dimanche 1 octobre 2023

Docteur Ali Zouari : Une lampe aux portes des remparts de la Médina

 



J'ai souhaité inaugurer cette nouvelle saison par un hommage à mon premier professeur d'histoire que j'ai eu en 1er année secondaire, c'était au cours de l'année scolaire 1962/1963 à l'annexe du lycée de garçons de Sfax situé près de la municipalité (occupé aujourd'hui par le collège Habib Bourguiba).  


Ce professeur, c'était M.Ali Zouari qui n'est pas resté au poste très longtemps puisque, rapidement, il a quitté l'enseignement pour d'autres horizons où il a brillé en consacrant sa vie à sa ville natale Sfax et à son histoire. Sa thèse de doctorat portait sur « Les relations commerciales entre Sfax et le Levant aux XVIIIème et XIXème siècles », en plus d'autres écrits sur sa ville.

Il y a quelque temps, j'ai eu la chance de tomber sur un article qui lui est consacré, publié en 2022 par Monsieur Ridha Kallel,  l'historien , l'écrivain et le journaliste   qui a eu l'amabilité et la gentillesse de m'accorder la permission de publier son article dans le blog. Qu'il en soit vivement remercié. 

 

 

   « Docteur Ali Zouari est né à Sakit Eddayer (banlieue de Sfax). Il a fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale, puis il a rejoint l'école normale supérieure de Tunis pour préparer la licence d'histoire, après avoir été détourné par Chedly Klibi, de la littérature arabe à l'histoire.

Une fois diplômé de l'ENS, il a travaillé à Sfax comme professeur d'histoire, après quoi il a rejoint l'équipe de Mohamed Masmoudi et de Chedly Klibi lors de la création du musée régional des Arts et Traditions Populaires (Dar Jallouli). Il a également travaillé à Radio Sfax à l'époque de Abdelaziz Achich, directeur de Radio Sfax et président du Comité Culturel, qui l'a choisi pour diriger l'Association du Progrès Théâtral. Lors d'une représentation à laquelle assistait le président Bourguiba au théâtre municipal de Sfax, il l'appela et lui parla avec beaucoup de paternalisme et de tact, et l'invita à son palais présidentiel, Kasr al-Hana' à Bishka (situé à Menzel Chaker). Lors de ses promenades privées, le président demandait aux responsables régionaux d'amener Ali Zouari avec eux.» Depuis cette date, Si Ali gardait ce beau souvenir sur la personnalité exceptionnelle du président Bourguiba.

 

Son travail à l'Institut national du patrimoine l'a amené à se rendre à plusieurs reprises en France pour se spécialiser en histoire moderne, puis en Égypte à plusieurs reprises, notamment au Caire et à Alexandrie, sur les traces de la présence sfaxienne qui remonte au XVème siècle. Ali Zouari est le premier sfaxien à connaître les documents tuniso-sfaxiens dans la capitale fatimide.

Ainsi, toute sa vie, si Ali a travaillé à Sfax, pénétrant dans ses monuments et ses quartiers, ses ruelles étroites, ses «ghorfas» et ses caves. Il a gardé l'ABC de la médina comme si c'était son premier et dernier amour. Sa relation avec elle s'étend du cœur jusqu'aux profondeurs de la langue française et de la langue arabe, dans lesquelles il écrit avec aisance.

 

Son cœur, sa langue, son âme et son esprit sont dans la Médina

Je suis toujours heureux de m'asseoir avec Dr Ali Zouari et de lui parler par téléphone toutes les fois que cela était possible, et chaque fois que je sens que les détails de la Médina coulent encore dans ses veines et que la nostalgie l'attache à elle.  Sfax n'est-elle pas la ville qui est présente dans tous ses livres ? La quasi-totalité de ses livres sont consacrés à Sfax, dans lesquels il immortalise sa relation privilégiée avec elle et son élan de nostalgie pour elle. La ville, chargée du parfum de l'histoire et marquée des empreintes de la civilisation, n'a jamais cessé de se coller à ses doigts et à ses pensées. Chaque fois qu'il voulait écrire, la ville monopolisait tous ses sentiments et lui faisait perdre l'envie de s'en éloigner, car il ne voyageait que rarement. Je me souviens qu'il a accompagné M. Ahmed Belasouad, le maire de Sfax, à sa demande, au Royaume d'Arabie saoudite en 1981 où Il a donné une conférence à Médine sur "l'état de la ville arabo-islamique de Sfax et de son expansion commerciale et industrielle".

Le souvenir de la médina n'a pas quitté Dr Ali Zaouri et continue à le hanter à ce jour. Dr Zouari n’a jamais cessé d'exprimer son amour chronique pour elle.  Aujourd'hui, y retourner l'inquiète et il craint d'y entrer quand il la voit investie par des démons et des fantômes, et même des voleurs et des gangs pendant plus d'une décennie. Selon Al-Jahiz dans son livre "Al bayen wa attabyin", "Le meilleur discours est celui dont le peu vous épargne les longues paroles et dont le sens est dans la signification apparente de sa formulation."

 Aujourd'hui, les blessures du Dr Ali Zaouri, me semblent n'avoir pas de limites, surtout que l'ancienne ville (la Médina) est tombée si bas et devient le théâtre d'une terrible dégradation. Il se sent comme un grand exilé et porte sur son visage les stigmates de la tristesse et de la fatigue. Sa physionomie illustre parfaitement ce vers du célèbre Nizar Qabbani qui dit en s’adressant à sa bienaimée : Pardonne-moi si j'ai l'air triste, le visage de l'amant est un visage triste."

La réalité tragique de la ville historique de Sfax (et de la ville moderne, Bab Bhar) pèse incontestablement sur son cœur - et sur les nôtres - comme des murs de plomb. Son cœur est rendu malade par l'état de la ville. Ses chagrins sont aussi longs que les épis de blé. N'est-il pas vrai que Sfax n'est plus Sfax, ni ce qu'elle était... et nous ne sommes plus ses habitants ?

Sfax...un amour qui a possédé Dr Ali Zouari toute sa vie !

Dr Ali Zouari, il suffit de citer son nom, car c'est un historien unique et créatif, auteur d'un message, qui ne ressemble qu'à lui-même. La ville et ses habitants lui ont rendu son amour. Cependant, les institutions universitaires, scientifiques, culturelles, les médias et les associations l'ont boudé, elles n'étaient pas équitables vis-à-vis de cette personnalité. La place "Rahbet Errmed" (la place des cendres) située au cœur de la Médina pourrait être baptisée "la place Ali Zaouri, ainsi elle portera son nom de son vivant... et l'un des amphis de l'université pourrait porter son nom pendant qu'il est encore parmi nous - que Dieu le garde en bonne santé et dans bonheur, comme disent les sages. La bibliothèque de Dar al-Jallouli pourrait porter son nom... et on pourrait inscrire son nom en haut de l'une des deux portes de l'entrée sud de la ville, comme ce fut le cas du nom de Sadok Jallouli sur la porte de "Bab Al-Jebli. Ainsi il restera comme une lampe aux portes des murailles de la Medina.

Qui d'entre nous, aujourd'hui, ne regrette pas le paradis perdu, et qui d'entre nous n'est pas submergé par une immense nostalgie d'une ville inoubliable ; qui, parmi nous, n'est pas troublé par une inquiétude envahissante devant les malheurs de Sfax et le tarissement de ses rêves irréalisables ?

En conclusion, combien j'ai souhaité que le Dr. Ali Zouari écrive sa biographie. Mais puisque cela ne s'est pas produit, ce premier article pourrait-il être une invitation à réfléchir sur ce que nous savons de lui ?

Ridha Kallel, Historien, écrivain, journaliste.

Sfax 14/12/2022

https://www.histoiredesfax.com/2022149%84/

Traduction Mongi Akrout & Abdessalem Bouzid, Inspecteurs généraux de l'éducation

POUR ACCEDER A LA VERSION ARABE, CLIQUER ICI

L'œuvre   du Docteur Ali Zouari

Zouari Ali - Les relations commerciales entre Sfax et le Levant aux XVIIIe et XIXe siècles / [S.l.] : Institut national d'archéologie et d'art , 1990

Zouari Ali - Sfax au XVIIIème et XIXème siècles : chronique d'une ville méditerranéenne / 1 édition / Tunis : Centre de Publication Universitaire , 2016.

  Zouari Ali. Deux documents d'archives relatifs au commerce de Djerba et de Sfax avec l'Egypte au début du XIXe siècle. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, n°39, 1985. Les Ottomans en Méditterranée - Navigation, diplomatie, commerce. pp. 189-199.

La dynamique économique à Sfax entre le passé et le présent : 1er colloque international, 28-30 novembre 1991 / sous la direction de Ali Zouari, Riadh Zghal, Faouzi Mahfoudh / Sfax : A.S.M.S., Association de Sauvegarde de la Médina de Sfax , 1993.

 

Ali Zouari et Youssef Charfi Moojam Alkalimat w Attakalid Alchaabia  Bi Sfax (Lexique du vocabulaire et des traditions populaires de Sfax)-   Edition Mohamed Ali Hammi, 2017, 704 pages.

 

 

 



 

1 commentaire:

  1. Merci pour la vulgarisation de l'oeuvre de cet éminent professeur sfaxien

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