dimanche 2 février 2014

Concours de recrutement des professeurs de collèges et de lycées


 Et lisant le communiqué publié par le ministère de l'Éducation , le 17 mai 2013,sur son site officiel , au sujet des résultats de la première phase du concours externe  pour le recrutement des professeurs pour les collèges  et les lycées, pour l’année scolaire (2013 – 2014), et en particulier sur les critères  adoptés pour sélectionner les futurs enseignant pour la deuxième année consécutive ,  on s’est posé des questions  dont la principale était   :  est ce que les responsables  politiques étaient conscients des  conséquences de telles mesures sur le système éducatif ?ont ils demandé l’avis des pédagogues avant d’opter pour ce mode de recrutement ?

 Première partie: Les critères  adoptés : Priorité à l'âge et à l'ancienneté  du diplôme universitaire.
Si nous analysons les critères prévus par le décret  833 - 2012 , nous constatons que l'ancienneté du  diplôme  , avec 60 points et l'âge du candidat  avec 40 points, sont  les deux facteurs  déterminants pour établir  la liste des admissibles  dans les limites de deux fois le nombre de postes ouverts , pour chaque matière,  ceux qui seront soumis  à un test sous  la forme d’un entretien devant une commission  technique , l’entretien  constitue la dernière étape du concours .
Or en dépit de l’importance de l’étape de l’entretien  , celle ci  ne changera pas les caractéristiques des futures recrues  , parce que la part  consacrée à l’entretien  , ne représente que 16,6% du total des points , les résultats de l’entretien   ne risque pas de modifier le classement final d’une façon significative, et en particulier pour  cinq spécialités : l’ arabe ,  l’éducation islamique ,la philosophie , l'histoire , la géographie et les mathématiques , où tous les admissibles ont obtenu  100 points dans la première étape , c'est à dire l'âge du plus jeune candidat admissible  a dépassé  quarante ans, et l'ancienneté de leurs diplômes   était d’au moins 15 ans .
Cet état de fait pose plusieurs problèmes en rapport avec l’ancienneté du diplôme et des nouveaux diplômés  qui se trouvent lésés par ce système. 
Première problème : l’ancienneté du diplôme
Pour les premiers classés dans les listes d’admissibilité, l’ancienneté de l'obtention du diplôme,  varie entre les 27 ans pour  les sciences de la vie et de la terre (1986),  et de 10 ans  pour les derniers classés  dans deux spécialistes  l’allemand et la mécanique. (Tableau 1)
 En ce qui concerne  les derniers classés dans les listes  d’admissibilité, l'ancienneté du diplôme, est située  entre 21 et 5 années. (Tableau  2) .
Cet état de fait pose le problème  de l’homogénéité  de la formation  académique des nouvelles recrues  et l’impact de cela  sur  plusieurs  cohortes consécutives d'apprenants. , si nous savons que les savoirs savants  sont  renouvelés, en totalité ou en partie, toutes les décennies, on est en droit de se poser la question  suivante : que pourraient  donner des diplômés de 1986 à des  élèves  de 2013 ? Et comment veut on  que les parents  aient confiance en l'école publique ?
Deuxième problème : l’âge moyen avancé des prochaines recrues
L’ âgé des premiers classés dans les listes des  admissibles est  compris entre 50 ans ( l' âge maximum de candidature ) dans 6  spécialités qui sont l'arabe , l’anglais , la philosophie , de l'éducation islamique et l'éducation civique et la disposition ) et 34 ans dans deux disciplines :  la construction mécanique et la langue allemande .
 Quand aux  derniers classés dans ces mêmes  listes des admissibles, l’âge varie de 49 ans(en   philosophie et en éducation civique), et 34 ans pour l’allemand. (Voir le tableau  1)
Cela veut dire qu’une grande partie des nouvelles recrues auront un âge assez avancé , ce qui constitue un handicap certain ,en effet  les études ont montré que l’engagement dans le métier  d'enseignement à un âge précoce  est parmi  les  facteurs qui aident à développer l’ identité professionnelle et la réussite dans la carrière , car le jeune recrue  à une plus grande capacité d’adaptation  et d'inter-réaction  avec  les nouveautés dans le domaine des sciences de l'éducation  en comparaison avec les moins jeunes  . 
Troisième problème : le système est injustice vis-à-vis des nouveaux diplômés
Les critères adoptés lèsent les nouveaux diplômés en les forçant à attendre leur tour pour de  longues  années, dans ce cadre on a noté que les listes des admissibles ne comprennent pas les diplômés dont l'ancienneté est inférieure  à 10 ans dans neuf spécialités sur les 22 spécialités ouvertes au concours.
 Ces  mesures ,si elles seront maintenues,  entraîneront ,chez les nouveaux diplômés , une déperdition de leurs  savoirs académiques  et entameront  leur motivation , sachant que le décret  relatif à l’organisation du recrutement a prévu   la possibilité de concourir par la voie d’épreuves  , cette voie aurait pu  permettre à certains  nouveaux diplômés  de réussir  et d’obtenir ainsi la possibilité de recrutement ,seulement cette voie n’a pas été ouverte par l’arrêté d’ouverture du concours qui s’était limité a ouvrir le concours sur dossier .  
Deuxième partie : conséquences et retombées  de cette option

1-    Recrutement d’enseignants âgés, sans une validation de leurs compétences académiques
Nous pensons que  le concours , en cours, va aboutir au recrutement d’enseignants âgés  , avec des diplômes qui  remontent , beaucoup d'entre eux , à  plus de 15 ans  en moyenne , ce qui pose la question de leur aptitude  scientifique (surtout qu’un bon nombre parmi eux ont déjà participé aux concours  d’aptitude au  professorat de l'enseignement secondaire , et n'ont pas été parmi les  admis) , ceci pose aussi des questions  sur leur capacité à réussir la tâche de l'enseignement ,surtout pour certains d’entre  eux sont  restés, pendant longtemps , loin des livres et des études , tout en privant , les écoles, des nouveaux diplômés , même s’ils ont été de brillants étudiants , parce que leurs  scores les ont exclus  , dés la première étape du concours . On pense que cette façon de faire  représente une menace majeure pour l'avenir de l'éducation dans notre pays, pour de nombreuses années.
2-    Une orientation à l’opposé de la tendance internationale dans le domaine de la formation et le recrutement des enseignants 
Toutes les études ont montré, que dans le domaine de l’éducation, la qualité de tout système scolaire est étroitement liée à la qualité des cadres enseignements , ce qui  a poussé les responsables   des réformes scolaires, dans la plupart des pays ,  à adopter des « critères très stricts pour la sélection des enseignants..."[1] tout en précisant  que le recrutement ne peut pas se faire " sur la base des compétences seulement, mais il doit tenir compte  du degré de motivation du candidat pour l'exercice de la profession d’enseignant".    La motivation étant considérée comme une condition  nécessaire pour réussir dans la profession.
La plupart des systèmes éducatifs au monde ( qui ont  occupent les premières places dans les évaluations internationales ( PISA) ,  recrutent  les  meilleurs compétences pour l’enseignement: «La Corée du  Sud , par exemple , recrute  ses enseignants parmi les 5 ℅  meilleurs diplômés universitaires , quant à la  Finlande  elle  choisit ses enseignants parmi les 10 ℅ meilleurs diplômés[2] ,  les candidats pré sélectionnés sont soumis à une série  de tests très sélectif (seul  un candidat sur 6 sera retenu ) , avant de rejoindre la faculté de l’éducation  pour recevoir une formation  spécifique ,  qui les qualifie pour la profession enseignante .
Conclusion
 Ignorer le critère  de la compétence, et donner la priorité absolue à l'âge et à l'ancienneté du diplôme universitaire, sans tenir compte des exigences de la profession d’enseignant, à l’instar des autres professions, tels que les compétences scientifiques  et les savoirs faire  professionnels,  ne peut  qu'aggraver d’avantage la crise l'école publique tunisienne et que réduire sa capacité à répondre aux défis qui se posent à notre système éducatif. Nous espérons que ce mode de recrutement ne perdure pas et qu’une réflexion  soit entamée le plus vite au sujet de la formation des enseignants et leur recrutement ; l’avenir de pays en dépend.
Tableau :1
Les derniers classés dans la liste des admissibles

Les premiers classés dans la liste des admissibles

spécialité
Ancienneté du diplôme

Année du diplôme

spécialité
Ancienneté du diplôme

Année du diplôme

Philosophie
21
1991
SVT
27
1986
Diplôme le plus récent
Diplôme le plus récent
Allemand et construction mécanique
5
2008
Education musicale
10
2003


 
 Tableau : 2 – l’ancienneté des diplômes  les plus récentes des candidats admissibles pour passer l’entretien par spécialité

Ancienneté en 2013
Année du diplôme
Les spécialités
21
1992
Philosophie
18
1995
Education religieuse et éducation civique
16
1997
Gestion
15
1998
Arabe/ Hist,Géo /Economie
13
2000
SVT
11
2002
Education artistique
9
2004
Anglais/Sciences Physiques /Informatique/Mathématiques
8
2005
Education technique
7
2006
Français /construction électrique/Espagnol
6
2005
Mécanique/Allemand/Italien
5
2008
Education musicale
3
2010
Education théâtrale


Hédi Bouhouch et Mongi Akrout ; Tunis , Mai 2013




[1] Réflexions en vue d’un système éducatif plus performant pour tous les enfants- centre d’étude et de défense de l’école publique http://www.cedep.be/downloads/Brochure_CEDEPdef_web_(2).pdf
[2] Policy paper the importance of teaching: the schools white paper 2010  https://www.gov.uk/government/publications/the-importance-of-teaching-the-schools-white-paper-2010
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