dimanche 17 janvier 2021

Le professeur Moncer Rouissi, celui qui fut notre ministre de l'éducation et de la formation, nous a quittés.

 


Moncer Rouissi

Moncer Rouissi a été ministre de l'éducation et de la formation entre janvier 2001 et août 2003, c'est-à-dire qu'il avait occupé le poste tout  juste 32 mois, une période  assez courte en comparaison avec Mahmoud Messadi, 149 mois, qui mit en place la première grande  réforme de l'enseignement de la Tunisie indépendante, ou Mohamed Charfi, 62 mois, qui avait institué la deuxième  grande réforme de l'enseignement.

Pourtant, Moncer Rouissi a réussi dans ce laps de temps très court, avec une équipe de grandes personnalités, Nagib Ayed, Abdelmalek Sallami, Hédi Bouhouch, Omrane Boukhari, Mustapha Neifer, Adel Gaaloul, … à concevoir et à mettre en place la troisième  grande réforme (la réforme de 2002) qui est encore en vigueur aujourd'hui, c'était une véritable prouesse.

 

 

J'ai connu Si Moncer de près puisque j'ai travaillé avec lui quand il était ministre de l'éducation, d'ailleurs c'est lui qui m'avait promu à la tête de la direction générale des examens pour succéder à feu Hédi Bouhouch. C'était un ministre qui portait avec lui un projet de modernisation de l'école tunisienne et d’articulation des deux composantes qui sont l'enseignement et la formation professionnelle. Mais le temps était trop insuffisant pour achever la concrétisation de ce grand projet.

 

Moncer Rouissi, meneur d'hommes et bosseur inlassable, était toujours au travail, épluchant tous les dossiers ce qui lui permettait de maîtriser toutes les questions relatives à l'enseignement et à l'école. Je me rappelle qu’il m'avait donné une fois rendez-vous pour une séance de travail un certain 9 avril (jour férié), une autre fois on a passé toute la journée du dimanche à travailler avec un petit groupe dans la salle de réunion annexée à son bureau, et il était tout le temps avec nous, les manches de sa chemise retroussées, plaisantant des fois mais râlant aussi, tellement il cherchait la perfection dans le travail.

 

Pour faire le bilan de son passage au ministère, je vais rapporter deux témoignages qui résument bien, à mon avis, l'œuvre de Si Moncer. Le premier témoignage est celui de monsieur Omrane Boukhari qui était le directeur général des programmes et qui avait travaillé avec lui durant toute la période qu'il avait passée au ministère de l'éducation et de la formation. M. Omrane rapporte dans un post publié le 6 janvier dernier que  Si Moncer "avait réussi à ouvrir des dossiers de grande importance, des dossiers qui ont constitué les éléments de la troisième grande réforme qu'a connue l'école tunisienne après l'indépendance, une réforme caractérisée par la globalité puisqu'elle touche toutes les composantes de l'éducation tels que les apprentissages, la formation des enseignants, la vie scolaire et la gestion des établissements scolaires. Le mérite de Si Moncer est qu'il avait engagé une large ouverture sur les systèmes éducatifs dans le monde pour s'inspirer des meilleures pratiques qu'il y avait dans le monde. Avec lui, on a désormais des critères et des référentiels qui nous servent au moment de la mise en place des réformes et leurs évaluations, dans le cadre de l'application du principe de la redevabilité (Accountability ) pour connaitre et évaluer le rendement de l'école, de l'enseignant et des responsables à tous les niveaux ".

 

Le deuxième témoignage est celui d'une femme de terrain, madame Héla Nafti, Inspectrice d'anglais, qui a rapporté son témoignage via  le magazine Leaders  le 10 janvier dernier, dans lequel elle a évoqué un autre aspect du ministre homme de terrain qui prend le temps de participer aux rencontres et d'écouter les femmes et les hommes de terrain. S'adressant au défunt, elle  a dit ceci : « Tous ceux qui ont travaillé avec vous se rappellent de l’âge d’or de notre ministère, malheureusement très court, car vous aviez bousculé les colonnes immuables de la bureaucratie et sa lourdeur administrative. Vous vous étiez tourné vers les femmes et les hommes du ministère et non pas vers ses structures. Vous aviez fait fi des grades et titres pour simplement écouter celles et ceux qui étaient sur le terrain, qui vivaient l’éducation. Vous aviez su trouver celles et ceux qui n’avaient qu’un seul objectif, faire avancer l’éducation en Tunisie… 

 

J’avais initié avec Faouzi Maaouia, directeur du Créfoc, et Mohamed Oueslati, directeur régional,  au CREFOC de l’Ariana « Les Vendredis de l’Education », un évènement régulier où nous débattions des innovations pédagogiques, de pédagogie, de formation des enseignants, des apprentissages mais aussi de la violence à l’école, des rapports entre tous les intervenants dans la vie scolaire. Et là, vous veniez, comme vous aimiez si bien le dire, « sur la pointe des pieds », sans fanfare, non pas comme la plus haute autorité du ministère, mais comme un ministre qui voulait écouter tous les sons de cloche, toutes les idées, si diverses et opposées fussent-elles. Vous vouliez faire avancer les débats sur l’école, et ses missions…

 

 

Nous avions également organisé une école d’été des activités culturelles à Sidi Dhrif, et pendant un mois, nous avons exploré toutes les opportunités que l’école pouvait offrir. Les enseignants étaient venus de toutes les régions pour prendre part à des ateliers animés par des professionnels de la peinture, de la poésie, du théâtre et du cinéma. Les après midis étaient consacrés à des débats avec ces professionnels, ces grands noms que la scène culturelle avait enfanté et le soir, on avait droit à des représentations théâtrales, films, poésie. Vous veniez régulièrement débattre de l’importance de la culture dans notre système éducatif car, homme de lettres, vous aimiez parler de poésie, de littérature, de peinture.».

 

Voilà, très brièvement le ministre qui a marqué de son empreinte le ministère de l'éducation, comme l'avaient marqué avant lui Mahmoud Messadi et Mohamed Charfi.

Quelques années après sa retraite, je le rencontrais de temps à autre sur le parcours de santé d'el Menzah où il avait l'habitude de pratiquer de la marche avec des amis et on échangeait quelques mots. Un jour, Si Moncer me contacte via facebook, au mois de Mai 2014, pour me demander des informations sur la réforme du baccalauréat qu'il avait réalisée en 2002. Depuis on est resté en contact.

En 2018, il m'envoya deux documents sur la réforme de l'éducation qu'il avait présentée devant le conseil des ministres, voici ci-dessous, les échanges que nous avons eus à ce propos:

 

Tunis, le 13 octobre 2018 - 11h 14

 

Bonjour Cher professeur, j'ai lu avec beaucoup d’intérêt les deux documents que vous avez eu la gentillesse de m'envoyer il y a quelques mois, j'ai trouvé qu'ils revêtent une grande importance pour la mémoire de l'école tunisienne. J'ai entrepris de les traduire en arabe et je demande votre accord pour les publier sur le blog pédagogique.  

Au cas où vous seriez d'accord, je vous soumets la version arabe pour validation. En outre je serais très heureux de vous rencontrer pour vous entretenir de certains points du document. Je vous laisse le soin de fixer le lieu et le moment de cette éventuelle rencontre. Merci d'avance et portez vous bien.

Avec tous mes respects 
Mongi Akrout 

inspecteur général de l'éducation 

Tunisie

 

 

 

La réponse de Si Moncer

Tunis 1e 13 octobre 2018, 22h 36

Bonsoir Si Mongi

Je voudrais tout d'abord vous remercier vivement de votre initiative de traduire le document relatif à la complémentarité et de le publier sur le Blog Pédagogique. Je vous y encourage vivement dans la mesure où cela peut contribuer à enrichir la mémoire pédagogique.

Je pense toutefois que le texte en arabe mériterait d’être revu, je pourrai éventuellement y contribuer.

Je serais heureux de vous rencontrer à votre convenance, de préférence l'après midi, que ce soit chez moi au … ou en tout autre lieu que vous m'indiquerez. Mes numéros de téléphone sont ….

Vous savez toute l'estime et la considération que j'ai pour le Blog et pour vous même. Très cordialement.

Moncer Rouissi,

 

 

Ma réponse : le 14 octobre 14h 16

Bien reçu et merci cher professeur pour votre réponse, et pour votre estime. Le blog sera honoré de publier le document en question, quant à la traduction arabe, je suis tout à fait d'accord avec votre proposition, d'ailleurs je vous envoie tout le document dans les deux langues afin de faciliter la révision de la version arabe.

Pour la rencontre, je vous contacterai bien à l'avance pour vous laisser le temps de vous organiser.

Avec tous mes respects et à bientôt.

 

P.S - Malheureusement, notre rencontre n'a pas pu avoir lieu, mais je tiens à réaliser le vœu de mon cher professeur et Ministre disparu, je l'appelle mon professeur car je fus son étudiant à la faculté des lettres 9 avril au début des années 70 où il assurait des cours d'analyse démographique dans le cadre d'un certificat complémentaire de démographie. Nos derniers échanges étaient à l'occasion de la nouvelle année 2021. Je lui ai envoyé mes vœux le jeudi 31 décembre 2020 à 11h. 08. Sa réponse m'est parvenue le samedi 2 janvier à 20h.03 dans ces termes : " Que cette nouvelle année vous apporte paix, sérénité, bonne santé et bonheur cher Si Mongi. Fraternellement Moncer Rouissi.

Allah yarhamou, la Tunisie vient de perdre une grande personnalité. En hommage à sa mémoire, le blog pédagogique, publiera dans le numéro de la semaine prochaine, le document en question.

 

Akrout mongi & Abdessalam Bouzid, Inspecteurs généraux de l'éducation retraité

Tunis, janvier  2021

Pouraccéder à la version Ar, Cliquer ICI

 

2 commentaires:

  1. Nous avons reçu une réaction de la part de notre collègue M° Youssef Khablachi dans lequel il nous reproche d'avoir omis de le citer dans notre article , nous lui avons promis de joindre son commentaire en le remerciant de l'intérêt qu'il a toujours porté à nos publication .

    Bonjour Si mongi j'ai lu le blog concernant l'hommage de Si Moncler Rouissi et son rôle dans la 3ème reforme de 2002 avec des personnalités importantes telles que Abdelmalek Sellami, omrane Boukhari, Hedi Bouhouch,Mustapha et surtout Youssef Khablachi (qui été oublié dans ton texte) qui a été nommé par Si Moncer '' coordonnateur général de l'approche par compétences''. Je regrette beaucoup cher ami l'omission de mon nom dans le blog. Je te rappelle que je n'ai pas économisé de force pour conduire à terme la 3ème reforme en formant les inspecteurs des différentes disciplines à l'approche par compétences et en dirigeant le noyau dur des inspecteurs des différentes disciplines à la rédaction des programmes en termes de compétences et l'écriture des documents de formation pour les différentes disciplines et la participation avec les collègues citės ci-dessus à la conception et la rédaction du nouveau-nê qu'est le programme qui est l'un des fondements de la 3ème réforme ainsi que la supervision de l'écriture des tests des prérequis et mes publications sur l'approche par compétences destinées aux différentes disciplines, ce qui m'a valu le passage au grade d'inspecteur général et l'autorisation de Si Moncer Rouissi pour rayonner dans différents pays en me consentant plusieurs ordres de mission pour entrer par la grande porte dans l'expertise internationale pour l'écriture des programmes et des manuels scolaires en termes de compétences dans divers pays : 4 ans en Mauritanie,3 ans au Liban et 2 ans au Maroc. Je te rappelle cher ami que j'ai joué avec les collègues citės ci-dessus un rôle déterminant dans cette réforme d'après le témoignage Si Mustapha Ennaifar avec j'ai beaucoup travaillé dans la formation des inspecteurs et des enseignants dans l'approche par compétences pour préparer le terrain a la la nouvelle réforme et de Si Moncer lui même dans son compte Facebook et via son ''Messenger.'' J'espère cher ami que tu parviendras à rectifier le tir dans le blog concernant l'hommage de Si Moncer' et de bien vouloir mentionner mon nom avec les collègues sur qui a compté Si Moncer Rouissi. Bien cordialement cher ami.

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