lundi 2 mars 2020

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances : Deuxième point à l'ordre du jour : Surveillance des établissements d’enseignement privés


Dans le cadre de l'histoire du conseil supérieur de l'éducation, le blog pédagogique présente à ses lecteurs un document vieux de plus d'un siècle , il s'agit du procès verbal de la session  du conseil de l'instruction publique tenue au mois de mai 1905 au siège de la direction de l'instruction publique (équivalent du ministère de l'éducation) .
Les travaux de la session étaient présidés par le directeur de l'instruction publique Louis Machuel avec la participation de tous ses membres dont la majorité appartenait à l'enseignement à l'exception de deux représentants de la justice, notant en passant qu'aucun membre tunisien ne figurait à cette époque au CIP.

Le conseil était appelé à étudier dix questions inscrites à l'ordre du jour , ce qui avait nécessité deux journées entières pour achever  l'ordre du jour .
La lecture du PV montre qu'il y avait un véritable débat contradictoire et qu'à la fin les décision sont prises à la majorité.
Enfin , ce qui est remarquable ,c'est que le PV est rendu public , puisqu'il est publié dans le bulletin officiel de l'enseignement public qui mis à la disposition de toutes les établissements scolaires .

"Cette question est également mise à l'étude et confiée à une commission composée de mm. buisson, Duval, Baille, Tremsal, Aurès et Ouziel. à ce propos, M. Berge et M. Bourgeon expriment le regret que leurs occupations ne leur permettent pas de prendre part aux travaux de la commission, dont ils examineront les conclusions avec le plus vif intérêt et avec le désir d'apporter au conseil le concours de leur compétence juridique".

ANNEXE B. Surveillance des établissements d'enseignement   privé (enseignement primaire et enseignement secondaire).
M. BAILLE, rapporteur.
Il n'existe pas actuellement de texte coordonnant les règles suivies en Tunisie dans la surveillance des établissements d'enseignement privé, primaires et secondaires, avec ou sans internat.
M. Tremsal, Chef du Cabinet du Directeur de l'Enseignement a donné à la Commission quelques renseignements sur le fonctionnement de ce service :
1° Les Chefs d'établissement tiennent un registre du personnel, établi sur un imprimé fourni par l'Administration;
2° Chaque année des notices individuelles sur le personnel enseignant et une statistique des élèves sont adressées à la Direction de l'Enseignement par chaque établissement.
En fait, les inspections proprement dites sont très rares.
Ces explications entendues, la Commission a mis en parallèle la législation française et la législation tunisienne, qui sont les suivantes :

FRANCE

TUNISIE

Loi du 30 octobre 1886
ART. 9. — L'inspection est exercée :
1° Par les inspecteurs généraux ;
2° Par les directeurs et les inspecteurs d'académie ;
3° Par les inspecteurs de  l'enseignement primaire ;
4° Par les membres du Conseil départemental désignés à cet effet (1/3 des membres),
5° Par le maire et les délégués cantonaux ;
6° Par les inspectrices générales et départementales des écoles maternelles ;
7° Par les médecins-inspecteurs.
Décret du 15 septembre 1888
ART. 2. — L'inspection des établissements scolaires s'exerce par le Directeur de l'Enseignement ou ses délégués.

L'inspection des écoles privées porte sur la moralité, l'hygiène, la salubrité et sur l'exécution des obligations imposées a ces écoles par la loi du 28 mars 1882 (loi sur l'obligation scolaire). Elle ne peut porter sur l'enseignement que pour vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la constitution et aux lois.
Dans tous les internats de jeunes filles, l'inspection des locaux affectés aux pensionnaires et du régime intérieur du pensionnat est confiée à des dames déléguées par le Ministre de l'Instruction publique.

L'inspection des écoles privées porte sur la moralité, l'hygiène et la salubrité.
Elle vérifie si l'enseignement n'y est pas contraire à la morale et aux lois du pays, et si la langue française y est enseignée.


Décret du 18 janvier 1887.
ART. 141. — L'inspection des médecins-inspecteurs ne peut porter que sur la santé des enfants, la salubrité des locaux et l'observation des règles de l'hygiène scolaire.
ART. 143. — Les dames désignées pour l'inspection et la surveillance des internats de jeunes filles visitent les établissements qui leur sont désignés par l'Inspecteur d'Académie.
Leur inspection porte exclusivement sur le régime intérieur du pensionnat et sur l'état des locaux affectés aux élèves internes. Elles s'assurent que les règles de l'hygiène sont observées dans l'établissement et que les dortoirs ne contiennent pas plus d'enfants qu'ils ne doivent en recevoir d'après le chiffre fixé pur le Conseil départemental. Elles adressent un rapport écrit à l'Inspecteur d'Académie.
ART. 167. — Les personnes préposées par la loi à l'inspection des établissements d'instruction primaire (inspecteurs généraux, recteurs, inspecteur d'académie, inspecteurs primaires) ont le droit de se faire présenter, dans les écoles privées, les livres en usage et les cahiers des élèves.
Elles dressent procès-verbal de toutes les contraventions qu'elles reconnaissent.
Si la contravention consiste dans l'emploi d'un livre interdit, ce livre peut-être saisi, il est joint au procès verbal.
AR. 168. — II doit être ouvert, dans toute école primaire privée, un registre spécial destiné à recevoir les noms, prénoms, date et lieu de naissance des maîtres et employés, l'indication des emplois qu'ils occupaient précédemment et des lieux où ils ont résidé, ainsi que la date dos brevets ou diplômes dont ils seraient pourvus.
Les autorités préposées à la surveillance de l'instruction publique doivent toujours se faire représenter ces registres quand elles inspectent les écoles.
ART. 173. — Le Conseil départemental détermine le nombre maximum d'élèves qui peuvent être admis dans un internat et le nombre des maîtres nécessaire à la surveillance. Mention en est faite par l'inspecteur d'Académie sur le plan du local. Ce plan est renvoyé à l'instituteur qui est tenu de le représenter aux autorités préposées à la surveillance des écoles.
ART. 175, — Tout instituteur qui reçoit des pensionnaires doit tenir un registre sur lequel il inscrit les noms, prénoms, le lieu et la date de naissance de ses élèves pensionnaires, la date de leur entrée et celle de leur sortie.
Chaque année, il transmet, avant le 1er novembre à l'inspecteur d'Académie, un rapport sur la situation et le personnel de son établissement.






















Décret du 2 décembre 1903
 Il sera ouvert dans toute école privée un registre spécial destiné à recevoir les noms, prénoms, date et lieu de naissance des maîtres et employés, l'indication des emplois qu'ils occupaient précédemment et des lieux où ils ont résidé, ainsi que la date des brevets et diplômes dont ils seraient pourvus.
Les inspecteurs ont le droit de se faire présenter dans les écoles privées les livres en usage, les cahiers des élèves et le registre prévu ci-dessus.


La Commission propose au Conseil d'émettre le voeu suivant :
1° Que les dispositions déjà inscrites dans les règlements en Tunisie (tenue du registre du personnel — production par les chefs d'établissement des notices individuelles et des diplômes des maîtres — droit d'inspection, examen des livres et des cahiers des élèves — rapports et statistiques annuels) soient maintenues et complétées par les suivantes:
a) Tenue d'un registre matricule par école et d'un registre d'appel par classe ;
b) Droit pour les inspecteurs d'assister aux leçons et d'interroger les élèves ;
c) Pour les internats de garçons et de filles, droit de  surveillance et d'inspection des locaux et du régime intérieur (l'inspection des internats de jeunes filles étant confiée à des dames) dans des conditions analogues à celles prévues par les règlements de France — tenue d'un registre des pensionnaires — rapport annuel du chef de l'internat au Directeur de l'Enseignement.
2° Que le droit d'inspection s'exerce effectivement et périodiquement



Au nom de la Commission nommée à cet effet, M. Baille donne lecture d'un rapport sur la question (Annexe B.), Ce rapport contient un exposé comparatif de la législation française et de la législation tunisienne en ce qui concerne l'inspection des écoles privées et se termine par l'énoncé d'un vœu soumis au conseil par la Commission. Avant d'ouvrir la discussion, le Président fait passer sous les yeux des membres du Conseil un exemplaire du registre du personnel envoyé par les soins de la Direction de l'Enseignement à tous les chefs d'établissements scolaires privés.
M. Baille, après la lecture de son rapport, fait observer que les lois tunisiennes n'ont pas fixé de limite d'âge dans les écoles privées et qu'il serait peut être bon, pour éviter des abus, d'étendre sur ce point le règlement des écoles publiques aux écoles privées, Le Conseil est de cet avis et décide ,l'adjonction au vœu proposé d'un paragraphe visant la limite d'âge. Sur une observation du Président, le Conseil décide en outre de ne pas exiger des directeurs de pensionnat la tenue d'un registre spécial des pensionnaires et l'envoi d'un rapport annuel. Le registre des pensionnaires ferait double emploi avec le registre matricule et le rapport annuel peut être supprimé, par l'adjonction aux renseignements demandés annuellement à toutes les écoles privées de la rubrique : Renseignements sur le fonctionnement de l'internat,
Mais la discussion a surtout porté sur le droit d'inspection. La Commission proposait que les Inspecteurs eussent le droit d'assister aux leçons et d'interroger les élèves. Le Président fait sur ce point les plus expresses réserves, ce droit n'étant pas reconnu par la loi française, et son application pouvant soulever de graves difficultés. M. Berge et M. Bourgeon sont d'avis qu'il n'y a pas lieu pour le moment d'introduire cette innovation. Sans doute, comme le font remarquer M. Baille et M. Aurès, ce serait pour l'administration un moyen d'être plus exactement renseignée. Mais ce pourrait être aussi pour elle une source d'ennuis et de conflits, Il vaut mieux, ajoute M. Berge, se contenter d'organiser sérieusement l'inspection dans les limites tracées par la législation sur la matière.
M. Ouziel ayant déclaré, à ce propos, que les règlements des écoles de l'Alliance israélite prévoient le droit d'inspection et d'interrogation par les autorités locales, le Président fait remarquer que ces écoles en Tunisie, si elles ne sont pas publiques, sont du moins subventionnées pur le Gouvernement tunisien, ce qui permet de les considérer un peu comme écoles dépendant de la Direction de l’enseignement. Elles rendent d'ailleurs de précieux services et les représentants de l'administration y ont toujours été accueillis avec empressement.
Le Président donne ensuite au Conseil les raisons pour lesquelles jusqu'à présent l'inspection effective des établissements privés n'a pour ainsi dire pas eu lieu. On s'est borné à une enquête annuelle sur leur personnel et leur population scolaire.
Après ces explications et sous ces réserves les conclusions de la Commission sont adoptées et le Conseil émet le vœu.
1° Que les dispositions déjà inscrites dans les règlements en Tunisie (tenue du registre du personnel, production par les chefs d'établissement des notices individuelles et des diplômes des maîtres, droit d'inspection, examen des livres et des cahiers des élèves, rapports et statistiques annuels), soient maintenues et complétées par les suivantes :
a) tenue d'un registre matricule par école et d'un registre d'appel par classe.
b) pour les internats de garçons et de filles, droit de surveillance et d'inspection des locaux et du régime intérieur (l'inspection des internats, de jeunes filles étant confiée à des dames) dans des conditions analogues à celles prévues par les règlements de France.
2°  Que le droit d'inspection s'exerce effectivement.
3° Que le règlement en usage dans les écoles publiques, en ce qui concerne l'âge d'admission des élevés, soit étendu aux écoles privées
.
Fin de la discussion du 2ème  point de l'ordre du jour, A suivre.
Pour revenir aux points précédents , cliquer ci-dessous:

Conseil del'instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances(discussion du 1° point de l'ordre du jour).

Conseil del'instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances(2ème, 3ème et 4ème point à l'ordre du jour)

Conseil del'instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances:discussion du 5ème et du 6ème point

Conseil del'instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances: discussion de la 7ème et 8ème question

Conseilde l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances : discussion de la 8 ème question: manuels scolaires




Présentation Mongi Akrout, Inspecteur Général de l'enseignement retraité.
Tunis , janvier 2020.


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Conseil de l'Instruction publique (Sessionordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances: discussion du 5ème et du 6ème point

Conseil de l'Instruction publique (Sessionordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances : discussion de la 7ème etreprise de la 1ème question

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