dimanche 15 décembre 2024

L'apparition de la semaine bloquée et ses effets négatifs

 

Hédi Bouhouch

La semaine dernière, lors d'une visite à Sfax, ma ville natale, je suis passé devant l'école primaire où j'avais étudié. Ce jour-là, un dimanche, j'ai été surpris de constater une activité inhabituelle devant l'école. Un grand nombre de voitures stationnées le long de la route et sur le trottoir, un trafic encombré, et une foule d'élèves massée devant la porte de l'établissement. 

Intrigué, j'ai demandé à l'un des élèves ce qui se passait, pensant qu'il s'agissait d'un événement culturel ou sportif. L'élève m'a répondu qu'il s'agissait de cours particuliers pour se préparer aux examens prévus la semaine suivante.

C'est alors que j'ai réalisé l'impact de notre système d'évaluation, qui prive les enfants de leur repos hebdomadaire. Cette scène m’a inspiré à partager une réflexion sur l’histoire de la semaine bloquée, devenue un cauchemar pour les élèves et leurs parents, et une opportunité pour le marché florissant des cours particuliers.

Cette réflexion est extraite d’une étude réalisée il y a plus de dix ans sur le système d’évaluation  en Tunisie faite par Hédi Bouhouch et Mongi Akrout.

 

 

Origine et évolution de la semaine bloquée

Au début des années 1990, des mouvements des élèves ont conduit à la réduction de la durée des examens, qui s’étalaient auparavant sur deux semaines à la fin de chaque trimestre. En novembre 1991, les examens ont été concentrés en une période de quatre jours en fin des premier et deuxième trimestres, et dix jours à la fin de l’année scolaire. [1]

Suite à de nouvelles protestations des enseignants et des élèves, une nouvelle circulaire du ministre de l’éducation  parue  en février 1992[2] a prolongé cette période à une semaine pour les examens du 3ème trimestre, désormais appelée "semaine bloquée". Durant cette période, les cours sont suspendus pour permettre aux élèves de passer les épreuves écrites, une par jour, selon un calendrier établi par la direction  de l’établissement puis par l’administration centrale. Les matières concernées ne dépassaient généralement pas six, mais dès 1994, il est devenu possible d’organiser deux épreuves par jour : une le matin et une l’après-midi.

Les autres épreuves, dites "épreuves du pré-bloqué", étaient organisées la semaine précédant la semaine bloquée. Elles sont, réalisées pendant les heures de cours normales, et elles concernaient souvent les matières nécessitant plus de temps de correction car le professeur de ces disciplines a en charge jusqu’à 18 classes, comme l’histoire, la géographie, la musique, l’éducation civique ou l’éducation religieuse.

Remarque : Une circulaire de 1994 a permis , en cas de nécessité pédagogique, de faire passer certaines de ces épreuves pendant la semaine bloquée après concertation avec les enseignants concernés.


Conséquences de ce système

Ce qui était au départ une mesure temporaire pour calmer les élèves et rétablir l’ordre dans les lycées,  est devenu  une composante immuable  du système du contrôle continu. Cependant, cette organisation a engendré plusieurs dérives :

1.   Impact sur l’apprentissage : Les élèves se retrouvent accaparés par les examens durant deux semaines consécutives. Les enseignants, eux, sont mobilisés pour préparer, surveiller et corriger les épreuves. L’apprentissage est ainsi perturbé.

2.   Charge administrative : La dernière semaine, qui  vient après les deux semaines consacrées est entièrement dédiée à la correction, à la remise  des copies corrigées, au calcul des moyennes et à la transmission des résultats à l’administration.

Face à ces inconvénients, plusieurs commissions, dont celle de 2008, ont proposé d’abolir les semaines bloquées pour prolonger le temps d’apprentissage. Elles ont également recommandé un système d’évaluation plus flexible, permettant aux enseignants de répartir les examens sur l’ensemble du trimestre ou  du semestre.

 

Une opportunité pour les cours particuliers

Malgré ces propositions, les ministres successifs ont hésité à modifier un système perçu comme un acquis par les élèves et par les syndicats. Le ministère s’est contenté de lancer des actions de formation pour les enseignants sur la construction des examens, les critères d’évaluation et l’analyse des résultats des élèves.

Cependant, les semaines bloquées ont favorisé des pratiques discutables. Elles ont conduit à la prolifération des cours particuliers, souvent onéreux, destinés à préparer les élèves aux épreuves. Ces cours, qui se poursuivent parfois tard dans la nuit, sont devenus un marché lucratif, mais non sans dérives.

 

Réflexion sur les responsabilités

Ces dérives soulèvent plusieurs questions :

  • Responsabilité des élèves : Certains ne s'investissent pas suffisamment pendant les cours réguliers et comptent sur les cours particuliers pour compenser rapidement leurs lacunes.
  • Responsabilité des enseignants : Certains transfèrent les exercices pratiques essentiels des cours officiels vers les cours particuliers.
  • Responsabilité des programmes : Une mauvaise répartition des activités éducatives peut également être en cause, ne laissant pas assez de temps pour les entraînements en classe.

En réalité, ces facteurs semblent interconnectés, contribuant ensemble aux dysfonctionnements observés. Une réflexion approfondie s’impose pour repenser ce système d’évaluation de manière plus équitable et plus efficace ».

 

Pour conclure, nous constatons que les  dérives et les problèmes décrits par les deux auteurs de l’extrait, il y a environ dix années son encore là , ils se sont plutôt aggravés et complexifiés ;  remarquons d’après nous que ce n’est pas le système du contrôle continu qui en est le responsable, mais la responsabilité  incombe à la manière de son application et qu’il est nécessaire de traiter le plus rapidement possible, la tâche n’est ni difficile ni impossible.

 

 

Hédi Bouhouch & Mongi Akrout Inspecteurs généraux de l’éducation

Tunis, 2015

Pour accéder à la version Française, Cliquer ICI

 



[1]  منشور عدد 102 /91 صادر عن الديوان بتاريخ غرة نوفمبر 1991 يتعلق بالإجراءات الخاصة بتطبيق نظام المراقبة المستمرة بالتعليم الثانوي

[2]  منشور عدد15/92 صادر عن الديوان ممضى من الوزير محمد الشرفي حول تنظيم الفروض التأليفية بالتعليم الثانوي بالنسبة إلى الثلاثية الثانية من السنة الدراسية 1991/1992

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