lundi 9 mars 2020

L’école militaire du Bardo ou l’école polytechnique



Hédi Bouhouch
Notre cher et respectable ami Ridha Besbes a publié un post le 5 mars 2020 pour  nous rappeler que cette date correspond à la création de l'école militaire du Bardo dans lequel , il a écrit ceci" Aujourd'hui , nous fêtons le 180ème anniversaire de la naissance de l'école militaire du Bardo qui fut fondée le 5 mars 1840 sous le règne du Bey Ahmed Ben Mustapha Bey , cette institution formait les hauts cadres de l'Etat, et elle était la première ouverture  sur les sciences modernes et sur la modernité , cette institution a donné au pays le Général Khair-Eddine et le  Général Hussein et bien d'autres"  
 Merci  Si Ridha de rappeler cet événement marquant dans l'histoire de notre pays en général et l'histoire de l'éducation et de l'école en particulier, le blog pédagogique se joint à cette initiative en publiant un extrait d'une Histoire des réformes éducatives en Tunisie  déjà publié 9 /11/2015.

Les lecteurs désireux de consulter l'ensemble de l'étude , peuvent le faire en cliquant sur les liens ci-dessous:

Histoire des réformes éducatives en Tunisie depuis le XIXème siècle : première partie :introduction générale

https://bouhouchakrout.blogspot.com/2015/11/histoire-des-reformes-educatives-en.html

Histoire des reformes scolaires : les réformes à l’époque du protectorat : deuxième partie : La mise en place d’un enseignement public moderne





 L'extrait

"Ahmed Bey[1] qui régna de 1837 à 1855 était au courant des réalisations de Mohamed Ali en Egypte, surtout ses réformes militaires, il voulait en faire de même en Tunisie pour affirmer son indépendance vis-à-vis du gouvernement central ottoman. C’est dans le cadre  de la réforme  de l’armée   qu’il a entrepris d’ouvrir une école militaire dans le village de Mhamdhia, proche de Tunis en 1837, au mois de mars 1840, l’école fut transférée au Bardo[2], cette école avait pour mission  de «  former les officiers de l’armée et les fonctionnaires de l’administration dont le pays a besoin selon une formation moderne[3] ».

Cette première expérience réformatrice se caractérisait par :

-         Son caractère sélectif, l’école recrutait ses élèves dans une sphère très réduite, il s’agit de la sphère de la classe dirigeante et de sa cour (Emirs, fils de mamelouks, quelques élus issus des grandes familles tunisoises proches du palais).
-         Ses critères de recrutement : Les élèves  recrutés doivent appartenir à la tranche d’âge entre 12 et 14 ans et avoir des connaissances en langue arabe et une culture arabo-musulmane, la durée des études étant de 6 ans , les lauréats auront entre 18 et 20 ans à leur  sortie  avec le grade de sous lieutenant.
-         Un système de   formation semblable aux systèmes des écoles    analogues européennes, cela traduit les objectifs du fondateur de l’école qui voulait que son pays se rapproche du modèle  des pays européens , ainsi l’école adopta les programmes des écoles militaires françaises et faisait appel à des formateurs parmi des officiers européens qui ont participé aux différentes guerres européennes.
-         Par ses programmes qui accordaient une place importante aux sciences et aux techniques militaires, à la géographie et à l’histoire  et aux langues étrangères : les leçons   de  mathématiques étaient  très denses, elles s’étalent sur une année  et demi  à raison de sept heures et demi hebdomadaires de cours et huit heures d’exercices, la géographie et l’histoire occupaient elles aussi une place importante dans les programmes avec une moyenne de six heures par semaine durant deux années.
-         L’enseignement des matières techniques et scientifiques  se faisait dans les langues européennes comme le français et l’italien en plus du turc, mais les élèves suivent aussi des cours d’arabe et de civilisation arabo musulmane qui était assuré par Cheikh Mahmoud Kabadou[4] qui avait aussi la charge de superviser la traduction des ouvrages étrangers que réalisaient les étudiants avec l’aide d’un orientaliste italien.
Ainsi on peut affirmer , qu’avec l’école polytechnique , le souverain Ahmed Bey , fut le premier à instituer le bilinguisme à l’école tunisienne avec une prédominance des langues étrangères dans l’enseignement des sciences et des techniques , pendant  que la langue arabe fut réduite à enseigner la littérature arabe et à la traduction des ouvrages et les livres étrangers.

Malgré les difficultés vécues par cette institution ,surtout après la mort de son fondateur[5] ,  elle a néanmoins réussi à jouer un rôle primordial dans l’histoire du pays , en fournissant à l’état une élite qui va diriger le pays comme le ministre Khair-Eddine, les généraux Rostom et Hussein, mais le plus important , c’est que «  cette institution … a eu des influences décisives non seulement dans la diffusion de l’enseignement moderne en Tunisie mais aussi sur la formation   de groupes politiques , d’une  pensée culturelle, politique et idéologique moderne »[6]"

Tunis , mars 2020

Extrait de l' histoire des réformes éducatives en Tunisie  depuis le XIXème siècle jusqu’à nos jours : les réformes de la période précoloniale (2ème partie). Bouhouch,H &Akrout,M. Blog pédagogique, numéro du 09/11/2015.



[1] « Ahmad Bey … a toujours manifesté une grande admiration à Napoléon Bonaparte , et dont l’histoire et la vie , traduite à sa demande constituait , ainsi que les Prolégomènes de Ibn Khaldûn , les livres de chevet » B.Diyâf, Tunis,1963,IV, pp 179 . Cité par Tlili,B , opt cité, p.504.
[2]   Ahmad  b.  Abi Diyâf  ( 1804-1874) rapportait  que “ le premier mouharem de l’année 1256  de l’hégire , le bey organisa une école de guerre au Bardo , dans les son palais après avoir déménagé dans son nouveau palais »  la direction de l’école a été confié en 1840 à un officier Italien arabisant , le dénommé Calligaris qui s’est fait aidé par trois autres officiers : un italien , un français et un anglais.
[3]  Voir Tlili,B.opt cité. p .447.
[4] Mahmûd Qâbâdû ( 1812-1871) , fut nommé à l’école polytechnique en qualité de professeur de langue et de lettres arabe , professeur à la mosquée Az- zaytûna  , « poète néo- classique ,écrivain moderne  et réformateur convaincu », sous le règne de As-Sâdiq Bey il est promu Qâdi du Bardo puis Muftî » ( Tlili) p 507
[5]  L’école ferma ses portes en 1868 ou en 1869 selon les différentes versions, l’historien Hamadi Sahli penche vers la seconde date, il rapporta ceci : «  après la promotion de Mohamed Karoui , Sadok Bey a décidé , après l’institution de la commission financière internationale, de fermer définitivement l’école militaire du Bardo a cause du cout élevé de sa gestion » 
[6] Béchir Tlili , opt cité 446

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