lundi 2 novembre 2015

Les références de la réforme scolaire : Deuxième partie




Le blog pédagogique ouvre pour la troisième fois ses pages à   notre collègue Amor Bennour , Inspecteur général et Directeur de l’Inspection générale  depuis sa création au début des années quatre vingt dix contribuant à la mise en place de cette noble  institution, pour poursuivre ses réflexions sur les réformes éducatives (A propos de la réforme du système éducatif   et A propos de le réforme éducative : les références juridiques)
  et pour parler cette fois des références  pédagogiques des réformes . 

Nous remercions Si Amor pour ses contributions et nous serons toujours heureux de lui ouvrir les pages du blog pédagogiques ;  nous souhaitons que d’autres collègues suivent l’exemple de Si Amor  pour enrichir la scène nationale  de leurs expériences, le blog pédagogique leur est toujours ouvert.


Hédi Bouhouch  et Mongi Akrout



Introduction
Nous avons vu, dans une précédente note, les références juridiques qui déterminent l’action éducative, en insistant sur les réformes éducatives, pour terminer par les principaux objectifs du 11ème plan du développement de l’éducation qui a été arrêté par la révolution.
Et avant de poursuivre,  dans cette note, l’étude des références pédagogiques sur lesquelles s’appuie l’acte éducatif, il serait bon de préciser que les principes que nous évoquons sont des principes universels, et ils sont loin d’être spécifiques à notre système éducatif, mais nous les partageons avec  d’autres systèmes éducatifs.

Prenons, par exemple, le principe de « l’éducation est une priorité nationale absolue », ou encore celui qui déclare que «  l’élève est au centre de l’action éducative », nous les retrouvons dans la loi d’orientation française, plus connu sous le nom de la « loi Jospin » de 1989[1] ; la première phrase de l’article premier de la dite loi dit ceci :« L’éducation est la première priorité nationale » ; on retrouve aussi presque la même similitude  à propos de la place de l’élève ou de l’étudiant, où il est dit : « Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants » ;   « Les élèves et les étudiants élaborent leur projet d’orientation scolaire, universitaire et professionnelle, en fonction de leurs aspirations et de leurs capacités, avec l’aide des parents, des enseignants, des personnels d’orientation et des professionnels compétents. Les administrations concernées, les collectivités territoriales, les entreprises et les associations y contribuent. »
Dans la loi marocaine, «  la charte nationale d’ éducation et de formation »,[2]   on lit dans l’article 21 ceci : « Le secteur de l'éducation et de la formation est érigé, en première priorité nationale, après l'intégrité territoriale » . L’article 6 dit que «   La réforme de l'éducation et de la formation place l’apprenant, en général, et l'enfant en particulier, au centre de la réflexion et de l'action pédagogiques ».
Ces deux exemples sont la preuve que les principes qu’on a cités étaient devenus des principes universels, partagés par les systèmes éducatifs qui aspirent au progrès, et regardent vers l’avenir et croient au rôle de l’école.

Les références pédagogiques

1.    Le programme des programmes
Ce document est paru en 2003 , préparé par la Direction des programmes et de la formation continue ; c’est la première fois, dans l’histoire de l’école tunisienne, que ce type de document  est produit ; mais il était connu, dans d’autres pays telle que la France ou la Belgique, où il est connu sous le nom de «  socle de compétences » ; le programme des programmes a délimite’ le profil et les compétences de l’élève à la sortie du système, et les niveaux de leur réalisation à la fin de chaque cycle ; il a ensuite détaillé ( précisé) les dimensions personnelles , civiques, cognitives , culturelles et scientifiques ; et il a, enfin, énuméré les huit compétences transversales[3] que devrait acquérir chaque apprenant, à la fin de sa scolarité ; ces compétences sont :
-         S’exprime de façon adéquate pour communiquer
-         Exploite les données
-         Adopte une méthodologie de travail efficace
-         Utilise les nouvelles technologies
-         Réalise un projet
-         Résout les problèmes
-         Communique avec autrui pour vivre avec les autres et travailler avec eux
-         Use de l’esprit critique.
Ces compétences ont été réparties selon les domaines du savoir, à savoir  le domaine des langues, celui des sciences exactes, des sciences humaines, de la technologie et des arts.  Ceux qui analysent tout cela remarquent la noblesse des finalités éducatives et l’image du futur citoyen formé à l’école et à l’université tunisienne ; mais est- ce que nos programmes et nos méthodes ont-ils traduit ces finalités sur le terrain et la réalité quotidienne de l’école avant de parler d’un cadre plus large ( la société) ? Ou qu’entre les ambitions et la réalité il ya des distances ? Dans quelle mesure l’élève d’aujourd’hui est-il capable de communiquer dans une langue saine et correcte ? Dans quelle mesure use-t-il de l’esprit critique ? et quel projet peut-il entreprendre ? Et dans quel domaine fait-il appel aux nouvelles technologies ? Et bien d’autres questions se posent à nous aujourd’hui ;  or,  même si la réforme de 2002 n’a pas fait l’objet d’une évaluation scientifique , l’impression dominante aussi bien chez  monsieur tout le monde, comme chez les personnes du domaine est que l’écart entre la théorie et  la pratique est énorme, et qu’il y a eu un disfonctionnement entre les inputs et les outputs, qui est du en grande partie aux décisions irréfléchies des ministres qui se sont succédés,  à Bab Benet, ces dernières années ; des décisions qui ne tenaient pas compte de la structure du système, ce qui provoque des dégâts au niveau de ses  bases mêmes,  et crée des lacunes qui entrainent des  résultats négatifs inattendus ou  imprévisibles.

2.    Les programmes

La réforme éducative a nécessité l’élaboration de nouveaux programmes pour tous les cycles,  qui devraient théoriquement  aider à réaliser les compétences citées ci-dessus ; les différentes commissions chargées de l’élaboration des programmes ont travailler studieusement dans ce sens ; mais si nous avons noté un changement dans les nouveaux programmes du premier cycle de l’enseignement de base ( l’école primaire) qui ont essayé de répondre aux exigences des compétences, les programmes des deux autres cycles  n’ont  été touchés par le vent des compétences  que superficiellement, où  l’approche par objectifs  s’est maintenue ( centré sur les savoirs , savoir- faire et le savoir être ), si bien que les changements sont restés au niveau des savoirs et des connaissances seulement ; ainsi nous ne trouvons pas de liens solides entre ces programmes et les contenus du document du programme des programmes ; et s’il n’y avait pas eu les initiatives des équipes d’élaboration des manuels, qui ont fait que les manuels soient en avance sur les programmes, on serait tenté de dire qu’il n’y a eu  guère de changements.

3.    Les écoles et les courants scientifiques et pédagogiques : les fondements épistémologiques  auxquels  s’est référé le programme
 Au cours des années quatre- vingt, nos pratiques pédagogiques ont vu arriver la pédagogie par objectifs ; en fait, le mérite revient au programme de l’éducation en matière de population à l’époque,  qui a contribué à vulgariser cette approche et à former les enseignants,  en plus de la production et  la  distribution  de livrets qui ont aidé les enseignants à s’approprier la nouvelle approche  qui se réfère à l’école béhavioriste ;[4] l’adoption  de la nouvelle approche  par nombreux  enseignants  et inspecteurs,  sans réserves  notables,  s’explique, à notre avis, par le fait qu’elle n’était ni  parachutée, ni imposée ; mais elle était le fruit d’un groupe d’éducateurs motivés, même les hésitations des autres  furent surmontées après leur formation  et leur encadrement ; ainsi, l’approche finit par  devenir  une pratique courante, avant d’être de devenir une pratique officielle appliquée dans les programmes , les recommandations et les manuels scolaires ;  et elle continue à être présente au niveau du deuxième cycle de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire,  après avoir été enrichie par la pratique des enseignants et des inspecteurs qui ont eu des formations dans d’autres approches,  qui sont apparues après la pédagogie par objectifs.
Et, afin de suivre l’évolution de la recherche scientifique et pédagogique, et  dans le cadre de l’intérêt  de plus en plus important accordé  à ce qu’on appelle aujourd’hui la didactique, l’école tunisienne,  comme d’autres  écoles ailleurs, s’est  ouverte  sur de nouveaux courants qui s’inspirent du constructivisme[5] et du cognitivisme, [6]  et sur les approches pédagogiques qui en découlent , lesquelles s’intéressent beaucoup à la nature des savoirs et  au rôle de l’apprenant dans la construction de ces savoirs,  comme elles s’intéressent aussi  aux cheminements intellectuels, affectifs et sociaux  qui accompagnent l’acquisition des nouveaux  savoirs, et la  remédiation et des reprises que nécessitent ces savoirs, et de la structuration continue des pré- requis  nécessaires, ces théories étaient à l’origine de l’approche par compétence que nous traiterons dans le prochain article ( à suivre)

Amor Bennour , Inspecteur général de l’éducation
bennour.amor@gmail.com     
Traduction Hédi Bouhouch & Mongi Akrout
Tunis,  Octobre 2015.  

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Articles publiés par le blog pédagogique sur le même thème
Bouhouch et Akrout . Les axes de la future réforme de l’éducation aux yeux du nouveau ministre de l’éducation tunisien
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2015/03/les-axes-de-la-future-reforme-de.html
Bennour, A. A propos de la réforme du système éducatif  -
Bennour, A.  A propos de le réforme éducative : les références juridiques
Bouhouch et Akrout . Rapport de la commission sur l’enseignement secondaire[1] L’Action 18-9-1967

Jerbi,A.  La politique éducative ou quelle politique éducative pour quelle réforme de l'éducation?
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2015/10/avant-propos-cette-semaine-le-blog.html
Boukhari . O.  la gouvernance du système éducatif tunisien


















[3] Les compétences transversales : Dans le langage pédagogique courant, la compétence transversale renvoie aux capacités, et aux mécanismes cognitifs. On retrouve alors des opérations mentales comme déduire, induire, synthétiser, comparer, par exemple ou encore les mécanismes intellectuels qui figurent dans la taxonomie de Bloom (comprendre, appliquer, analyser, transposer, interpréter, extrapoler, synthétiser, évaluer, ...). Dans la même veine, on appelle aussi compétences transversales, des savoir-faire méthodologiques (prendre des notes, structurer un discours, manipuler des concepts et, d’une manière générale, maîtriser l’abstraction) Dans un registre connexe, on appelle également compétences transversales, ce que nous avons appelés attitudes, les savoir-être (pouvoir travailler un groupe, participer aux institutions de citoyenneté, réaliser des projets personnels ou professionnels, écouter un interlocuteur dont on ne partage pas les idées, être assertif, oser parler en public, avoir de l’entregent, ...)[4].
Ainsi conçue, la compétence transversale donne lieu à un débat parmi les didacticiens : la compétence transversale existe-t-elle en elle-même, c’est-à-dire est-ce une compétence identifiable et stabilisée (dont on peut établir un référentiel comme dans le cas d’un cuisinier ou d’un chauffeur de poids lourds, par exemple) ou est-ce un potentiel général susceptible de s’exprimer dans diverses circonstances ?
[4]Pour « le béhaviorisme : enseigner c’est stimuler, créer et renforcer des comportements observables appropriés.. Apprendre c’est Associer, par conditionnement, une récompense à une réponse spécifique.. Les  méthodes pédagogiques appropriées : Programme d’autoformation assistée par ordinateur..
Anastassis Kozanitis , les principaux courants théoriques de l’enseignement et de l’apprentissage : un point de vue historique . Bureau d’appui pédagogique , Page 5 ; Septembre 2005 École Polytechnique
[5]  Pour « le constructiviste enseigner c’est offrir des situations obstacles qui permettent l’élaboration de représentations adéquates du monde. Apprendre c’est construire et organiser ses connaissances par son action propre. Les  méthodes pédagogiques appropriées : Apprentissage par problèmes ouverts, étude de cas.
Anastassis Kozanitis , les principaux courants théoriques de l’enseignement et de l’apprentissage : un point de vue historique . Bureau d’appui pédagogique , Page 5 ; Septembre 2005 École Polytechnique
[6] Pour le cognitivisme  enseigner  c’est présenter l’information de façon structurée, hiérarchique, déductive.. Apprendre c’est Traiter et emmagasiner de nouvelles informations de façon organisée.. Les  méthodes pédagogiques appropriées : Exposé magistral, résolution de problèmes fermés.
Opt cite

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