"Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi" – Gandhi
En général, selon la littérature des sciences de l'éducation, la pédagogie
désigne l'ensemble des méthodes, moyens et techniques d'enseignement et
d'apprentissage visant à transmettre ou à aider l'apprenant à intérioriser les
connaissances, compétences et expériences dans les meilleures conditions
possibles, en utilisant les théories et principes de l'apprentissage ainsi que
les résultats des recherches en éducation.
Les pédagogies modernes se réfèrent
aux approches pédagogiques reconnues mondialement, issues des philosophies
éducatives modernes et contemporaines et développées par des études et
recherches théoriques et pratiques dans le domaine des sciences humaines en
général et des sciences de l'éducation en particulier. Parmi les principales
approches figurent : la pédagogie par objectifs, la pédagogie par compétences,
la pédagogie de projet, la pédagogie différenciée, la pédagogie de l'erreur, la
pédagogie par le jeu, et la pédagogie cognitive.
Cette étude ne s’intéresse pas aux
détails des approches pédagogiques mentionnées ni sur les philosophies
éducatives qui les ont engendrées. Il ne s'agit pas ici de fournir des
informations facilement accessibles sur Internet en tapant simplement le titre
de l'une d'entre elles dans un moteur de recherche comme Google. Nous nous
limitons à rappeler que chaque approche pédagogique repose sur une philosophie
spécifique défendant ses idées et ses principes fondamentaux en éducation,
affirmant être la seule capable d'assurer la meilleure éducation possible pour
l'homme dans la société. Ces approches diffèrent selon des points essentiels
tels que leur vision de la vie, leur conception de l'éducation et ses finalités,
la priorité donnée à l'individu ou à la société, leur focalisation sur
l'enseignant, ou sur l'apprenant ou sur la connaissance, et les méthodes qu'elles
considèrent comme étant les plus appropriées pour atteindre leurs objectifs
éducatifs. Cependant, quelles que soient leurs divergences, elles partagent le
fait d'être le reflet de leur cadre civilisationnel et de l'expérience
historique des sociétés qui les ont vues naître.
L'objectif de cette étude est triple :
1.
Clarifier le
cadre civilisationnel dans lequel les pédagogies modernes ont émergé et offrir
une lecture globale reliant notre sujet à des questions plus larges concernant
les sociétés qui n'ont pas produit ces pédagogies.
2.
Identifier les
principaux obstacles à l'application des pédagogies modernes dans le contexte
éducatif tunisien actuel.
3.
Mettre en
lumière certaines pratiques de terrain visant à surmonter ces obstacles et à
fonder une vision alternative à celles, souvent traditionnelles ou fatalistes,
prévalant actuellement.[1]
Les pédagogies modernes ont vu le
jour dans le contexte de la modernité et reflètent l'une des manifestations de
la rationalisation qui a touché divers aspects de la vie sociale, notamment
l'économie, l'administration, l'armée et l'éducation[2].
Cela s'est produit dans les sociétés d'Europe occidentale avant de se diffuser progressivement, de
manière inégale, dans le reste du monde.
Les pédagogies modernes, avec leurs apports variés, sont le fruit des
philosophies éducatives contemporaines telles que le positivisme, le pragmatisme,
le constructivisme et le socioconstructivisme. Elles représentent des réponses
diverses aux besoins des sociétés où elles ont vu le jour, tout en constituant
des formes de confrontation avec les pédagogies traditionnelles encore
influentes.
Le chercheur marocain Mustapha Idmouled souligne que les pédagogies
modernes et les innovations éducatives à l'échelle mondiale peuvent être
considérées comme des extensions culturelles des productions du centre
industriel. En ce qui concerne les sciences de l'éducation, elles font partie
des sciences humaines les plus exposées à l'intervention des organisations internationales
(UNESCO, UNICEF, Banque mondiale, FMI, etc.). Ces organisations ne cessent de
"proposer" aux pays "en développement" des innovations
éducatives successives... (Idmouled, 2010).
Ainsi, la question fondamentale qui se pose et qui exige réflexion et
recherche est la suivante : comment appliquer des pédagogies modernes,
mondialement reconnues mais issues de longues évolutions historiques et sociologiques
dans des sociétés qualifiées aujourd'hui de "postmodernes" et
"postcapitalistes", dans d'autres sociétés à des conditions
économiques, sociales et culturelles différentes ? En d'autres termes, comment
mettre en œuvre des pédagogies modernes issues des sociétés les plus avancées
dans le processus de modernisation dans des sociétés moins modernisées où
coexistent des modes de production et des modes de vie issus d'époques diverses
?[3]
Pour comprendre les difficultés rencontrées par l'enseignant dans l'application
des pédagogies modernes dans le contexte tunisien, et l'aider à les surmonter,
il est utile de rappeler les différences structurelles qui distinguent nos
sociétés de celles des pays occidentaux. Selon de nombreuses études
sociologiques, les sociétés occidentales ont produit la modernité comme un
système global et sont entrées dans la phase "postmodernité" comme
résultat de leur dynamique interne et de leur histoire propre, tout en
exploitant de manière croissante les autres sociétés. Ce sont des sociétés
technologiquement avancées, culturellement marquées par la pensée rationnelle,
politiquement démocratiques et qui utilisent les résultats des recherches
scientifiques dans divers domaines, y compris les sciences de l'éducation. Cela
leur permet de bénéficier des pédagogies modernes.
Quant à nos sociétés, dites "sociétés périphériques", comme la
société tunisienne, elles sont technologiquement moins avancées, culturellement
à mi-chemin entre tradition et modernité, économiquement dépendantes des pays du centre industrialisé, et politiquement en
quête d'une démocratie encore fragile. Scientifiquement, elles vivent une
dépendance croissante et font face à de nombreuses difficultés qui entravent
leur capacité à produire les connaissances nécessaires et à tirer parti des
apports des sciences humaines et sociales ainsi que des pédagogies modernes et
de leurs applications éducatives.
Les recherches éducatives sur les résultats de l'application des pédagogies
modernes en Tunisie révèlent un fossé important et croissant entre les
ambitions et les objectifs affichés dans les documents officiels, d'une part,
et les résultats observés sur le terrain éducatif tunisien, d'autre part.
D'après une étude précédente que nous avons menée sur les attitudes des
enseignants envers les innovations pédagogiques en Tunisie, notamment dans le
cadre de la réalisation de projet, nous avons constaté que la majorité des
enseignants concernés par l'étude valorisaient l'importance de l'application
des pédagogies modernes (Chikh Zaouli, 2015). Nous avons relevé ce qui
pourrait être qualifié d'adoption "théorique" ou "verbale"
de ces pédagogies, probablement motivée par le simple désir d'apparaître
moderne et à la page, ou peut-être parce qu'elles reflètent des principes
généraux et idéaux difficilement contestables.
Dans ce cas, cela ressemble à l'attitude d'une personne envers des valeurs universelles et absolues telles que la liberté, la justice ou la tolérance, des valeurs rarement remises en question mais dont la mise en pratique est sans cesse reportée. Beaucoup parlent de "changement global" et de réformes capables de résoudre les problèmes éducatifs et en souhaitent la réalisation, mais, en pratique, ils se conforment aux habitudes et traditions éducatives qui les éloignent de l'esprit critique et de la remise en question.
Ils n'entreprennent que rarement des changements, même minimes, dans leurs
pratiques. Ils revendiquent des slogans tels que "changer le système
éducatif", "révolution globale" ou "changer le modèle de
développement", mais restent en attente de conditions idéales pour
s'engager réellement dans ces transformations.
De nombreux pays, tels que Singapour, la Corée du Sud et la Malaisie, qui,
jusqu'au milieu des années 1970, étaient dans une situation socio-économique
comparable à celle de la Tunisie et de la plupart des pays arabes, figurent
aujourd'hui parmi les leaders mondiaux dans divers domaines, y compris
l'éducation. Par exemple, la Corée du Sud, qui, dans les années 1950, recevait
des aides humanitaires en raison des ravages de la guerre et du
sous-développement, dépasse aujourd'hui des pays avancés comme la France dans
plusieurs domaines. La société coréenne valorise ses héritages culturels
traditionnels et adopte une approche fondée sur le principe "de l'imitation
à l'innovation".[4]
Dans le contexte tunisien actuel, plusieurs obstacles empêchent la mise en
œuvre des valeurs, concepts et méthodes des pédagogies modernes, creusant
davantage l'écart entre les intentions déclarées et la réalité vécue. Cela a
engendré une situation marquée par des contradictions à divers niveaux :
théorique/pratique, discours/pratique, élite/public, officiel/social, etc.
Voici quelques exemples d'obstacles identifiés dans notre étude :
- Absence d'enseignants hautement formés et compétents, capables de
surmonter les difficultés d'application et d'adapter les approches
pédagogiques modernes au contexte tunisien.
- Insuffisance ou manque d'équipements, de moyens éducatifs et de
laboratoires.
- Charge horaire scolaire excessive au quotidien et hebdomadaire,
contrastant avec un faible nombre de jours d'étude annuels.
- Programmes scolaires surchargés.
- Faibles compétences générales des élèves en langues et sciences.
- Salles de classe surpeuplées, limitant l'interaction entre enseignants
et élèves.
- Multiplication des innovations pédagogiques, souvent suivies d'un
abandon après leur échec.
- "Imitation aveugle des expériences occidentales" sans
adaptation au contexte tunisien.
- Relations sociales fragmentées à divers niveaux :
enseignant/profession, enseignant/élève, enseignant/parent,
école/environnement.
- Inégalités socio-économiques des élèves, entraînant des préférences pour les enfants de "classes favorisées".
À cela s'ajoute ce que nous avons relevé dans un rapport préparé par des
experts étrangers pour le compte de la Banque mondiale, rapport cité par
l'experte européenne Françoise Cros dans son ouvrage sur "L'enjeu du
projet scolaire en Tunisie". Ce rapport identifie neuf difficultés
structurelles caractéristiques du système éducatif tunisien : La domination
d'une culture élitiste dans la gestion du système éducatif chez les enseignants
et les parents. L'accent mis sur les connaissances plutôt que sur les compétences.
Une prise en compte insuffisante, dans les pratiques pédagogiques, de la
diversité des besoins et des styles d'apprentissage des élèves. Malgré
l'évolution significative de l'intégration des nouvelles technologies de
l'information et de la communication, les ordinateurs n'ont pas permis de
développer une pédagogie axée sur des méthodes flexibles et sur l'application
du principe de différenciation. Une orientation de l'évaluation davantage
sommative, visant la sélection et l'orientation précoce, plutôt qu'une
évaluation formative axée sur le diagnostic, le soutien et la remédeiation.
L'insuffisance de l'enseignement préscolaire . La centralisation excessive de
la gestion, qui ne facilite pas l'introduction d'innovations et de solutions
adaptées au contexte local. Le manque de formation continue pour les formateurs
et les directeurs d'établissements. Les problèmes d'équité et la persistance
des disparités entre l'Est et l'Ouest du pays, entre les zones urbaines et
rurales, et entre les élèves. (Cros, F., 2008)
Il y a aussi le fait que nous ne
pouvons pas séparer les techniques pédagogiques des valeurs qu’elles sous-
tendent c’est pourquoi une action
pédagogique moderne ne peut réussir dans un contexte dominé par des tendances
traditionnelles « négatives » encore largement présentes dans la société. Les
aspects négatifs de l’éducation traditionnelle restent ancrés dans les esprits,
et les valeurs traditionnelles « non fonctionnelles » continuent d’être des
éléments centraux du système culturel, social et institutionnel éducatif.
Les conceptions traditionnelles du
savoir, de l’enseignant et de l’apprenant sont encore fortement présentes dans la culture générale de la société, notamment
parmi une grande partie des enseignants et des parents. Le savoir est perçue comme immuable, fermé, et
extérieur. L’enseignant est vu comme le détenteur exclusif du savoir,
infaillible et autoritaire. Quant à l’élève, il est considéré comme un être
faible, immature et totalement dépendant des adultes. La pédagogie est souvent
dominée par la logique de la récompense et la punition, instillant peur et
avidité chez les élèves. Ces derniers interprètent alors la bienveillance ou
l’approche horizontale de l’enseignant, telles que recommandées par les
pédagogies modernes, comme une faiblesse ou un laxisme. Par conséquent, ils
n’intègrent pas consciemment les valeurs morales attendues, ne les acceptent
pas volontairement, mais les suivent par crainte ou soumission, jusqu’à ce
qu’ils trouvent une opportunité de s’y rebeller.
De plus, les médias contribuent à
diffuser des valeurs consuméristes qui favorisent la satisfaction immédiate des
désirs, confondent liberté et anarchie, et encouragent la dépendance,
l’attentisme, et la recherche de solutions faciles et de gains rapides…
Derrière les concepts, les
techniques, les méthodes et les
approches proposées par les pédagogies modernes se trouve une logique sociale
et un système cohérent d’idées et de valeurs, celui de la modernité. Malgré les
divergences dans les méthodes et les moyens, les pédagogies modernes partagent
une rupture commune avec les épistémologies anciennes et les pédagogies
traditionnelles. Elles rejettent la pédagogie basée sur la récompense et la
punition, l’habitus autoritaire, le paradigme de l’obéissance, la priorité
accordée à l’enseignant sur l’apprenant, ainsi que les pratiques d’exhortation,
de prêche, de mémorisation et de restitution, et toutes les autres pédagogies
traditionnelles qui restent omniprésentes dans la société tunisienne et sont
encore pratiquées par de nombreux enseignants à tous les niveaux d’enseignement
, malgré les textes juridiques qui insistent sur des principes tels que «
l’élève au centre du processus éducatif », « le respect des droits de l’enfant
», et « l’intérêt supérieur de l’enfant », ainsi que sur des normes
internationales de qualité dans le domaine de l’éducation…
Il semble que le système éducatif
tunisien ait toujours été – et reste – plus préoccupé par le respect des normes
internationales de qualité que par la réponse aux besoins de la société et aux capacités
et aux besoins de ses citoyens. Les slogans pompeux se multiplient, et les
discussions sur ce qui devrait être ou ce qui est souhaitable prolifèrent,
tandis que peu d’attention est accordée à la lutte contre les obstacles réels
et à la stimulation des volontés individuelles et collectives pour tirer parti
des apports des pédagogies modernes.
Dans son analyse des raisons de
l’échec des innovations pédagogiques introduites par la réforme éducative de
2002, Mustapha Ennaifer, ancien responsable ministériel impliqué dans les
réformes de 1991 et 2002, s’interrogeait : « Avons-nous assuré une mobilisation
et une compétence suffisantes des acteurs concernés par cette réforme,
notamment en surmontant les lacunes en matière de communication autour de la
réforme, de leur engagement et, surtout, en garantissant l’adhésion, la formation,
la concertation, et le soutien nécessaire aux enseignants ? » (Ennaifer, 2010).
Les approches pédagogiques ont
été réduites à un ensemble de techniques, transformant l’acteur éducatif en un simple « technicien » qui exécute des
directives sans réfléchir à leurs implications. Alternativement, cet acteur
peut se rebeller contre les « nouvelles techniques ». Dans les deux cas, ces
dynamiques renforcent les pratiques éducatives traditionnelles et entraînent
des résultats inattendus, ainsi que des dérives qui aggravent les problèmes de
l’école, rendant ces derniers biens plus complexes qu’ils ne l’étaient avant
l’introduction des pédagogies modernes.
Au cœur de cette réalité en crise, il
est impératif de rompre avec le discours des « perroquets » d’ « experts »
déconnectés des pratiques de terrain, ainsi que des praticiens qui appliquent
mécaniquement les directives ou s’y opposent systématiquement. Une troisième
voie existe, entre l’application aveugle et le rejet obtus. Il est possible de
dépasser les dichotomies classiques : traditionnel/moderne,
théorie/pratique, celui qui sait /celui qui ignore, élite/masse,
scientifique/littéraire, réaliste/idéaliste, ou encore raison/transmission...
Cette voie consiste à fonder une nouvelle culture centrée sur l’humain, issue
de lui-même, une nouvelle culture qui développe une vision pédagogique adaptée aux
spécificités des sociétés postmodernes et à l’ère du savoir, qui offre des
opportunités pour surmonter les obstacles et réduire le fossé grandissant entre
les aspirations et la réalité.
Nous vivons, comme l’ont affirmé de
nombreux chercheurs en sciences de l’éducation, dans une « société pédagogique
», où tout revêt une signification éducative, et où la pédagogie n’est plus
l’apanage de l’école. Les frontières temporelles et spatiales qui limitaient
autrefois l’éducation ont été abolies, rendant la pédagogie omniprésente et
engageant tous les citoyens et décideurs politiques (Dasmat et Portois, 2005 ;
Beillerot, 1982).
Beaucoup oublient que la pédagogie
est une réflexion sur le sens de l’apprentissage et non un simple ensemble de
méthodes et techniques. La « diversité des approches pédagogiques
libère plutôt qu’elle ne contraint, enrichit plutôt qu’elle n’appauvrit.
L’enseignant est invité à choisir judicieusement l’approche adaptée ou à
combiner différentes approches en fonction du niveau de ses élèves et de la
nature de chaque leçon »[5]Cependant,
il est essentiel de rompre avec les conditionnements négatifs des époques
passées, y compris l’ère moderne, pour construire de nouvelles dynamiques en
phase avec l’ère de la connaissance. Cela exige une capacité à exploiter les
opportunités offertes par cette époque et à s’exercer à faire des choix
éclairés.
Dans ce contexte , nous voulons
attirer l’attention sur l’un des obstacles à l’év²olutioàn du système éducatif tunisien,
c’est celui qui ² réside dans le manque de flexibilité face aux apports des
pédagogies modernes, ainsi que dans la survalorisation de certains de leurs
fondateurs, comme Piaget, Wallon ou Bloom, et d’autres dont les théories, bien que
fondamentales, ont été conçues avant l’avènement des technologies numériques et
leurs impacts. Tout en reconnaissant l’importance des cadres théoriques issus
de ces pédagogies modernes, il est légitime d’en examiner les limites et leur
pertinence dans un contexte de « société de l’information » encore naissante,
marquée par l’absence d’une théorie directrice (Imad, Abdel Ghani, 2017, p.
28).
Selon la « connectivisme »[6],
la plus récente des théories de l’apprentissage (2005), le développement des TIC
pourrait transformer nos modes d’apprentissage, nous permettant d’apprendre à
travers toutes les interactions rendues possibles par les réseaux numériques.
Cela requiert de l’enseignant qu’il sache exploiter les opportunités offertes
par le Web, et qu’il forme ses élèves à maîtriser les ressources numériques, à
en extraire des informations pertinentes tout en se prémunissant de leurs
dangers. Dans son ouvrage Changement d’esprit : Comment les technologies
numériques transforment nos cerveaux, la neuroscientifique britannique
Susan Greenfield explore les impacts des technologies numériques sur les modes
de pensée, les compétences cognitives, mais aussi sur le mode de vie, la
culture et les aspirations personnelles.[7]
Le changement sociétal ne résulte pas
uniquement de lois bien conçues, comme le croient les adeptes du positivisme, DE
même que la réforme du système éducatif ne se construit pas uniquement sur les
théories scientifiques et les approches pédagogiques développées par des chercheurs
académiques, comme on le croyait depuis l’ère industrielle avec les approches
techniques et les stratégies politiques et administratives Il se construit également grâce aux expériences personnelles des acteurs
éducatifs et sur leurs écrits relatant leurs pratiques et expériences, même
modestes. Il est temps de passer d’une logique de réforme imposée par le haut,
décidée par les experts et les administrateurs, à une logique qui valorise
l’expérience individuelle des éducateurs, les incite à mener des recherches
pédagogiques et ouvre le débat au public pour une contribution collective.
Dans la culture coréenne, on
considère que « le changement ne se produit pas soudainement », qu’il ne peut
être le fait d’individus isolés, ni se limiter aux grandes structures. Il se
réalise plutôt à travers de petites unités : chaque individu transforme son
espace immédiat (famille, quartier, classe, association). C’est l’accumulation
de ces changements partiels qui engendre un changement global. C’est l’essence
même du processus de transformation, confirmée par les approches
anthropologiques et les évaluations des réformes éducatives dans différents
pays.
[8].
Malgré les dysfonctionnements du
système éducatif tunisien nos études et notre observation directe [9],ont
révélé des initiatives positives, des innovations et des expériences pédagogiques
individuelles ou collectives, souvent motivées par l’enthousiasme personnel ou
la collaboration collective. Ces initiatives traduisent une volonté d’autonomie
et d’action dans leur environnement, traitant les élèves comme des individus et
l’éducation comme une relation humaine et un processus de communication sociale capable de concilier entre l’autonomie
personnelle et l’intégration sociale.
Cela devrait constituer le profil des
éducateurs formés dans des spécialités en lien avec l’espace éducatif, comme la
licence appliquée en sciences de l’éducation lancée en septembre 2016 ou le
master professionnel en sciences de l’éducation prévu pour septembre 2017. Ces
formations doivent être en harmonie avec l’esprit de l’ère du savoir,
exploitant ses caractéristiques et répondant à ses exigences. Cela ne doit
pas attendre que les conditions de travail s’améliorent ou que des réformes
globales soient mises en œuvre, mais elle doit croire en sa capacité à changer les choses, en adoptant le principe du « colibri », qui
s’efforce, malgré sa petite taille, de transporter quelques gouttes d’eau avec
son bec pour contribuer à éteindre l’incendie qui ravage la forêt sans prêter pas attention aux moqueries des autres, animé
par l’enthousiasme de remplir sa part du devoir.[10]
Pour illustrer l’importance de cette
vision que nous défendons et son efficacité sur le terrain, et dans le but de
faire connaître les expériences remarquables dans le domaine éducatif tunisien,
nous évoquons quelques exemples d’initiatives et de tentatives de changement et
d’innovation. Nous avons un besoin urgent de capitaliser toutes les expériences
et initiatives exemplaires, qu’elles soient individuelles ou collectives, en
les recensant de manière précise, en les valorisant, en les évaluant et en
soutenant leurs auteurs matériellement et moralement. Il est également
nécessaire de les diffuser largement en utilisant les moyens de communication
traditionnels et modernes[11]
:
1.
Foued Hamdi, enseignant à l’école primaire Hédi
Khélil de Bou Salem (gouvernorat de Jendouba), a construit en novembre 2015 . un théâtre dans son école, sur ses propres
fonds, pouvant accueillir 300 spectateurs.
2.
Hatem Ben Slimane, professeur d’éducation
technologique au lycée de Menzel Jemil, a obtenu de grands succès dans
l’application de la pédagogie par projet. Il a remporté plusieurs prix pour les
meilleurs projets attribués par des organisations internationales (comme
l’UNICEF) et a visité à ce titre des pays comme l’Égypte, les États-Unis, le
Japon, Hong Kong et le Brésil.[12]
3. Salem
Kaddoussi,
professeur d’éducation artistique au collège Ibn Sina à Regueb (gouvernorat de
Sidi Bouzid), a, avec le club d’art plastique, honoré les meilleurs élèves de
son établissement d’une manière très créative. Il a réalisé une fresque murale
de 28 mètres de long et de 2,10 mètres de haut, représentant l’élève ayant
obtenu la meilleure moyenne du premier semestre (18,77), Ghufran Chaïbi. Il y a
également inscrit les noms, les moyennes et rêves d’avenir de tous les premiers
des 28 classes. Cet événement a eu lieu le vendredi 17 mars 2017.[13]
4. Farid
Kthiri,
directeur du lycée Béchir Sfar à Amdoun (gouvernorat de Béja), a mobilisé les
efforts de toute la communauté éducative pour améliorer les résultats des
élèves au baccalauréat. Il a notamment réussi à résoudre le problème de la
faible attractivité de la filière informatique en collectant du matériel
informatique usagé, en ouvrant un atelier de réparation avec ses élèves, et en
créant un club informatique. Ce club a permis aux élèves de première année
secondaire[14]
de découvrir cette discipline et de les inciter à choisir la filière sciences
informatiques lors de l’orientation scolaire.
5. Ramzi
Badr, directeur
du lycée du 8 février 1958 à Sakiet Sidi Youssef (gouvernorat du Kef), a
élaboré et mis en œuvre, en collaboration avec l’ensemble de la communauté
éducative, un plan global pour promouvoir l’animation culturelle. Cela a permis
à ses élèves de remporter plusieurs prix nationaux dans des domaines tels que
le théâtre, la musique, les arts plastiques, ainsi que dans les sports
individuels et collectifs.[15]
6. Néjib
Abdoui,
directeur du lycée Farhat Hached à Hafouz (gouvernorat de Kairouan), a formé
une équipe soudée qui a obtenu des résultats remarquables au baccalauréat 2015.
Avec un taux de réussite de 53,90 %, son établissement s’est classé deuxième
dans la région, derrière le lycée pilote, dépassant même plusieurs
établissements situés dans des zones mieux loties économiquement. Malgré des
conditions difficiles, le directeur a su instaurer un climat de travail propice
dans son lycée, basé sur des relations humaines solides et un esprit de
responsabilité partagée.
En plus de la valeur des initiatives
individuelles, les différentes expériences réussies que nous avons citées montrent
que le facteur décisif pour surmonter les contraintes du système éducatif
tunisien réside dans la mise en œuvre réelle, et non formelle, de
l’institutionnalisation de l’esprit d’équipe, du travail participatif et du
bénévolat.Ainsi, nous rejoignons les recherches éducatives qui considèrent que
« le travail d’équipe et la collaboration sont les facteurs clés de la réussite
des innovations pédagogiques » (Tadlaoui, 1991, p. 162).
Les expériences de réussite
mentionnées incarnent véritablement le principe de la participation[16]
et des fondements du travail collectif, manifestés sous différentes formes de
coopération : consultation mutuelle, préparation conjointe des cours et des examens,
soutien scolaire gratuit, aides financières aux élèves défavorisés, encadrement
en dehors des heures de cours officielles, accompagnement éducatif et soutien
psychologique des élèves, impliquant tous les membres de la communauté
éducative, y compris la direction, les surveillants généraux, les enseignants,
et parfois même des acteurs externes. Ces initiatives incluent également la
recherche de ressources supplémentaires et la création de solutions innovantes
aux problèmes quotidiens, sans attendre l’intervention des « experts » ou des
responsables de l’administration
centrale.
Dr. Mustapha chikh zaouali
Conseiller général, expert en vie scolaire / Ministère de l'Éducation
Traduit par Mongi Akrout , inspecteur général de l’éducation
POUR ACCEDER A LA VERSION ARABE CLIQUER ICI
Bibliographie
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2005) : تربية ما بعد الحداثة: ترجمة نورالدين ساسي، مراجعة: عبد صولة.
تونس: المنظمة العربية للتربية والثقافة والعلوم، إدارة التربية.
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2015): :"اتجاهات المدرسين إزاء
التجديدات البيداغوجية المؤسساتية في تونس: التعلمات الاختيارية ومادة إنجاز مشروع
نموذجا" أطروحة دكتوراه في علوم التربية بكلية العلوم الإنسانية والاجتماعية
بتونس. جوان 2015. 350ص
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Beillerot J.( 1982) :La société pédagogique:
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Cros,F.(2008) : le pari du projet d’école en
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Tadlaoui, A.(1991) : Etude des représentations
sociales des innovations pédagogiques chez les formateurs de maîtres marocains.
Ph. D . Université de Montréal
[1] المفارقة أن مختلف هذه المواقف تؤدي في النهاية، إلى النتيجة نفسها وهي إعادة إنتاج الوضع القائم
على نحو أسوأ مما كان عليه
[2] وهي المجالات الاربعة كما تحدث عنها عالم الاجتماع الألماني
ماكس فيبر في رصده لتطور الدولة الحديثة التي قادت علميات العقلنة والترشيد وأسست
لقيم الحداثة
[3] الازمنة المقصودة هي ما قبل الحداثة، الحداثة وما بعد الحداثة. وقد استلهمنا هذا التساؤل من المفكر المغربي محمد عابد الجابري(1994) الذي يعتبر مثل هذا السؤال "مشكل العصر".... يتحدث الجابري عن هذه القضية في كتابه "الديمقراطية وحقوق الإنسان في المجتمعات العربية".
[4] هو عنوان لأحد الكتب الكورية المشهورة في هذا المجال:
Imitation to
Innovation: The Dynamics of Korea's Technological Learning (Management of
Innovation and Change) Hardcover – March 1, 1997by Linsu Kim (Author)
[5] [5][5]"البيداغوجيا بين وحدة الموضوع وتباين المقاربات" http://www.startimes.com/?t=18127639
[6] لمزيد التعمق حول هذه المسألة، يمكن الرجوع إلى كتاب "تربية ما بعد
الحداثة" (داسماتوبورتوا،، 2005)
3Le connectivisme*
[7] صدر الكتاب بترجمة ايهاب عبدالرحيم علي ضمن سلسلة عالم المعرفة لشهر فيفري 2017 عن المجلس الوطني للثقافة والفنون والاداب، بالكويت
[8] مثال ذلك
ما ورد في كتاب ضخم يتناول الاصلاحات التربوية العمومية بالولايات المتحدة
الأمريكية خلال 100 سنة (1895-1995) وهو
يحمل العنوان التالي:Larry CubanDavid Tyack A Century of Public School Reform: Tinkering toward
Utopia
[9]
بالتوازي مع اهتماماتنا البحثية منذ أكثر
من 30 سنة في مجال علم الاجتماع وعلم نفس التوجيه ثم علوم التربية، فقد عملنا بالتدريس بالمرحلة الابتدائية من
1987 إلى 1990 ثم بالاعداديات والمعاهد إلى حد
1996 كمدرس للتربية المدنية وأخيرا
العمل في مجال الاعلام والتوجيه المدرسي
والجامعي منذ أكثر من 20 سنة.
[10] مثال ذلك ما ورد في كتاب ضخم يتناول الاصلاحات التربوية العمومية بالولايات المتحدة الأمريكية خلال 100 سنة (1895-1995) وهو يحمل العنوان التالي:Larry CubanDavid Tyack A Century of Public School Reform: Tinkering toward Utopia
[11] في فرنسا يرصد الموقع التالي بعنوان
"المكتبة الوطنية للتجديدات" مختلف التجديدات في المجال التربوي:
http://eduscol.education.fr/cid57491/experitheque-bibliotheque-nationale-des-innovations.html
Expérithèque :
Bibliothèque nationale des innovations
[12] [12]كوّن "الجمعية التونسية لمستقبل العلوم
والتكنولوجيا" (atast ) وهي جمعية
تشجع على إنجاز المشاريع التكنولوجية بالوسط المدرسي. تحصل على جوائز
عالمية في كبرى المسابقات في التكنولوجيا والروبوتيك ( 580 جائزة بعديد الدول في العالم حسب ما ذكر بنفسه يوم 11نوفمبر
2024في برنامج "المشكاة " باذاعة تونس الثقافية والسيدة افام ( الرابط: https://fb.watch/wSF1cpl02x/
[13]
https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10210783157166594&set=pcb.10210783157926613&type=3&theater
[14] يقتصر تدريس مادة الإعلامية بمستوى الأولى ثانوي على تلاميذ المعاهد النموذجية
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[15]استقينا تجارب النجاح المتصلة بكل من معهد عمدون وساقية سيدي
يوسف من أعمال النّدوة الوطنيّة حول مرافقة المؤسّسات التّربويّة ذات النّتائج
المتدنّية في البكالوريا 2016 التي نظمتها
وزارة التربية يومي 27 و28 فيفري 2017 بسوسة
[16] وجدنا في تجارب النجاح المذكورة تجسيما لمقولة المهاتما غاندي: " كل ما تفعله من
أجلي بدُوني، أنت تفعله ضدي"
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