Introduction
La mise à
niveau de l'école primaire est l'un des
thèmes centraux du programme présidentiel pour la période 2009 à 2014. Le
Président de la République lui a consacré
le deuxième alinéa du quatorzième
point intitulé « Un système éducatif
pour relever les défis de l'avenir »
Le Ministère de l'Education et de la formation
a décidé de faire de l’année 2009 l'année de l’évaluation, et il a concentré ses efforts sur l'école primaire
afin de la soumettre à une évaluation totale
qui a démarré par un diagnostic de son état matériel
et organisationnel et de son
mode de fonctionnement pédagogique. Ce
diagnostic devrait ouvrir la voie à
l'élaboration d'un plan d'action national pour promouvoir et développer l’école primaire afin qu’elle
puisse être au diapason et suivre les
innovations au niveau de la gestion, de
la formation, de l'enseignement, de la technologie et de l'évaluation. Ce choix
traduit une conviction qui s’affirme
jour après jour et qui considère l’école
primaire comme l'assise de tous les
autres cycles de l'éducation.
Le
présent rapport représente la IVème et dernière partie du diagnostic de
l’état de l'école primaire publique. Il
se rapporte aux ressources humaines : les enseignants, les directeurs, les
inspecteurs et assistants pédagogiques. Le rapport décrit leurs
caractéristiques démographiques, leurs prérogatives respectives, les modalités
de leur recrutement, les mécanismes de leur promotion et leur avancement ;
en plus de la description de la
situation actuelle.
Le rapport
cherche à identifier leurs perceptions quant au développement de leur
profession et au moyens d’améliorer les performances de l’école en
particulier et du système éducatif en
général. Il veut sonder leurs attitudes
vis-à-vis de l’approche par compétences, du système d’évaluation du travail des
élèves et des moyens de développer leurs relations avec les parents et
l’environnement.
Ce
rapport, préparé sur la base du travail de l'équipe technique de la direction
de l’inspection du premier cycle de l’enseignement de base, est coordonné par
le directeur, M. Mohammed Ben Daamer, inspecteur général de l'éducation.
Ce rapport
est une sorte de bilan qui peut servir de point de départ pour réfléchir à cet
aspect fondamental de l'école primaire, étudier les moyens de développer et
d'améliorer son rendement et consolider son implication dans les missions de l'éducation et de l'école fixées par la
loi d'orientation relative à l'éducation et à l'enseignement scolaire de 2002.
Comme ce rapport concerne
principalement le cadre humain de l'école primaire, son état actuel
et ses attentes, nous l'avons intitulé
les « ressources humaines du premier cycle de l'enseignement de base. »
Hedi Bouhouch, Inspecteur général de l'éducation
Tunisie / Février 2010
Deuxième Chapitre: les directeurs
des écoles primaires
.1.Données
générales
A cours de
deux décennies (1988-2008) le nombre de directeurs des écoles primaires est
passé de 3070 à 4513, soit une augmentation de 47% (+1443). Cette augmentation
est liée à l'ouverture de nouvelles écoles à travers le pays.
1.1. Composition par genre
La
fonction de directeur d'école primaire est dominée par le genre masculin. Les
femmes directrices représentent moins de 7% bien que les instructrices soient
majoritaires (54.33%).
Composition selon le genre |
Le genre
|
nombre
|
%
|
Homme
|
4230
|
93.73
|
Femme
|
283
|
06.27
|
Total
|
4513
|
100
|
1.2 Distribution des directeurs par milieu
La distribution des directeurs
correspond bien sûr à la répartition géographique des écoles primaires, ainsi
60.55% des directeurs se retrouvent en milieu non communal (petits et gros
villages, milieu rural,…)
Répartition selon le milieu |
Milieu
|
Nombre
|
%
|
communal
|
1780
|
39.44
|
Non communal
|
2733
|
60.55
|
total
|
4513
|
100
|
1.3.
Répartition des directeurs en fonction du taux de décharge
●
Le décret 1973/124 du 16 mars 1973 relatif aux emplois
fonctionnels dans les écoles normales, les écoles d'application et les écoles
primaires stipule que "les directeurs des écoles primaires peuvent être
déchargés d'une partie de leur horaire d'enseignement pour leur permettre
d'accomplir leur tâche de direction et de contrôle" les conditions d'octroi de ce déchargement sont
fixées par décision du M.E.N. (art 3) tel qu’indiqué dans le tableau suivant :
Taux de déchargement
|
Nombre de classes dans l'établissement
|
Pas de déchargement
|
Une classe jusqu'à 5 classes
|
5 heures
|
de 6 à 9 classes
|
12 heures
|
10 et 11 classes
|
15 heures
|
12,13 et 14 classes
|
Déchargement total
|
15 classes et plus
|
Les
données présentées par les deux tableaux suivants nous amènent à se poser les
questions suivantes:
-Pour l'instituteur
chargé de diriger une école et qui n'a aucun déchargement ou qui bénéficie d'un
déchargement partiel comment peut-il concilier entre son devoir d'enseignant et
les tâches que requiert la direction d'une école? Quel est le sort de ses
élèves lorsqu'il est appelé à s'absenter pour des affaires administratives?
- N'est-il
pas temps de revoir ces conditions et de s'orienter vers la transformation de
la direction des écoles primaires en une fonction à part entière pour que le
directeur puisse se consacrer entièrement à sa mission de direction.
1.4 Composition par âge
Les
modalités en vigueur pour l'attribution de la direction des écoles primaires
autorisent les candidatures pour les postulants dont l'âge ne dépasse pas 57
ans à la date de la rentrée suivante. Cela explique en grande partie
l'importance de la tranche d'âge 50 ans et plus parmi les directeurs
en exercice comme l'illustre le tableau suivant.
Composition selon l'âge |
âge
|
Nbe
|
%
|
5 0 ans et plus
|
2229
|
49.39
|
Moins de 50 ans
|
2284
|
50.61
|
Total
|
4513
|
100.00
|
1.5. Composition selon l'ancienneté
Les
données statistiques montrent que plus de la moitié des directeurs des écoles
primaires ont une ancienneté de 5 ans dans la direction, mais ces données ne
nous informent pas sur la nature et la qualité de cette direction, ce qui nous
empêche de faire une évaluation de ce corps
Composition selon l'ancienneté dans la direction |
Ancienneté dans la fonction
|
Nbe
|
%
|
5 ans et
plus
|
2559
|
56.70
|
Moins de
5 ans
|
1954
|
43.30
|
Total
|
4513
|
100
|
1.6.
- Composition des directeurs selon les diplômes
Le tableau ci-dessous montre que
l'immense majorité des écoles primaires dont dirigées par un personnel qui sont
titulaires du baccalauréat ou du diplôme de fin d'études secondaires normales.
(Rappelons que les maîtres qui ont ces diplômes représentent 72% de l'ensemble
du corps).
Répartition selon le diplôme |
Diplôme
|
nombre
|
%
|
Taux national
|
Sans le baccalauréat
|
316
|
7
|
0.8
|
Baccalauréat ou DFESN
|
3881
|
86
|
72.5
|
Diplôme universitaire
|
316
|
7
|
21.5
|
Total
|
4513
|
100
|
100
|
2- les attributions des directeurs
des E.P et les modalités de leur
désignation.
2.1 Les attributions des directeurs
des E.P
▪
Le décret 1973/124, déjà cité a fixé les différents emplois
fonctionnels dans les établissements qui relèvent de l'enseignement primaire,
et il a énuméré les attributions de chaque emploi, dont celles des directeurs
des écoles primaires. (le décret parle de deux types d'écoles primaires : les
écoles d'application liées aux écoles normales des instituteurs et des
institutrices et les écoles primaires tout court.
▪
En analysant les différentes attributions des directeurs des
E.P, on peut les regrouper en trois familles de fonctions : pédagogiques,
administratives et de développement en cas de nécessité. Selon le décret sus
cité, les directeurs sont appelés à veiller :
-à la bonne tenue de l'école,
-à l'application des instructions et
des règlements d'ordre pédagogique et administratif
- sur le matériel de l'école
- à contrôler le travail des élèves,
- et à assurer la discipline.
- Ils ont aussi la responsabilité de
la gestion économique et financière de l'internat et de la cantine quand ils
existent dans son école.
Pour les directeurs des écoles
primaires d'application, en plus des tâches précédentes, le directeur est
chargé de l'organisation et du contrôle des stages pour les élèves des écoles
normales.
Malgré la clarté des attributions
des directeurs et la place centrale qu'occupe la fonction pédagogique et éducative auprès des élèves et
des instituteurs, on remarque plusieurs insuffisances comme :
- l'indigence du rôle pédagogique
des directeurs : l'enquête faite auprès d'un groupe de directeurs a révélé que
67.19% d'entre eux consacrent le gros de leur temps aux questions
administratives, le reste du temps est partagé entre six autres activités, dont
les tâches de nature pédagogique auxquelles ils consacrent 8.42% du temps. D'un
autre côté, l'analyse d'un échantillon
des rapports d'inspection des directeurs a permis de conclure que 45% des directeurs n'assurent pas leur rôle
pédagogique dans l'encadrement et le suivi
des enseignants. Les rapports ont montré que la contribution des directeurs à
la production pédagogique est limitée, puisque seuls 30% d'entre eux le font,
alors que la contribution des autres directeurs est d'une qualité douteuse.
– La faible participation entre
enseignants et parents : les rapports des directeurs avec les instituteurs et
avec les différents partenaires de l'école ( concertations avec les acteurs
sociaux et les associations qui les représentent sur les diverses activités)
restent limités.
– la sous exploitation des nouvelles
technologies : l'enquête auprès des directeurs a montré que seuls 25.18 %
d'entre eux utilisent les services de l'informatique dans la gestion de leur
école bien que 60% des établissements sont équipés d'ordinateurs.
2.2
Mode de nomination des directeurs
▪
Il est utile de faire la distinction entre l'affectation
définitive et l'affectation provisoire, car d'un point de vue juridique, il n'y
a pas un corps des directeurs des écoles primaires qui sont recrutés selon des
conditions et des critères précis, il s'agit en réalité d'une simple affectation
pour assurer la direction de l'école, sachant que le décret organisant les
emplois fonctionnels dans l'enseignement primaire parle de
"nomination" des directeurs des écoles primaires parmi les
instituteurs titulaires. (1973).
▪
Pour postuler à un
poste de directeur d'une école primaire, le candidat doit remplir les
conditions suivantes :
- faire partie des enseignants de
l'enseignement général, et être titulaire (cette condition exclut les maîtres
d'éducation manuelle et technique).
- avoir 57 ans à la rentrée scolaire
- ne pas avoir fait l'objet d'une
sanction du deuxième degré, et n'a pas été remercié d'un emploi fonctionnel
précédent (conseiller pédagogique ou directeur).
-ne pas être dans une situation de
non exercice (congé de longue maladie, mise en disponibilité).
- avoir une note pédagogique qui lui
permet de présenter sa candidature pour la direction d'une école de taille donnée, comme le montre le tableau
suivant:
Notes d'inspection
|
Taille de l'école
|
De 17 à 20
|
15 classes et plus
|
Au moins 14
|
De 10 à 14 classes
|
Au moins 10
|
D'une classe à 9
|
▪
Les nouveaux candidats aux postes de directeurs et les
anciens directeurs qui sont demandeurs d'une mutation sont classés
selon deux critères :
l'ancienneté et la note pédagogique. Un coefficient 2 est accordé à la note
pédagogique et l'ancienneté a sept
points de bonification avec un plafond de 10 points, ce qui lui donne un rôle
décisif dans le classement des candidats. (voir le tableau ci-dessous).
Les critères
|
Les points
|
Remarques
|
Notes de l'inspection
|
||
Pour
les directeurs et les directeurs adjoints et les assistants pédagogiques
|
Moyenne arithmétique des 2
dernières notes d'inspection fois 2
|
|
Pour
les instituteurs chargés d'emploi administratif
|
La moyenne des dernières notes d'inspection administrative fois 2
|
2 façons de calculer la moyenne:
l'une l'ancienneté du travail administratif est inférieure à 3
ans, l'autre si elle est égale ou supérieure à 3 ans.
|
Ancienneté
générale
|
1/4 de point par an
|
|
Ancienneté dans la direction
|
1 point par an
|
Quelque soit le nombre de classes
|
Ancienneté
pour le directeur adjoint
|
A partir de 2003/2004
|
|
Ancienneté
en tant qu'assistant pédagogique
|
||
Ancienneté
maître d'application
|
1 point par an pour ceux qui ont
en charge des stagiaires
|
Exercer dans une école
d'application
|
Ancienneté
au moins de 20 ans
|
3 points
|
Concerne tous les instituteurs
|
Ancienneté en roulement
|
2 pts + un point pour chaque année
supplémentaire dans le même poste de roulement (5 pts au maximum)
|
A partir de 2004/2005
|
Ancienneté
dans la direction d'une école prioritaire
|
2 pts pour 3 années successives
dans la même école
|
Tous les critères adoptés pour
charger les instituteurs de la direction d'une école se limitent à la note
pédagogique qui augmente automatiquement à chaque visite d'inspection sauf
exceptionnellement (et administrative) et à l'ancienneté. Donc il n'y a pas de
valorisation des diplômes. Les candidats retenus entament la nouvelle fonction
sans suivre une formation professionnelle spécifique qui permet d’acquérir les
compétences exigées pour diriger une école primaire sans lesquelles il est
difficile d'assurer la qualité de la gestion d'une école et de l'encadrement
des instituteurs qui travaillent avec eux.
3- les représentations et les
attitudes des directeurs
3.1- les attitudes vis-à-vis de
l'APC
▪
La majorité des directeurs enquêtés pensent que l'APC représente une avancée par rapport à la
pédagogie par objectifs parce qu'elle place l'élève au cœur de l'apprentissage
et tient compte de ses besoins, elle permet aussi l'équité et l'égalité des chances grâce à l'évaluation
formative, la remédiation et la pédagogie différenciée.
▪
Ils voient aussi le principal changement positif qui résulte
de l'approche au niveau de l'école est le renforcement de l'équipe pédagogique
à travers les projets des classes et le raffermissement des liens avec les
parents grâce aux mécanismes de l'évaluation, mais ils ajoutent que l'approche
entraîne un alourdissement des tâches du directeur devant les nouveaux besoins
qu'elle a créés (évaluation, photocopie…).
▪
La majorité des directeurs enquêtés estiment que la
formation donnée aux instituteurs au sujet de l'APC est utile, alors que les
autres voient le contraire car les instituteurs ne font aucun transfert dans
leurs classes.
▪
La majorité des directeurs enquêtés jugent que le système
d'évaluation est lourd pour la direction et les enseignants et coûteux. Ils
appellent à son remplacement.
3.2 Ce que pensent les directeurs de
leurs conditions de travail
70% des enquêtés ont estimé qu'ils
travaillent dans des conditions inconfortables Ils expliquent cela par trois types de causes :
- des causes en rapport avec leurs
attributions : ils jugent qu'ils sont surchargés de tâches sans l'aide d'un
secrétaire ou même d'un gardien.
- des causes liées aux moyens :
absence d'espace confortable, manque de moyens de communication, absence de
moyens financiers, 70% parmi eux voient
que le service de l'équipement de la direction régionale coopère partiellement
avec eux en fournissant les équipements, alors que 18% jugent que ce service ne
leur accorde aucun soutien.
- des causes liées aux enseignants :
manque de discipline, absence de mesures de dissuasion
3.4 Les
représentations des directeurs pour l'amélioration du confort pédagogique
Domaine des questions pédagogiques
|
Domaine des moyens et des équipements
|
Domaine des enseignants
|
- réviser le temps scolaire
-réviser le régime de l'évaluation
et du passage.
-rationaliser les séances de
l'animation.
- alléger les classes
-interdire les cours particuliers
|
- fournir les moyens et les
équipements en quantités suffisantes.
- fournir les espaces
-nommer des gardiens des deux
sexes dans les écoles intégratives (enfants porteurs de
handicaps légers)
-augmenter
le budget
des écoles
|
- formation de base pour les enseignants
et surtout pour les nouveaux
|
Fin du deuxième chapitre , A SUIVRE .
pour revoir le premier chapitre : pour
la partie 1 cliquer ici , pour la partie 2, cliquer ici. pour la partie 3 cliquer ici.
Hédi Bouhouch , Inspecteur général
de l'éducation , 2010
Traduit par Mongi Akrout et
Abdessalam Bouzid , inspecteurs généraux de l'éducation
Tunis , Mai 2020
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