Rachid Romdhan est parti sur la pointe des
pieds, lui qui brillait par son infinie discrétion et sa grande gentillesse, aura jusqu’au bout su
rester digne, réservé et profondément humain. Son parcours, atypique à bien des
égards, est à saluer et à connaître pour les collègues inspecteurs qui n’ont
pas eu l’heur de le croiser et de l’apprécier. Né à Msaken le 15 juin 1941, il
était l’aîné d’une famille de six garçons. Son père, Ahmed Romdhan, était
instituteur. Il décrocha son baccalauréat en 1961 assorti d’un prix
présidentiel. L’anecdote qu’il se plaisait à rappeler c’est qu’il fallait au
récipiendaire du prix se présenter à la cérémonie en costume cravate. Le jeune
Rachid fut ainsi amené à emprunter un costume à un parfait inconnu qui résidait
dans la même auberge que lui. Une bourse d’études lui fut accordée et lui
permit de mener des études supérieures à la faculté de Toulouse. Il obtint coup
sur coup une licence, une maîtrise et un DES soutenu en novembre 1967. Dès septembre
de la même année, il commença à enseigner en France. En 1969, ce fut le retour
en Tunisie. Il enseigna à Nabeul, à Sousse (lycée de jeunes filles et lycée des
malvoyants) et enfin à Msaken. Une expérience de coopération l’amena en 75/78
en Irak. Autre facette du personnage, sa passion des dictées de Bernard Pivot.
Deux fois, il a participé au concours où il a représenté la Tunisie. Puis ce
fut l’aventure de l’inspection avec ses heurs et ses malheurs. Reçu en 1983, il
fut affecté à Médenine avec en supplément Gabès, puis ce fut Sfax pour
finalement revenir au bercail, à Sousse jusqu’à la retraite en 2000. Il
participa à l’élaboration des manuels scolaires et participa à maints stages et
séminaires tant en Tunisie qu’à l’étranger. Un grave accident le laissa diminué
physiquement pendant des mois, mais il s’obstina à assister à toutes les
activités du groupe sans jamais se plaindre. Devant l’adversité, il recourait à
l’humour et à la dérision. Nous qui l’avons connu à cette époque gardons de lui
ces images de souffrance retenue et de résistance stoïque. Il faut dire que la
vie ne l’a pas gâté outre mesure, son parcours personnel est jalonné de drames
: suicide d’un frère enseignant d’économie, suicide d’un fils unique, grave
accident de voiture… Moi qui l’ai connu sur le tard, j’avais toujours éprouvé
beaucoup d’estime pour le battant qu’il était même si vers la fin de sa
carrière, il était quelque peu désabusé en assistant à la descente aux enfers
généralisée. Si Rachid avait certes perdu un fils mais il avait deux filles
exceptionnelles dont l’une est professeure de français. J’ai eu le plaisir de
l’encadrer au CAPES et ce n’est que le dernier jour de la formation qu’elle est
venue me voir à mon bureau pour me transmettre le bonjour de son père. Je n’avais
pas fait le lien et découvris ce jour-là que la discrétion de la fille
répondait à celle du père. Elle fut reçue première de sa promotion, et c’était
amplement mérité. La retraite fut studieuse pour Si Rachid : il revint sur les
bancs de l’école en s’inscrivant à l’Institut Bourguiba des langues vivantes
(antenne de Sousse) où il suivit des cours de chinois et de russe. Il était
aussi un lecteur assidu et c’est ainsi que je le croisai plus d’une fois au
relais culturel de Sousse où il s’approvisionnait en périodiques français. Je
l’ai revu une dernière fois en janvier. Il m’a avoué qu’il ne sortait presque
plus par crainte du virus. Cela ne l’a pas empêché d’être contaminé et de
succomber de la covid19. La grande famille de l’inspection, ses proches et ses
nombreux amis garderont pour toujours un souvenir lumineux de cet homme
exceptionnel.
Mongi Riahi , Inspecteur principal des collèges et des lycée retraité .
Sousse , Mars 2021.
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Merci cher Mongi pour ce bel hommage à la hauteur de notre ami Rachid qui laisse à celles et ceux qui l'ont bien connu le souvenir d'un être attachant, sincère et intègre.
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