lundi 19 septembre 2016

Questions d’actualité : le rythme et le temps scolaire ne sont pas uniquement une affaire pédagogique


Les journées de travail sont trop longues et l'année scolaire trop courte. Résultat, les programmes annuels sont expédiés tambour battant, les enseignants frustrés et les élèves, fatigués et démotivés, décrochent pendant l'été passé loin des manuels. Sans parler des conséquences possibles sur la déscolarisation, l'absentéisme, la médicalisation des enfants, l'agressivité en hausse, la violence scolaire."

http://www.slate.fr/story/33455/rythmes-scolaires-ecole-vacances-zone-A-B-C-lobbies-calendes-grecques




Pour la seconde année consécutive,[1] et contrairement à l’accoutumée[2],le Ministère de l’éducation n’avait publié le calendrier des vacances et les dates de la rentrée des classes et celle des grandes vacances  qu’au début du mois de septembre [3] ;  et, depuis la publication  du nouveau calendrier, on a enregistré plusieurs réactions  dont la plupart avaient exprimé des  critiques ou  des réserves, quant aux choix arrêtés par le Ministère ; et contrairement à leur tradition,  les syndicats de l’enseignement  avaient gardé le silence, un silence qui exprime, comme le dit l’adage populaire, la satisfaction ; cette attitude n’est pas une surprise, car, dès le 23 juillet 2016 Rawdha Beliifa, la secrétaire

générale adjointe du syndicat nationale de l’enseignement secondaire et membre de la commission du temps scolaire, issue du dialogue nationale pour la réforme du système éducatif, avait dévoilé à la presse les grandes lignes du dit calendrier, en déclarant à l’agence Tunisie Afrique Presse  « que la prochaine rentrée des classes aura lieu juste après l’Aïd Al Idhaa, selon un calendrier de principe préparé par la commission du temps scolaire qui va être soumise à la commission nationale de la réforme  éducative constituée par des représentants du troïka ( Le Ministère de L’éducation - l’UGTT - l’Institut arabe des droits de l’homme )  à qui revient le soin de trancher la question avant mi- août prochain, sachant que la commission technique a adopté le régime semestriel pour les différents degrés de l’enseignement ; elle a aussi opté pour un régime de vacances scolaires qui prévoit, pour le premier semestre, trois périodes de cours de 5 semaines chacune, entrecoupées d’une semaine de congé ;  à la fin du 1er semestre survient un congé de deux semaines.

Le second semestre comptera 15 semaines de cours divisées en trois périodes, aussi entrecoupées par une semaine de congé ; les cours devraient s’arrêter le 27 mai 2017, pour laisser la place aux différents examens nationaux ; l’année scolaire 2016-2017 prendrait fin le 30 juin »[4].

Une semaine après cette annonce, la commission nationale de la réforme du système éducatif   a tenu une conférence de presse, (lundi 01 août 2016), pour annoncer officiellement l’achèvement des travaux de la commission technique du temps scolaire, et que tous les points litigieux ont été résolus ; les travaux ont été présentés à la haute commission de suivi de la réforme , et ils furent adoptés par toutes les parties, ce qui va permettre la publication de la nouvelle circulaire citée ci-dessus.

Mais, quelles nouveautés dans le temps scolaire annuel ?

1)    Un nouveau découpage

L’ancien découpage trimestriel, en vigueur depuis 1985,  est remplacé par un nouveau découpage , l’année scolaire est désormais constituée de six ( 6) périodes de cours ( voir table ci-dessous ) dont la durée varie entre 27 jours ( la première période) et 39 journées ( la dernière période) séparées par cinq périodes de repos : 4 périodes d’une semaine et une cinquième  période de deux semaines qui se situe au milieu de l’année scolaire.
Pour ses  concepteurs, Il est attendu que le nouveau découpage va permettre d’éviter aux élèves et à leurs enseignants la fatigue provoquée par les longues périodes d’études, en leur accordant des périodes de relâchement et de récupération, avant l’entame d’une nouvelle période de cours ; mais pour  certains spécialistes des rythmes scolaires et de l’organisation du temps scolaire, le nouveau découpage comporte deux défauts qui sont un temps réservé aux études assez court et des vacances aussi courtes ; en effet, certaines études  chrono-psychologiques ne sont pas favorables aux congés  dont la durée est d’une semaine ou moins ; elles conseillent plutôt des vacances de deux semaines, sachant que la norme la plus utilisée de part le monde adopte le régime 7/2 , c'est-à-dire sept semaines de cours  qui permettent aux enseignants de bien avancer, suivies de deux semaines de congés qui permettent d’assurer un temps de repos et de récupération suffisant.[5]

nbre de journées*
nombre de semaines
du …. au
Période
27
5 semaines ( -3j)
du 15 sept au 15 octobre
1ère période
8
1 semaine
du 16 octobre au 23 octobre
vacance 1
30
5 semaines
du 24 octobre au 26 novembre
2ème période
8
1 semaine
du 27 novembre au 4 décembre
vacance 2
30
5 semaines
du 5 décembre au 7 janvier
3ème période
15
2 semaines
du 8 janvier au 22janvier
vacance de la mi-année
28
5 semaines
du 23 janvier au 25 février
4ème période
8
1 semaine
du 26 février au 5 mars
vacance 4
28
5 semaines
du 6 mars au 8 avril
5ème période
8
1 semaine
du 9 avril au 16  avril
vacance 5
65
11 semaines
du 17 avril au 30 juin
6ème période
212**
36

Total périodes études
48
6

Total vacances
* Pour le calcul des périodes de cours, on a travaillé sur la semaine de six jours, et pour les congés, on compté la journée du dimanche quand elle se trouve au début ou à la fin des vacances.
** Il faut retrancher les journées du mois de juin (26 J) et les jours fériés (fêtes religieuses et fêtes nationales), ce qui donne 178 jours de travail.

2)    De nouvelles appellations

La nouvelle circulaire a abandonné les appellations traditionnelles
( vacance mi-trimestrielle, vacances d’hivers et de la fin de l’année , vacances de printemps)  et elle s’est limitée à parler de vacance pour les congés au cours des semestres et de vacances  de mi- année scolaire  pour ceux qui viennent à la fin du premier semestre et qui durent deux semaines.
3)    Plus de congé et moins de journées de travail
La nouvelle organisation du temps scolaire annuel a prévu d’accorder aux élèves cinq périodes de vacances (sans compter les grandes vacances d’été), soit 48 journées, c'est-à-dire une augmentation de 10 jours par rapport aux années précédentes ; au cours l’année 2015/2016, les vacances scolaires duraient 38 jours ( 4+15+4+15).
Si l’on ajoute à ces 48 journées, les jours fériés (8 jours), le total des jours sans classes sera de 58, pour 186 journées de cours, soit une proportion d’un jour de congé pour 3 jours de travail !! (Voir le tableau ci-dessous)

Tableau comparatif entre l’année scolaire 2015 /16 et l’année 2016/ 17

2017-2016
2016-2015

56
46
Total journées de repos
186
201
Total journées de classes
30,1%
22,9%
taux repos/ classes

Les statistiques ci-dessus  traduisent une orientation qui se trouve être à l’opposé des slogans  répétés maintes fois,  qui appellent à la nécessité d’augmenter le nombre de jours de classes pour se rapprocher des normes internationales : alors comment expliquer ce résultat , surtout que le Ministre, M° Jalloul, appelait à avancer la date de la rentrée des classes  pour augmenter le nombre de jours de classes, afin de réduire la charge horaire journalière pour donner aux élèves du temps pour s’adonner aux activités sportives et culturelles ; n’avait-il pas annoncé, à la fin du mois de juin 2016, que le nombre de jours de travail allait passer de 130 jours actuellement à 193 jours, au cours de l’année scolaire 2016 - 2017[6], mais il semblerait que les forces conservatrices et les syndicats des enseignants avaient tout fait pour saborder cette option ; ils ont réussi à défendre leurs « acquis » et à en ajouter quelques jours ; le graphique ci-dessous en est l’illustration.


Eléments de comparaison internationale


Pays
nombre de jours d’école
nombre de jours de congé
Italie
200
84
Allemagne
De 188 à 208 selon les Landers
75
France
144 au primaire 178au secondaire
56
Finlande
190
Entre 70 et 77

 

Les réactions



Dès la publication de la circulaire 55/06-05/2016,  et une fois le nouveau calendrier officiel connu, les réactions ont alimenté les réseaux sociaux ; ces réactions provenaient de simples individus et d’associations qui s’ intéressent au fait éducatif ; dans la grande majorité, les réactions oscillaient entre  de simples  réserves et des rejets total du calendrier ; l’association tunisienne pour la qualité de l’enseignement voit que «  le découpage proposé constitue un  véritable obstacle devant une progression normale de l’acte de l’enseignement et de l’apprentissage , et qu’il n’y avait aucun  sens à une réorganisation de l’année scolaire, sans une révision radicale du système d’évaluation ( la question est plus globale que la simple suppression  ou non de la semaine bloquée). »  Pour l’association,  « il était plus judicieux, en l’absence de cette approche et pour éviter les pressions et les surenchères des uns et des autres, de préparer deux scénarios ( régime semestriel et régime trimestriel amélioré) et de les soumettre aux enseignants, aux parents et aux élèves pour choisir le scénario qui ressemble le plus large consensus [7] ; de son coté,  « le site «supranational» de «pétitions citoyennes»  Avaaz.org  a récemment mis en ligne un appel adressé à Naji Jalloul, ministre de l’Education, sous la forme d’une pétition électronique, qui lui demande de rétablir les vacances d’hiver et de printemps, et il a commencé  à collecter les signatures des citoyens »[8].
Suite à Ces différentes réactions, le ministre de l’éducation est intervenu sur les ondes d’une radio pour annoncer qu’i y aurait bien  un congé de trois jours pour le fêtes de fin d’année, ajoutant qu’il s’agit d’un oubli !![9]   
Le débat renouvelé et parfois passionné   est  la preuve que la question du temps scolaire, et surtout la question des vacances est une question très complexe ; car  c’est une question aux multiples dimensions ( éducatives, sociologiques, économiques) et qui implique différentes parties ( les enseignants/ les parents/les élèves/les acteurs économiques) d’où la difficulté de trouver un scénario qui rassemble ; d’ailleurs, le système éducatif tunisien a déjà vécu une expérience dans ce domaine précis au début des années 2000 , lorsque le Président de la République avait annoncé le 16 juillet 2001 la décision d’organiser une consultation nationale sur le temps scolaire dans les termes suivants ; «  dans le souci de consolider les fondements d’une vie scolaire équilibrée qui garantirait de bonnes conditions pour apprendre et l’établissement  de rapports de dialogue au sein de l’espace scolaire , nous demandons  l’étude de la question du temps scolaire et l’organisation d’une  large consultation à laquelle participeraient les enseignants et les parents en vue de concevoir une nouvelle organisation qui réalisera l’équilibre entre le temps des études , le temps des examens et le temps du repos et de la distraction ».
La mission d’organiser la consultation échoit au centre nationale d’innovations pédagogiques et de recherches éducatives[10], elle avait touché tous les établissements d’enseignement publics et privés et tous les acteurs de l’école ; la consultation s’est faite par la voie d’un questionnaire dont les principaux axes avaient porté sur les débuts des cours à l’école primaire , le découpage de l’année scolaire ( trimestriel ou semestriel) , le système du contrôle continu ( les semaines bloquées et les semaines ouvertes)  , enfin le régime des vacances ( durées, et dates) .
La consultation nationale a donné les résultats suivants :
§  Un accord total sur trois questions qui étaient :
·       Le démarrage des cours à l’école primaire à 8 heures au lieu de 7H 30.
·       L’adoption de la semaine de 5 jours pour l’école primaire
·       L’adoption de la séance unique du matin ou de l’après-midi.
§  un accord partiel sur deux autres questions qui étaient :
·       l’organisation semestrielle avec le maintien de la semaine bloquée.
·       L’adoption d’une organisation des vacances selon la formule de sept semaines de cours suivies de deux semaines de vacances
Le ministère a mis en application les mesures consensuelles au niveau de l’école primaire, dès la rentrée 2002/2003, en mettant des modalités de suivi et d’évaluation, les rapports d’évaluation ont montré :
-         Qu’il y avait une unanimité autour des bienfaits du démarrage des cours à 8h ; et sur la semaine de cinq jours, avec cependant une recommandation de laisser aux directeurs le choix de la deuxième journée de congé selon l’environnement de son établissement.
-         Une satisfaction quant à la séance unique de la matinée, par contre la séance unique de l’après midi n’est appréciée par beaucoup.
-         L’unanimité sur la mesure de réduction de l’horaire hebdomadaire.

Les questions en rapport avec l’enseignement secondaire et le second cycle de l’enseignement de base ( le régime des études, le régime des vacances , le système du contrôle continu )  sont restées en suspend, faute de consensus .
Malgré cet échec relatif, la consultation a montré que la mise en place d’une nouvelle organisation ou d’un nouveau système dans l’école n’est pas un but en soi, mais sa finalité est d’améliorer le climat scolaire, de relever le rendement de l’élève et de trouver le bon équilibre entre les différents temps de l’apprenant (son temps à l’école et son temps au dehors).
La consultation a montré aussi qu’il est impératif de tenir compte de règles au moment où on se prépare à aménager le temps scolaire ; ces règles sont :
Premièrement : tout changement doit répondre à l’intérêt suprême de l’élève avant toute autre considération.
Deuxièmement le respect de l’horaire des cours de chaque niveau scolaire.
Troisièmement s’assurer de l’accord de toutes les parties et de leur engagement à propos de tout changement proposé.[11]

Recommandations en guise de conclusion
Les jugements précipités ne sont ni utiles ni pertinents ; il faudrait attendre l’application des nouvelles mesures et l’épreuve du terrain et l’évaluation avant d’émettre un jugement pour ou contre les nouvelles mesures ; c’est la raison pour laquelle  nous pensons  que le Ministère est appelé à charger un groupe d’inspecteurs  généraux appartenant au différent degrés de l’enseignement et aux différentes disciplines  pour suivre l’application du nouveau calendrier, en cherchant à répondre à 3 questions principales 
Quel impact du nouveau découpage sur l’absentéisme des enseignants surtout à la fin de chaque période ?
Quel impact sur les résultats des élèves aux examens ?
Quel impact sur la réalisation des programmes tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif ?
Ce groupe doit être totalement autonome et doit remettre son rapport, au mois de juillet, pour permettre au ministère de prendre les mesures nécessaires et introduire les correctifs, en cas de besoins.
Hédi Bouhouch & Mongi Akrout, inspecteurs généraux de l’éducation retraités
Tunis, septembre 2016


Articles et études sur la question

الاستشارة الوطنية حول الزمن المدرسي - منشورات المركز الوطني للتجديد البيداغوجي
المدونة البيداغوجية - هادي بوحوش و منجي عكروت - بمناسبة العودة المدرسيّة


  31.01.2011 - 0 h 00, mis à jour le 31.01.2011 à 9 h 26

MEN , Concertationpour la refondation de l’école de la république, Rythme scolaire :éléments de comparaison internationale.
http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-content/uploads/2012/09/consulter_la_comparaison_internationale_sur_les_rythmes_scolaires1.pdf






,[1] La circulaire de l’année 2015-2016 est parue le 9 septembre 2015.
[2] La circulaire du calendrier scolaire paraissait habituellement à la fin de l’année scolaire par exemple celle de 2014 -2015 est parue le 27 mai 2014, celle de l’année 2013- 14 est parue le 25 juin 2013.
[3] Voir la circulaire 55/06-05/2016 datée du 2 septembre 2016.
[4] http://www.kapitalis.com/anbaa-tounes/2016/07/23
[5] Bouhouch Hédi ; l’expérience tunisienne dans l’organisation du temps scolaire, une étude non publiée.
[6] http://www.businessnews.com.tn/neji-jalloul--les-jours-de-classe-passeront-de-130-a-193-pour-lannee-scolaire-2016-2017,520,65467,3
[7] https://www.facebook.com/slim.kacem?fref=ts
[8] "Le site «supranational» de «pétitions citoyennes» Avaaz.org ,,.....a récemment mis en ligne un appel adressé à Néji Jalloul, ministre de l’Education, sous la forme d’une pétition électronique, qui lui demande de rétablir les vacances d’hiver et de printemps comme elles étaient depuis maintenant 60 ans.
La pétition n’a recueilli à ce jour que 2.000 signatures, mais sa mise en cause du nouveau calendrier des vacances scolaires comporte des accusations qui outrepassent les simples arguments pédagogiques ou sociologiques invoqués par le ministre et ses «experts», pour en appeler à l’impératif «que les élèves tunisiens aient les mêmes vacances que tous les élèves du monde entier», soit l’ouverture sur le monde que prône notre Constitution, de même que le respect de l’histoire et de la tradition. Par M’hamed JAÏBI
http://www.lapresse.tn/07092016/119637/il-monte-dans-les-sondages-et-redessine-les-vacances.html
[9]  le ministre évoqua la question au cours d’une émission de Radio SHEMS fm  , le mercredi 14 septembre 2016 , c'est-à-dire la veille de  la rentrée.
[10] la consultation a été réalisé en 2002   , le CNIPRE a publié ses résultats , le rapport se trouve à la bibliothèque du centre.
[11] Ce dernier paragraphe est extrait de l’étude de Hédi Bouhouch, opt cit

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