dimanche 31 janvier 2021

Education-Formation, Quelle Complémentarité dans le contexte de la Mise A Niveau ? (deuxième partie)

 


 

Moncer ROUISSI

En hommage à la mémoire du professeur Moncer Rouissi, le blog pédagogique poursuit cette semaine la publication de l'étude réalisée en 1998 quand il était à la tête du Ministère de la formation professionnelle et de l'emploi;
cette étude est l'une des meilleures et des plus complètes réflexions sur l'état du système éducatif tunisien.

Nous avons consacré le numéro de la semaine passée à la première partie de l'étude qui  a été réservée à :

- la présentation du diagnostic fait par la commission de réflexion sur la réforme de l’éducation présidée par Dr.H.Karoui et qui a donné lieu à un rapport intitulé « Pour une réforme du système éducatif » en date de janvier 1982 et des recommandations qui proposer de réformer le système éducatif en place depuis 1958, mais cette réforme a tardé à venir ce qui a contribué a l'aggravation de la crise du S.E. jusqu'à la venue de la réforme de 1991.

- l'exposé d'un bilan critique de la réforme de 1991 au niveau de l'enseignement de base (E.B), l'étude estime que cette réforme n'a pas réussi à changer  " la logique interne du système: l’école de base est restée un cycle non finalisé qui prépare simplement au cycle secondaire qui à son tour prépare au supérieur" comme elle n'a pas réussi à  réduire fondamentalement le volume des abandons  et enfin "le problème du coût de l’éducation  reste posé".

Le papier de cette semaine  est consacré à la deuxième partie de l'étude qui  traite l'état de l'enseignement secondaire issu de la réforme de 1991.

Pour revoir la première partie, Cliquer ICI

Le blog pédagogique, janvier 2021

 

 

          1-2-1-    Au niveau du secondaire

Au niveau de l’enseignement secondaire, le problème de            la rétention artificielle s’ajoute à celui des abandons. Cette rétention commence au niveau du système public et se prolonge toujours par une autre au niveau de l’enseignement privé. Cette année , les candidats au baccalauréat sont pratiquement aussi nombreux que ceux qui se sont présentés à l’examen de l’école de base.

 

La disparité régionale est réellement excessive pour ce qui l’enseignement secondaire. Les jeunes de certaines régions sont 4 fois moins scolarisés dans le secondaire que ceux  d’autres régions. La situation  du marché de l’emploi au niveau régional devient de ce fait  extrêmement difficile. Quelles sont les solutions en matière d’emploi dans des régions où 80% d’une tranche d’âge ont au maximum une éducation de niveau primaire ? Comment  dans ces conditions peut-on attirer des investissements dans ces régions ?

Il semble même, au vu des caractéristiques des demandeurs d’emploi diplômés de l’enseignement supérieur, que les disparités quantitatives globales entre les régions soient accompagnées d’une autre disparité au niveau de la répartition des élèves entre les options du secondaire

  Les régions du centre-ouest, et surtout du sud-ouest, se caractérisent notamment par une prépondérance des diplômés en sciences humaines parmi les demandeurs d’emploi de ces régions inscrits auprès des bureaux de l’emploi. Ces diplômés étaient au départ des bacheliers en lettres.

L’approfondissement de la réforme du secondaire doit s’attaquer de front au problème des disparités régionales.


                          2-        La réforme de l’économie et ses implications en matière de formation professionnelle :

 

Il y a d’abord lieu de rappeler les objectifs de la réforme de         la formation professionnelle qui intègrent fondamentalement ceux de la réforme de l’économie.

Durant les trois premières décennies de son développement  économique, la Tunisie a utilisé comme avantage concurrentiel des facteurs élémentaires tels que

i.                 sa position géographique,

ii.                l’existence d’une main d’œuvre relativement éduquée quoique non qualifiée

iii.              et un niveau de salaires comparativement avantageux aidé en cela par un taux de change favorable.

Ces facteurs élémentaires n’ont cessé de perdre de leur importance en devenant de moins en moins indispensables et de plus en plus disponibles sur les marchés internationaux. Ils ne sont plus suffisants compte tenu des changements fondamentaux qui sont entrain d’affecter l’économie régionale et mondiale .

 

Au moyen de réformes structurelles, la Tunisie a pris l’option stratégique majeure dès le début des années 90, de se doter  en nouveaux facteurs d’avantage concurrentiel. C’est ainsi que des facteurs complexes sont entrain d’apparaître sur plusieurs axes tels que celui de l’infrastructure de  la communication, l’informatique, la recherche scientifique, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle.

 

La loi d’orientation de la Formation Professionnelle de 1993 a d’abord permis de lancer une réforme en profondeur visant à re-positionner la Formation Professionnelle dans la société tunisienne et à initier  de nouvelles articulations entre  la formation et le monde économique confronté aux restructurations induites par l’ajustement structurel. L'accord de partenariat avec l'Union Européenne a ensuite accéléré cette action de réforme de la formation professionnelle dans son ensemble.

 

Une série de CMR a été consacrée à ce sujet et a permis l’adoption d’un ensemble de mesures à même de concrétiser cette option. (cf notamment CMR du 26 janvier 94, 22 juillet 94, 15 mars 95, 2 juin 95, 21 juillet 95, 4 mars 96, 10 janvier 97.)

 

L’étude stratégique N°11, pilotée conjointement par les Ministères du Développement Economique, de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Formation Professionnelle et de l’Emploi, a été consacrée aux rôles des systèmes d’éducation et de formation dans le développement des qualifications compte tenu des exigences du nouveau contexte économique. Cette étude a été élaborée courant 1995 et 1996 et présentée au CMR du 10 Janvier 1997.

La stratégie MANFORME[1] a défini un programme d’action sur  7 ans pour  mettre à niveau le système de formation professionnelle selon une approche qualité imposée par ailleurs par l’impératif de compétitivité exigé de l’ensemble du système productif . Cette stratégie a été  arrêtée lors du CMR du 21 juillet 1995 .

 

Une meilleure expression du besoin, associée à une nomenclature nationale des métiers et professions reconnues et utilisées par tous, des curriculas élaborés selon les compétences correspondantes à ces besoins et tenant compte de leur évolution, un partenariat avec l’entreprise grâce au mode de formation en alternance, des centres bénéficiant d’une large autonomie , intégrés dans leur environnement et pratiquant un marketing stratégique, un système de certification des qualifications obtenues, une démarche qualité implantée dans tout le dispositif de formation : telles sont en résumé les principales caractéristiques du système de formation qui est entrain de se mettre en place dans le cadre de la stratégie MANFORME.

Au pilotage par l’offre de formation a été substituée une logique qui s’apparente à " l’approche client " et un pilotage par la demande des entreprises en qualification.

Le libre choix des jeunes, associé à un pré-requis éducatif de qualité, constitue cependant une condition nécessaire à la mise en place de normes de qualité dans le dispositif de formation professionnelle. Les textes relatifs à l’établissement de la classification nationale des emplois et  des métiers d’une part et à l’homologation des diplômes de la formation professionnelle d’autre part  ont permis le démarrage de la mise en application de ces orientations.

 

Une situation nouvelle est ainsi créée qui rompt avec l'articulation par l'échec entre le système éducatif et la formation professionnelle. La rupture avec la logique de l'articulation par l'échec vaut pour tous les niveaux de formation et d'enseignement, aussi bien au terme de l’école de base qu'à celui du premier comme du second cycle secondaire.

 

L’étude stratégique N°11 a montré que l’abandon de l’articulation par l’échec, outre le fait qu’il constitue une condition sine qua non à la valorisation de la formation professionnelle, réduit la pression sur l’enseignement secondaire, améliore le rendement de l’école de base et permet même de dégager une économie potentielle sur  le fonctionnement du système éducatif qui pourrait être ré-affectée à l’amélioration des conditions matérielles de son fonctionnement et partant de la qualité de ses prestations.

 

Le passage à ce schéma « d’articulation optimisée » ne saurait se faire que dans un processus de transition volontariste qui implique la réalisation des conditions d’employabilité et de promotion donc d’attractivité.

 

Ces conditions s’articulent autour des points suivants :

        «  La mise en place d'un système de formation professionnelle intégré, cohérent, promotionnel et sanctionné par des diplômes reconnus et homologués ;

        «  L’engagement d’une action de révision en profondeur des programmes de formation, de production de référentiels et de manuels de formation ainsi que d'outils pédagogiques appropriés ;

        «  L’adoption de modes de formation professionnelle efficace en terme d’insertion ;

        «  Une information destinée aux jeunes et à leur famille sur le nouveau dispositif de formation professionnelle et sur les perspectives qu'il ouvre au double plan de    la promotion et de l'emploi de demain.

 

Cette information ne saurait cependant produire l’impact souhaité sur la décision des jeunes et de leurs parents que dans la mesure où elle est exprimée à travers l’école de base et du secondaire et véhiculée par des éducateurs judicieusement préparés et bien informés.

 

Fin de la deuxième partie :à suivre.  Pour revenir à la première partie, cliquer ICI

Pour consulter la version AR, cliquer ICI



[1] le programme de mise à niveau de la formation professionnelle et de l'emploi (MANFORME) élaboré en 1995 par le Gouvernement tunisien.

http://eeas.europa.eu/archives/delegations/tunisia/documents/more_info/rapport_evaluation_finale_manform_fr.pdf

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