dimanche 25 janvier 2015

Mémoire de l’éducation : La correction des devoirs à l’école primaire , à la fin du dix neuvième siècle : Méthodes et Modalités Troisième partie :la correction des différents types de devoirs


Avant propos                                  
Nous avons déjà publié deux parties du rapport préparé par la Direction de l’instruction publique de la régence tunisienne en 1899 consacré aux pratiques des instituteurs et des institutrices dans le domaine de la correction des devoirs et exercices écrits.( note du 21 décembre2014  et note du 18 janvier 2015)

Cet aspect de la vie scolaire a une grande importance dans l’enseignement, surtout à l’école primaire qui  n’a cessé de polariser l’intérêt des élèves et de leurs parents et de l’autorité pédagogique.
Cette troisième et dernière  partie  s’intéresse à la correction spécifique des différents exercices ou devoirs écrits faits par les écoliers comme les exercices de grammaire, de dictée, d’écriture ou de calcul…  la correction de ces exercices écrits se faisait selon une approche associative qui implique la participation active de l’élève, suivant des styles et des techniques précis.
Le rapport ,préparé par la direction de l’instruction publique,  n’est ni une étude théorique ni un recueil de directives et de recommandations produites par l’autorité scolaire centrale, il s’agit en réalité d’une présentation ou d’une reproduction de pratiques de quelques  institutrices et instituteurs exerçant dans des écoles publiques en Tunisie à la fin du dix neuvième siècle réparties à travers la régence . Les témoignages relatent des pratiques très variées selon le milieu et traduisent une grande passion de leurs auteurs, leur amour et leur engagement dans la mission libératrice de l’école.
En lisant ces témoignages, nous constatons que leurs auteurs ont mis au point des techniques qui restent encore valables aujourd’hui.
Avant de passer en revue ces techniques, il faudrait  préciser  que toutes les données du rapport portent sur les disciplines enseignées en langue française uniquement et ne concernent pas toutes les matières puisque  le dessin, l’histoire ou la géographie par exemple n’ont pas été évoqués par un nombre suffisant d’instituteurs.  
Voici les extraits du rapport relatifs à la correction de certains types d’exercices et de devoir

1.    La correction des devoirs de grammaire
Témoignage de M M.Champaver
« Un élève est d’abord envoyé au tableau noir ;Comme tout exercice de grammaire n’est que l’application d’une règle expliquée la veille, ou au début de la leçon du jour, je demande à cet élève de me répéter ladite règle en me donnant quelques exemples de son choix .Ce travail préparatoire a pour but , non seulement de revoir ce qui a été déjà vu mais surtout d’appeler l’attention des élèves sur ce que j’attends d’eux  , de bien les mettre en face de ce qu’ils vont avoir à faire . Cela fait, il est procédé  à la correction par épellation, chacun des élèves épelant à son tour un mot ou une phrase, comme cela se fait pour la dictée, et  en s’inspirant des mêmes principes  que pour la correction de cette dernière. »   
Témoignage de M.Carrier
«  Un élève lit la phrase et épèle le ou les mots se rapportant à la règle qu’il s’agissait d’appliquer et énonce cette règle »

2.     La correction des devoirs d’orthographe
Voici les séries de procédés recommandés : les mêmes reviennent dans plusieurs travaux. Il serait long et inutile de citer tous les passages qui s’y rapportent.
a)    Correction par comparaison avec le texte même pris dans un livre que les enfants ont entre les mains  ( Mme Bitaubé) ou avec le texte préalablement écrit au tableau noir par le maître et caché aux yeux des élèves pendant la dictée par un rideau ou une carte qu’on enlève au moment de la correction (MM. Bauquier et Maspoli)  . Quant à M. Serres, la dictée terminée , la dicte de nouveau à un élève qui l’écrit au tableau noir ; les élèves rectifiant d’après ce modèle corrigé.
b)   Correction par épellation. L’épellation se fait généralement d’après le travail de l’élève, que le maître fait ensuite rectifier, s’il ya lieu. M. Defranchi emploie un procédé un peu différent :  «  je remets le livre à l’élève qui a fait la dictée sur le cahier de roulement et je prends moi-même ce cahier. Cet élève épelle, et au fur et à mesure, les élèves et moi nous corrigeons ».
Quels mots faut-il épeler ? « Dans le cours élémentaire, on épelle tous les mots ; dans le cours moyens, on se dispense d’épeler les particules bien connues ». (M. Carrier)
« je me garde de faire épeler machinalement tous les mots de la dictée sans exception, ce serait peu utile, peu intéressant et peu intelligent, on épelle donc seulement les mots offrant quelques difficultés ». (M. Champayer)
(M. Chauffin) « néglige les mots que chacun écrit correctement, les articles , certains pronoms ,  certains  mots invariables».
(M. Surdon)  ne fait épeler que« les mots les plus difficiles».

Les explications, rappel des règles d’accord, critique de l’orthographe fautive, justification de celle proposée et de toutes les questions se rapportant à la correction sont généralement faites au cours de l’exercice au fur et à mesure qu’il se développe .Quelque maîtres  cependant réservent ce travail pour la fin de la leçon, après la correction de toute la dictée.
M. Cleyet  fait inscrire au tableau noir, par un élève, au cours de la correction, les mots présentant quelques difficultés, M. Chauffin  fait lui même au tableau les fautes d’usage.
Le relevé des mots fautifs  se fait par chaque élève , soit à la suite de la dictée, soit plus rarement sur un carnet spécial «  les élèves sont tenus de relever sur un carnet spécial les mots fautifs, d’en chercher la signification et construire une petite phrase sur chaque mot »  M. Canton
M. Chauffin  fait relever à chaque élève la liste de toutes les fautes d’usage de l’ensemble des dictées - Inscription sur le cahier du nombre de fautes faites par chaque élève.
3.    La correction des devoirs d’arithmétique, du système métrique et de calcul.
La correction a toujours lieu par un élève au tableau noir. Exécution complète de tous les calculs.
Le raisonnement est simplement indiqué oralement, ou résumé par les indications des opérations à effectuer ou parfois complètement écrit au tableau noir. Les élèves corrigent d’après ces renseignements, soit au cours, soit à la fin de l’exercice.
Quelques maîtres ajoutent  ou font ajouter sur les cahiers l’une des lettres E ou F (exact ou faux).
M. Bitaubé fait diviser la page en trois colonnes.
Une autre remarque de M. Chauffin :   « je demande quels sont  les élèves qui ont suivi une autre marche que celle suivie par la correction. L’un d’eux vient l’indiquer au tableau. Chacun peut comparer les deux raisonnements .J’indique lorsqu’il y a lieu, ce qui le plus naturel et que, par suite, il aurait fallu adapter de préférence ».
4.    La correction des devoirs d’écriture

Quelques maîtres seulement ont parlé de cette matière
Témoignage de M.Carrier.
 « Le modèle est mis au tableau, la leçon est expliquée. Un élève passe au tableau, reproduit la lettre qui est à l’étude .Je fais relever les défauts par les autres élèves ; je complète la critique, s’il ya lieu, en y joignant le plus souvent un mot d’encouragement .Pendant que les élèves écrivent, je passe rapidement près du plus grand possible, ne corrigeant que la lettre formant l’objet de la leçon et je trace moi même un modèle de cette lettre sur le cahier ».
Témoignage de M.Champaver «  quelque soit la méthode employée, cette correction a longtemps lieu pendant l’exécution même du devoir, le maître passant derrière les élèves  pour rectifier les attitudes vicieuses, les lettres mal formées, les mots incorrectement orthographiés, etc. Pendant les derniers instants de la leçon le maître peut aussi commencer à donner les notes ».
5.   La correction  du calcul mental ou le Procédé La Martinière[1]
Témoignage de M. Carrier
« Je distribue une ardoise à chaque élève qui la place devant lui et croise les bras. J’énonce le problème. Sur un signal les élèves prennent leur crayon, écrivent promptement leur réponse  en gros caractères et posent leur crayon.sur un deuxième signal ils lèvent leurs ardoises. Je me rends compte des résultats obtenus. Je signale les réponses erronées. Je fais expliquer par un élève qui a réussi la marche qu’il a suivi ».
 Commentaire
Cette dernière partie du rapport confirme la règle pédagogique qu’on a déjà relevée dans la première partie , qui consiste à laisser la libre initiative à l’enseignant pour choisir la méthode , le style ou la technique qui convient le mieux au milieu où il exerce et le type d’activité qu’il entreprend et la matière .
D’autre part , cette partie du rapport montre l’importance de chaque matière et les méthodes de correction qui lui est spécifique ; les différentes expériences relatées par les instituteurs et institutrices montrent le grand intérêt qu’ils accordent à la correction  à l’école primaire , la considérant comme l’un des pilier de l’apprentissage.
Il apparait , à travers les témoignages, que l’approche dominante à cette époque au cours de l’évaluation était une approche « applicationniste » puisque les exercices n’étaient que des applications directes d’une règles ou d’une méthodes vues précédemment et que la bonne réponse était considérée par l’instituteur comme la preuve de leur acquisition et leur assimilation par les élèves ; c’est ce qui explique que la correction  se faisait le plus souvent au tableau par un élève selon la démarche stéréotypée suivante :
-  mettre au tableau noir la réponse d’un élève
-  évaluer , critiquer et éventuellement rectifier en cas de besoin ;
- rappel de la règle, de la technique ou de la marche à suivre ;
- la consolider  par d’autres exemples ;
- enfin, reproduire le corrigé et parfois la règle sur les cahiers ou dans un carnet spécial pour faciliter la révision.
 Au cours de la correction, l’instituteur  accompagne ses élèves, aidant à corriger leurs fautes, rappelant les règles, reprenant ses explications en cas de besoin, s’arrêtant sur certains détails quand il s’aperçoit que la classe ne les a pas bien assimilés. C'est-à-dire on est en plein dans la pratique de l’évaluation formative et loin de l’évaluation sanction.
  
Traduction et commentaires : Hédi Bouhouch & Mongi Akrout, Inspecteurs généraux de l’éducation
Tunis - Décembre 2014


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