documents. Dans la plupart des cas, on note qu'il n'y a pas de
relation et d'interaction claires entre les deux parties. Dans certains
manuels, les auteurs placent les documents à la fin de la leçon, ce qui traduit
une attitude de l'auteur pour qui le
plus important c'est le texte qui occupe
les premières pages, les documents, dans ce cas, ne sont que des compléments et
non pas une partie de la leçon, et on
peut s'en passer.
Certains autres
auteurs ont fusionné les documents avec le texte, dans l'intention de l'aérer,
mais même dans ce cas le statut des documents a peu changé, car si nous les
supprimons, la structure et la valeur de la leçon ne seront pas affectées,
mais si nous faisons l'inverse,
c'est-à-dire si nous supprimons le texte de l'auteur et ne laissons que les documents, alors le
manuel devient illisible et sans aucune
utilité pour l'élève et pour
l'enseignant.
Nous arrivons maintenant
à notre questionnement qui cherche à savoir dans quelle mesure les manuels
d'histoire et de géographie actuels de
l'enseignement secondaire répondent-ils aux objectifs que nous avons évoqués au
début de notre intervention.
À ce propos, nous pouvons dire que les manuels de
l'enseignement secondaire dans leur forme actuelle n'aident pas l'élève à
"accéder à la maturité", ni à acquérir une pensée critique, et ceci
pour les raisons suivantes :
La première
raison c'est que la première
partie de la leçon, c'est-à-dire
celle produite par l'auteur, qui
constitue l'essentiel de la leçon, entrave la formation du mécanisme de la
pensée historique et géographique parce qu'elle présente des connaissances
toutes faites que l'élève oublie très vite après le test ou le devoir.
La deuxième raison, c'est que cette première partie de la leçon
paralyse les facultés de réflexion de l'apprenant car elle propose des
solutions toutes faites et un discours figé qui peut acquérir un caractère
sacré dans bien des cas, ce qui est totalement incompatible avec la pensée
historique.
La troisième raison c'est que le
manuel dans sa conception actuelle développe
un modèle éducatif basé sur l'enseignement et n'aide guère à l'apprentissage.
Ainsi les manuels actuels d'histoire et de géographie
de l'enseignement secondaire sont plutôt des outils pour enseigner, et non des
outils pour apprendre.
Les manuels d'histoire et de
géographie pour l'enseignement primaire
Ce que j'ai dit
à propos des manuels d'histoire et de géographie dans l'enseignement secondaire
ne s'applique pas à ceux destinés aux élèves de l'école primaire. Les nouveaux
manuels destinés aux élèves des écoles primaires ont été élaborés selon une
conception complètement différente. Pour présenter ce changement, nous allons
prendre deux exemples : le manuel d'histoire de la cinquième année[5]
et le manuel de géographie de la sixième année[6].
Les deux manuels ont été conçus selon la même
approche, où les différentes leçons ne sont qu'un ensemble d'activités à partir
de documents divers, et l'élève est
guidé pour les exploiter. Le texte de l'auteur qui est prédominant dans
le manuel du secondaire est absent dans les deux manuels du primaire.
Les deux manuels
traduisent un changement important dans la conception du manuel
scolaire, puisque les anciens manuels étaient conçus à l'image des manuels du
secondaire.
Nous pourrons
illustrer ce changement à travers
nos deux exemples (le manuel d'histoire
de 5ème et le manuel de géographie de 6ème). Pour
cela nous avons choisi de comparer la même leçon traitée par l'ancien et le
nouveau manuel.
L'ancien manuel de 5ème a présenté la leçon sur les
premiers habitants de l'Afrique du Nord "les Amazighs", sous la forme
d'un texte de 4 pages produit par les auteurs, accompagné de deux photos et
d'un texte.
Dans le manuel actuel, la même leçon à peu près
"les premiers habitants de la Tunisie", nous ne trouvons pas un texte
élaboré par les auteurs mais un ensemble d'activités qui appellent l'élève à
manipuler divers documents tels que le texte historique, la carte, une stèle
etc. L'élève est guidé par des questions pour reconstruire un savoir historique.
Nous retrouvons
dans le manuel de géographie de 6ème la même approche. Si nous prenons, par
exemple, la leçon sur l'industrie en
Tunisie, nous trouvons dans l'ancien
manuel une leçon présentée sous la forme d'un texte bien structuré accompagné
de cartes, la leçon se termine par des questions d'évaluation ; alors que dans
le manuel actuel le texte d'auteur a disparu, la leçon est un ensemble
d'activités qui commencent par l'observation
d'un document et suivie par une lecture du document pour extraire des
informations par l'élève qui est guidé par des questions.
Ce changement dans la conception du manuel de l'école
primaire a permis de changer le statut du manuel, qui est passé d'un moyen d'enseignement à un outil
d'apprentissage, et il est le résultat d'une évolution d'un modèle pédagogique
axé sur la présentation de savoir sous
la forme de résumés longs et organisés vers un modèle axé sur le savoir-faire
qui vise à initier l'élève à la production du savoir par lui-même.
Ce changement est certainement une bonne chose. Reste
à se demander si cela a permis de donner à l'élève une formation différente de
la formation qui était dispensée par les manuels précédents. C'est une bonne
question, mais je ne peux pas y répondre aujourd'hui car cela nécessite une
étude plus approfondie qui s'intéresse à l'évaluation de l'outil et de son
usage en classe.
La deuxième partie : la
question de l'utilisation du manuel.
Cette deuxième
partie part d'une idée très répandue sur l'utilisation du manuel dans
l'enseignement primaire et secondaire
qui dit que le manuel est mal
utilisé et sous exploité.
Pour étudier
cette question, nous allons nous limiter à l'enseignement secondaire, car notre
étude de la réalité de l'utilisation du manuel scolaire à l'école primaire
n'est pas encore terminée. Nous préférons donc ne pas présenter, maintenant,
les résultats d'une recherche qui est encore en cours.
Le manuel d'histoire et de géographie dans
l'enseignement secondaire est un outil destiné à la fois à l'élève et à
l'enseignant[7], et il
est utilisé aussi bien par l'enseignant que par l'apprenant. C'est là l'une des
raisons qui expliquent la mauvaise utilisation du manuel, car comment le
même outil pédagogique peut-il répondre
aux attentes de deux publics différents, à savoir les enseignants et les élèves
?
Pour l'enseignant, toutes les observations de terrain
et les enquêtes[8]
confirment que le manuel représente la référence principale lors de la
préparation des cours, et il devient
l'unique référence pour un grand nombre d'enseignants, au point qu'il se substitue au programme
officiel à chaque étape de la préparation de la leçon. (le choix du titre de la leçon, du plan et
du contenu).
Et
contrairement à ce que les professeurs ont déclaré lors des enquêtes réalisées
par de nombreux chercheurs au sujet des manuels, nous avons relevé lors
de nos visites d'inspection que l'enseignant conserve le plan
du manuel et se suffit de résumer
les paragraphes de la leçon qu'il dicte
à ses élèves. (dans l'enquête citée plus haut, 88% des professeurs ont déclaré
qu'ils reprennent le plan du manuel
quelques fois, et 76% le font rarement).
Toujours selon
la même enquête, à la question relatives aux raisons qui expliquent le fait de
se limiter au manuel lors de la
préparation des cours, les
enquêtés ont évoqué les trois raisons
suivantes :
- 1 : ils
ne disposent pas d'autres ressources et n'ont pas les moyens d'en acheter;
- 2 : le
grand nombre de niveaux qu'ils ont en charge.
- 3 : un quart seulement des enquêtés justifient leur utilisation du manuel par la
qualité de ses leçons.
Cet usage a fait que la manuel est passé du statut
d'aide et de soutien qui propose à l'enseignant une lecture (parmi bien
d'autres lectures) du programme au statut du détenteur du savoir qui devait
être donné aux élèves tel qu'il est sans
plus ni moins. Il nous est arrivé, plusieurs fois, de voir lors de nos visites
d'inspection, le professeur déborder l'horaire imparti à une leçon par le
programme officiel pour la simple raison
qu'il tenait à traiter tous les paragraphes et les parties du manuel et combien de fois
l'enseignant a-t-il essayé de justifier ses erreurs pédagogiques en se référant
au manuel scolaire ? Ainsi au cours des dernières semaines, par exemple,
il m'est arrivé d'assister à une leçon de géographie en première année sur les
eaux maritimes et terrestres. Lors de la discussion avec l'enseignant, je lui
ai fait remarquer qu'il avait omis de parler des eaux sous-terraines qui jouent
un rôle très important dans notre pays ; et comme justification, le professeur
m'a expliqué que le manuel officiel n'en a pas parlé (et c'était vrai).
Nous pouvons donner des dizaines d'exemples
similaires. Or la raison principale à ces dérives est la forte dépendance vis à
vis du manuel, de sorte que le professeur est
devenu esclave du manuel. Pourtant
plus de 50% des enseignants expriment leur insatisfaction quant aux
contenus et aux approches des manuels.
L'aggravation
de la dépendance vis-à-vis du
manuel et de sa simple paraphrase explique l'introduction d'un nouvel article dans les directives
officielles pour l'enseignement de l'histoire et de la géographie[9]
depuis la rentrée 1993-1994 dédié à
l'utilisation du manuel scolaire ( les anciennes directives n'ont pas traité la
question). Le nouvel article rappelle que le manuel scolaire dans sa forme
actuelle est un moyen pédagogique destiné à l'enseignant et à l'élève. Ce n'est
qu’une ressource parmi d'autres qui peut être utilisée pour la préparation du
cours par le professeur, à condition de ne pas trop s'y limiter. Cette dernière
remarque est une tentative de réduire la dépendance excessive du professeur
vis-à-vis du manuel.
Ainsi, le manuel occupe actuellement une place centrale pour l'enseignant qui a
choisi de se limiter à ce qu'il lui propose et renoncer à la créativité pour se
contenter de le paraphraser. Ainsi les leçons sont-elles devenues semblables
quelques soient l'enseignant et la région, et nous assistons malheureusement à
un nivellement par le bas.
C'est une situation très dangereuse, surtout dans un
système qui a choisi le manuel officiel unique qui impose une conception et une
lecture particulière, qui peut ne pas être la meilleure, parce que nous savons
qu'il n'y a pas de manuel parfait. Or, la multiplication des manuels donne à
l'enseignant au moins la possibilité de comparaison et de sélection et
contribue à la diversification et à l'enrichissement.
Ainsi, Nous
pouvons dire que le manuel est largement exploité par l'enseignant lors de la
préparation de ses leçons.
Quant à l'élève, la situation est complètement
différente. Nous avons constaté que le manuel est sous utilisé quantitativement
et qualitativement. Nos visites d'inspection et les enquêtes que nous avons
signalées plus haut ont montré que les enseignants chargent les élèves d'un travail
à domicile à partir du manuel (100% des enseignants l'affirment et 98% des
élèves le confirment). Ces pourcentages
ne laissent aucun doute quant à l'utilisation du manuel par l'élève sur la
recommandation de son enseignant, mais quand on essaie de voir un peu quels
sont les travaux dont il est chargé, nous serons amenés à modifier
notre position sur cet usage, car ces travaux ne dépassent pas la reproduction de cartes et de graphiques (70% des travaux)
ou la lecture de textes (20% des travaux) et le résumé de la leçon (10% des
travaux). Or, ces travaux et notamment la reproduction des cartes et des
graphes, n'ont aucun caractère formateur. D'ailleurs les élèves l'ont très vite
compris et ils ont eu recours au photocopieur, malgré la colère de l'enseignant
et son refus.
C'est ce que
nous entendons par une sous utilisation qualitative du manuel par l'élève sous
la direction de son professeur, puisque bien d'autres éléments de la leçon sont
négligés. L'élève ne revient pas à son manuel car il n'y voit aucune utilité,
puisque son cahier contient la même chose.
Cet état des
choses est une conséquence directe de la dépendance excessive de l'enseignant
vis-à-vis du manuel, et par conséquent
cela à entrainé une désaffection de l'élève qui ne cherche plus à acheter le
manuel et quand il le fait il ne l'amène pas avec lui en classe, sachant qu'il
n'en aurait guère besoin.
Ainsi, nous avons essayé de mettre en évidence la
mauvaise utilisation du manuel par l'élève et par l'enseignant, mais nous
voulons clôturer cette partie en évoquant les obstacles les plus importants qui
entravent la bonne utilisation du manuel, et nous nous limitons à deux
obstacles majeurs à mon avis.
Le premier est
la forme actuelle du manuel qui n'aide pas à l'utiliser autrement. C'est pourquoi les enseignants demandent de
remplacer les manuels actuels par un manuel spécial pour le professeur sous la
forme d'un guide et un autre pour l'élève qui ne comprend que des documents.
Quant au second, il est en rapport avec l'absence d'initiation
de l'élève à l'utilisation du manuel. Le manuel est un outil avec beaucoup de
symboles, et sa structure obéit à une certaine logique. Son utilisation par
l'élève n'est, ni évidente ni aisée, elle nécessite un entrainement et un
savoir-faire spécifique qui s'acquiert, comme savoir-lire et utiliser l'index, faire
la différence entre le texte construit par l'auteur ou les auteurs et ce qui fait partie des documents, savoir
exploiter un document… sans quoi l'élève ne peut pas faire bon usage de son manuel.[10]
Mongi Akrout, Inspecteur
principal d'histoire et de géographie
Revue tunisienne des
sciences de l'éducation N°22 -1994
Traduit par Mongi
Akrout& Abdessalam Bouzid, inspecteurs généraux à la retraite.
Pour accéder à la version
FR. Cliquez ICI
[1]
Le manuel scolaire et le
système éducatif. Tunis 25-30 mars 1985.
[2]
Hajji Moncef. Le mot d'ouverture du colloque .opt.cit
[3] La loi n° 91-65 du 29 juillet 1991 relative au système éducatif.
[4] Les programmes d'histoire et de géographie – mars 1993. Chapitre des objectifs – Ministère de l'éducation et des sciences, direction générale des programmes et de la formation continue.
[5]Le nouveau livre d'histoire de 5ème et l'ancien livre.
[6]
Le nouveau livre de géographie de 6ème et l'ancien livre.
[7]
Les recommandations
officielles relatives à l'enseignement de l'histoire et de la géographie, la
direction générale des programmes et de la formation continue.1992-1993
[8] Selon une enquête réalisée par l'inspecteur Farid Ben Slimane en 1984 auprès de 75 professeurs d'histoire et de géographie 100% utilisent le manuel scolaire officiel.
[9] Opt.cit
[10]
Pratiquer la géographie au
collège. A.Colin. 213pages G.Hugonie( 1992) :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire